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Gaza : Cette Armée de l’islam issue du clan Doghmosh

vendredi 6 juillet 2007 - 06h:54

Patrick Saint-Paul - Le Figaro

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Responsable de l’enlèvement d’Alan Johnston, « Jaïsh al-Islam », l’« Armée de l’islam », est une organisation extrémiste à tendance djihadiste dirigée par le chef de l’un des plus puissants clans de Gaza, Mumtaz Doghmosh. L’Armée de l’islam a été fondée fin 2005, avec le soutien du Hamas, par Mumtaz, parrain du clan Doghmosh, qui compte entre 5 000 et 7 000 hommes. Puissamment armée, Jaïsh al-Islam compte environ 500 hommes. Les autres membres du clan Doghmosh sont répartis entre les différents mouvements armés existant à Gaza.

Le Hamas, qui avait organisé conjointement avec l’Armée de l’islam l’enlèvement du soldat israélien Guilad Shalit, a affirmé avoir rompu tout lien avec le groupuscule après sa revendication de l’enlèvement de Johnston. Se réclamant de la mouvance al-Qaida, l’Armée de l’islam avait notamment exigé la libération d’Abou Qatada, un imam détenu en Grande-Bretagne, considéré comme le chef spirituel de la nébuleuse d’Oussama Ben Laden en Europe. S’inspirant des méthodes djihadistes, le groupuscule avait menacé « d’égorger Johnston comme un mouton » et l’avait exhibé dans une vidéo revêtu d’une ceinture d’explosifs.

Pour les islamistes du Hamas, la lutte contre la mouvance djihadiste, dont les idées gagnent du terrain à Gaza, est une question de crédibilité. Le Hamas dit enquêter sur l’Armée de l’islam, afin de déterminer si elle est réellement liée à al-Qaida ou s’il s’agit d’un simple vernis idéologique couvrant des activités mafieuses. « Nous sommes contre les groupes liés à al-Qaida, affirme Youssef Zahar, chef de la Force exécutive du Hamas. Nous ne voulons pas d’eux ici et nous ferons tout pour les empêcher de s’enraciner. »

Patrick Saint-Paul, Le Figaro, le 5 juillet 2007

Le Hamas veut tirer parti du cas Johnston

La libération du correspondant de la BBC Alan Johnston, est le premier succès politique du Hamas d’Ismaël Haniyeh depuis sa prise de pouvoir par la force dans la bande de Gaza le 15 juin.

Au siège du gouvernement destitué du Hamas, qui continue de régner sur Gaza, les barbus affichent de larges sourires et échangent les congratulations. « Hamdoulila (Dieu merci) pour Alan », entend-on à chaque étage. La libération du correspondant de la BBC, Alan Johnston, est le premier succès politique du Hamas depuis sa prise de pouvoir par la force dans la bande de Gaza le 15 juin. Les islamistes ont ainsi prouvé qu’ils ont pris à bras-le-corps la première préoccupation des Palestiniens et plus particulièrement des Gaziotes : le rétablissement de la sécurité. Eux qui avaient décidé de réduire au silence le chaos des armes dans la bande de Gaza, un défi jugé impossible à relever il y a quelques semaines encore.

En exerçant une intense pression sur les ravisseurs de Johnston, détenu pendant 144 jours, le Hamas a réussi là où l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas avait échoué durant les mois précédant le coup de force des islamistes. « Le gouvernement palestinien dans la bande de Gaza est sérieux dans sa volonté d’imposer la sécurité et d’assurer la stabilité à l’intérieur de ce territoire. Nous voulons la sécurité également en Cisjordanie et à Jérusalem », a déclaré le premier ministre du Hamas, Ismaël Haniyeh.

Isolé et enfermé dans la bande de Gaza, le gouvernement du Hamas espère ainsi redorer son image sur la scène internationale et dans les Territoires palestiniens. « La libération d’Alan a montré que nous sommes capables d’imposer l’ordre et la discipline à Gaza », renchérit Ghazi Hamad, porte-parole du gouvernement et chargé des négociations avec les ravisseurs de Johnston. Au lendemain de son coup de force à Gaza, le Hamas a tout d’abord employé la méthode « douce » avec les kidnappeurs de l’Armée de l’islam, dominée par le puissant clan Doghmosh, en les enjoignant de libérer Johnston au plus vite. « Nous avons fait intervenir une autorité religieuse, un grand imam, qui a édicté une fatwa, leur expliquant que le kidnapping d’un étranger innocent est contraire à l’islam. Nous leur avons dit que c’était aussi contre les intérêts des Palestiniens », raconte au Figaro Ghazi Hamad. Lundi, Haniyeh a averti publiquement que les négociations infructueuses étaient arrivées à leur terme et que le journaliste britannique serait libéré par tous les moyens.

La force exécutive du Hamas a ensuite encerclé le quartier de Sabra, fief des Doghmosh dans le centre de Gaza, qui sous leur emprise est retombé au Moyen-Âge. « Nous avons filtré leurs mouvements, enlevés quelques-uns de leurs chefs, explique fièrement Youssef Zahar, chef de la Force exécutive. Puis nous avons fait passer un message à Mumtaz Doghmosh (chef de l’Armée de l’islam), lui expliquant que Johnston serait libéré mort ou vivant, par la force si nécessaire. Mais je lui ai dit que s’il tuait Alan, il serait lui aussi tué et que pas un seul de ses lieutenants ne réchapperait vivant du carnage qui s’ensuivrait. Nous lui avons donné 24 heures. »

L’Armée de l’islam avait réclamé la libération de prisonniers musulmans détenus dans des pays « impies », une rançon de cinq millions de dollars et un terrain à Gaza, en échange de Johnston. Youssef Zahar affirme qu’ils n’ont rien obtenu de tout cela. Finalement, craignant pour leur vie, les Doghmosh ont adopté la fatwa. « Nous avons reçu une garantie du Hamas, que nous ne serions pas victime de représailles, ni de poursuites et que nous pourrions conserver nos armes destinées à la résistance contre Israël. Alors nous avons cédé », confie Abou Ashour Doghmosh, bras droit de Mumtaz.

Désarmer les milices de Gaza

Le gouvernement du Hamas à Gaza n’a pas pour autant soldé les comptes avec l’Armée de l’islam et se réserve le droit d’engager des poursuites judiciaires, pour une série de meurtres et vendettas commis par les kidnappeurs. Zahar promet d’aller plus loin en désarmant les clans de Gaza, transformés en milices armées jusqu’aux dents et qui dégainent pour solder le moindre contentieux. Y compris les Doghmosh. « Le pouvoir du Fatah à Gaza a trop longtemps toléré les règlements de comptes armés. Il a encouragé ou toléré la prolifération de milices armées. Désormais, la loi et l’ordre s’appliqueront à tous à Gaza », prévient Youssef Zahar.

La détermination existe, mais la tâche ne sera pas simple pour autant. Dans le quartier de Sabra, les hommes armés de la famille Doghmosh ont délaissé leurs barrages. Assis sur le palier de leurs maisons, ils ruminent leur défaite et affichent cependant leur défiance. « Même à l’époque du mandat britannique, les Doghmosh ont toujours été une famille indépendante, avec ses propres lois, affirme Abou Khatteb Doghmosh, un ancien du clan. Nous ne désarmerons pas. C’est une question de survie. »


* Lire aussi : L’Armée de l’islam a « vendu » son otage israélien à la branche armée du Hamas

Patrick Saint-Paul, envoyé spécial à Gaza - Le Figaro, le 5 juillet 2007

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