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Les c ?urs et les esprits des jeunes Musulmans seront gagnés ou perdus dans les mosquées

lundi 16 juillet 2007 - 06h:22

M. Bunting - The Guardian

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Mosquée de Finsbury Park - Londres.

Deux jours après les attentats du 7 juillet à Londres, les chefs de la communauté musulmane se sont réunis au Centre Musulman de Londres pour étudier l’impact des attaques et discuter de qui auraient pu les avoir organisés. Beaucoup parmi les présents refusaient qu’il puisse s’agir de Musulmans - Le refrain commun était que cela aurait pu être le fait de Français, car ceux-ci venaient juste de perdre l’organisation des jeux olympiques.

La discussion montrait la jeune génération des Musulmans actifs nés en Grande Bretagne grinçant des dents devant la naïveté entêtée du leadership de la vieille génération. Leurs aînés ont complètement échoué à saisir comment la communauté a été poussée dans un conflit politique global qui interagissait avec une crise locale d’identité et un conflit de génération.

Avancez de deux ans et l’histoire a changé. Le vendredi, une campagne a été lancée avec des publicités en pleine page dans les journaux condamnant les attentats organisés à Londres et à Glasgow et promettant un soutien complet pour avertir contre des futures attaques. Le samedi, des activistes musulmans et des imams de tout le pays se sont réunis à Londres pour considérer ce qui pourrait être fait pour combattre l’extrémisme. Parmi les intervenants, il y avait des membres de la police métropolitaine des opérations contre le terrorisme.

D’autres campagnes de publicités sont planifiées pour cette semaine. Les Musulmans de Grande Bretagne ont lancé leur tentative la plus concertée pour gagner les c ?urs et les esprits du public et pour s’éloigner des activités des extrémistes violents qui prétendent agir au nom de leur foi.

Pour une génération plus jeune des activistes de la communauté, c’était la percée qu’ils attendaient depuis des années. Ils admettent qu’il y avait un refus dans la communauté (ndt : d’accepter que des membres de la communauté puissent commettre ces attentats) qui avait inspiré des théories fantaisistes de complot, mais ce qui les a permis d’affronter ce refus était l’existence d’un grand volume d’indices dans les récentes tentatives. L’extrémisme violent ne peut pas être renvoyé comme la responsabilité du corps étranger. La semaine dernière, on a vu une succession de nouvelles histoires effrayantes. D’abord, c’était les cas choquants des attentats tentés à Londres et à Glasgow dans lesquels des médecins et des pères de familles respectés étaient soupçonnés d’être les meneurs. Puis il y avait ces deux procès contre le terrorisme à Manchester et à Woolwich qui avaient abouti à trois condamnations.

Pour une plus vieille génération qui a émigré des régions appauvries du sous-continent rural pour offrir à leurs familles une meilleure vie au Royaume Unis, cette crise est complètement et douloureusement affolante : où s’étaient-ils trompés ? Leur confusion et la pression qu’ils subissent sont telles qu’ils pourraient être forcés à abandonner le leadership de la communauté. Pendant ce temps, parmi leur progéniture, la crise entraîne beaucoup de questionnement sur ce qui dans leur foi et leur acquis culturel et historique pouvait laisser de l’espace au développement de l’extrémisme. Beaucoup de Musulmans sont exaspérés par l’injustice et sont en colère à cause de la politique étrangère britannique, mais ils ne complotent pas pour tuer des civils innocents - alors qu’est ce que c’est que ces djihadistes qui les entraînent dans de telles atrocités ? Et qu’est qu’ils utilisent pour leur donner le sentiment qu’ils ont le droit de commettre de si terribles crimes ?

En répondant à de telles questions, une autocritique nouvelle et honnête est remarquable. Dans les derniers jours passés, des activistes reconnus de la communauté musulmane ont admis devant moi que ce qui les inquiétait était que certaines questions théologiques n’avaient pas été bien clarifiées, et pouvaient être utilisées pour justifier l’extrémisme. La plus importante question est la séculaire distinction entre « dar al-Islam » (la terre de l’Islam) et « dar al-harb » (la terre de l’autre, de la mécréance - ou de la guerre selon les traductions littéraires de l’Arabe). Cette diabolisation de tout qui n’est pas musulman est la « réponse paradigmatique, instinctive que les gens ont trouvé dans un instant de crise », m’a-t-on dit. Les extrémistes de « Hizb ut-Tahrir » utilisent ce dualisme, comme le font les djihadistes, pour justifier leur mépris des droits - et des vies - des « kufar », les mécréants.

Différents théologiens islamiques ont essayé d’affronter cette intolérance. Dr Zaki Badawi (un savant musulman influent et visionnaire d’origine égyptienne. Il vivait et travaillait en Angleterre durant les 30 dernières années où il est décédé en 2006, ndt.) a dit qu’il était inacceptable de désigner le Royaume Uni comme « dar al-harb » et a déclaré une troisième catégorie, la terre du pacte - dar al-soulh - où les Musulmans sont entrés dans un pacte pour obéir à la loi en échange de la protection et de la liberté. Significativement, ceci était une idée promue par le théologien égyptien controversé Yousouf Al-Qaradawi (l’un des plus grands savants musulmans de la fin du 20e du début du 21e siècles, ndt.), cette figure détestée par des néoconservateurs, ces vingt dernières années.

Il y a également d’autres lourdes questions, comme l’héritage des penseurs anticoloniaux comme Sayyid Qutb (penseur influent et leader des frères musulmans en Egypte pendu en 1966 par le régime égyptien, ndt.) et Maulana Abul Ala Mawdudi (penseur musulman influent pakistanais décédé en 1979, ndt.), dont la rhétorique inflammatoire antioccidentale, sortie de son contexte, peut apparaître plus comme une charte pour le djihad. Leurs livres sont encore vendus par les principales organisations musulmanes : pourquoi ? se demande Yahya Birt (alias Jonathan Birt, chercheur et écrivain britannique convertie à l’Islam en 1997, fils de Sir John Birt, ex directeur de la BBC, ndt.), un membre important de cette nouvelle génération réformatrice dans une publication récente sur son blog. N’est-ce qu’une fidélité tribale ou alors quoi d’autre ? se demande-t-il.

Le fait remarquable est que ces sujets sont exposés en public et sont même discutés avec des non-Musulmans ; durant des années, la peur de laver son linge en public imposait le silence. Mais l’Angleterre est maintenant l’aréna de l’un des débats les plus populaires, passionnés et de grande-envergure à propos de l’Islam dans le monde.
Le débat ne va pas tuer l’extrémisme, mais c’est l’un des plusieurs éléments cruciaux nécessaires dans une stratégie patiente et minutieuse pour gagner les c ?urs et les esprits des jeunes Musulmans.

Le nouveau ministre à la sécurité, l’Amiral Sir Alan West, a reconnu ce fait quand il a parlé hier d’une stratégie de 10 à 15 ans pour arrêter l’extrémisme. Gordon Brown est revenu sur le thème des c ?urs et des esprits la semaine dernière - c’était l’un des refrains les plus familiers du gouvernement depuis les attentats du 07/07. Mais ce qu’il a proposé - « un effort de propagande » - montrait combien ce sujet lui était méconnu : comment il pouvait-il imaginer que la propagande aurait un effet quelconque sur des jeunes branchés aux médias et qui sont profondément sceptiques après la guerre en Iraq de tout ce qui touche au gouvernement du parti des Travaillistes.

La vérité est que la stratégie des c ?urs et des esprits du gouvernement était une fiction des auteurs des discours politiques (les plumes). Elle s’était effondré dans les divisions du ministère de l’intérieur, a été diluée sur différents départements et s’était perdue dans l’agenda du département des Communautés et du gouvernement local.
Une réunion récente au ministère de l’intérieur sur la manière de combattre l’extrémisme a attiré peu de Musulmans mais plusieurs journalistes - y compris ceux qui avaient fait beaucoup de lobbying pour que le gouvernement se retire de tout engagement avec des organisations ayant un lien historique avec l’Islamisme, le large mouvement de l’Islam politique du 20e siècle.

Leur lobbying a réussi à exclure un large éventail d’organisations, y compris le Conseil Musulman de la Grande Bretagne (Muslim Council of Britain). Ceci a causé l’échec de la réunion ; Ruth Kelly (femme politique britannique, députée du parti travailliste et membre du gouvernement, ndt.), à l’époque à la tête du DCLG (Département des Communautés et du Gouvernement Local, ndt.) s’était retrouvée avec une poignée minuscule d’organisations bien intentionnées comme ces « partenaires stratégiques » attitrés, mais qui avaient très peu de liens avec la communauté.

Hazel Blears (députée du parti travailliste et nouvelle secrétaire du DCLG dans le gouvernement de Gordon Brown, ndt.) doit être plus maligne que cela. Ce qui importe est ce qui marche - qui a le pouvoir dans une communauté pour la faire avancer petit à petit dans le changement, notamment dans ce monde fermé des 1600 mosquées singulières en Grande Bretagne qui sont férocement indépendantes et qui ont des allégeances ethniques et sectaires. Ceci est le front le plus difficile. On estime que 90% des hommes Musulmans de la Grande Bretagne assistent à la prière du Vendredi, ce qui en fait le meilleur endroit pour toucher le c ?ur de la communauté.

L’unité de la police métropolitaine en contact avec les Musulmans avait compris cela, suivant une stratégie de travail avec des mosquées à dominante islamiste - et salafiste - comme celle à Brixton, consciente que leur meilleure chance d’éloigner les extrémistes de la violence est par l’intermédiaire de ceux qui savent comment argumenter sur des bases islamiques et rediriger la ferveur religieuse des jeunes hommes survoltés. Gagner les c ?urs et les esprits prendra une génération ; mais ce qui devient clair, c’est combien de Musulmans sont déjà engagés dans cette lutte.


* Madeleine Bunting peut être contactée à : m.bunting@guardian

9 juillet 2007 - The Guardian - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.guardian.co.uk/commentis...
Traduction de l’anglais : IA


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