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Une simple question de prestige

vendredi 15 juin 2007 - 08h:00

Zvi Barel - Ha’aretz

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Ne pas reconnaître le gouvernement palestinien d’union nationale est une grave erreur, écrit Ha’aretz. Le pire danger pour Israël, ce n’est pas le Hamas mais l’état d’anarchie à Gaza.

Les images sont familières, tout comme la riposte : des raids aériens et des tanks postés aux abords de Gaza. La justification ne change pas non plus : l’Etat d’Israël n’a pas d’autre choix que répondre aux tirs de roquettes. Pourtant, la sécurité des habitants de Sderot [ville israélienne proche de la bande de Gaza] n’est pas vraiment le problème ici, puisque l’Etat aurait pu depuis longtemps construire des protections pour les maisons et les écoles de Sderot. Non, c’est le prestige de l’Etat israélien qui est en jeu.

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Zvi Barel

C’est ce même prestige qui a contribué (dans une large mesure) à créer une menace stratégique réelle face à Israël. Comment s’exprime cette menace ? Par les terrifiantes roquettes qui font fuir les habitants de Sderot ? Non plutôt par la désintégration de Gaza, par la sujétion de ses habitants (un million et demi de personnes) à la loi des bandes armées, par la carence voulue d’un pouvoir palestinien fort et uni, et par la mise en place d’un Etat terroriste à Gaza.
Le prestige de l’Etat israélien est en cause parce qu’il lui faut justifier sa décision de ne pas reconnaître le gouvernement palestinien du Hamas [islamiste] et sa volonté d’imposer des sanctions économiques aux Territoires [palestiniens].

Parallèlement, Israël a lié le sort des Palestiniens à une question d’honneur : la reconnaissance de l’Etat d’Israël par le Hamas. Le décompte des victoires et des défaites du Fatah contre le Hamas n’en est que plus ridicule : des cadavres de part et d’autre avec, au bout du compte, la certitude mathématique que le Hamas est en train de gagner la rue. Ne s’agit-il pas du même Hamas qui avait déjà gagné le soutien de la rue aux élections de l’année dernière ? Le même Hamas qui a fait respecter ce cessez-le-feu bienvenu après de long mois de violences ? Le même Hamas qui a accepté l’initiative [de paix] arabe [mars 2007] ?

Des sanctions économiques en guise de punition

Bien sûr, le Hamas est loin d’être un mouvement pacifique. Il comprend des éléments terroristes et il est fondé sur une idéologie religieuse fanatique. Mais le Hamas et le gouvernement d’union nationale palestinien, tant qu’il tient encore, sont les meilleurs interlocuteurs d’Israël en ce moment. Non seulement ce gouvernement est le seul à avoir les moyens de reprendre le contrôle de cet Etat dans l’Etat qu’est devenu Gaza, mais c’est également le seul qui s’intéresse encore au destin de son peuple et qui, par conséquent, est sensible à ses demandes. C’est le seul à être lui aussi menacé par les tirs de roquettes sur Sderot.

Les amateurs d’analogies, prompts à comparer la situation de Gaza avec la Somalie ou l’Irak, feraient bien de poursuivre jusqu’au bout la comparaison. L’Irak manque d’un gouvernement fort capable d’imposer l’ordre et la sécurité, mais, s’il s’agit de restaurer la paix, le gouvernement irakien, tout comme l’administration américaine, n’est pas regardant sur ses interlocuteurs - terroristes baasistes ou chiites. Personne au sein de l’administration américaine ne serait assez insensé pour rejeter un cessez-le-feu uniquement pour des questions de prestige ou de reconnaissance. Ainsi, le gouvernement américain continue à financer le gouvernement irakien, même si une bonne partie de cet argent sert à acheter des armes ou finit dans les poches de particuliers.

La fin justifie les moyens, et sa priorité est de parvenir à un semblant de vie normale. Voilà une analogie que devrait méditer Israël. Au lieu de cela, on préfère gloser à l’envi sur l’horizon politique, alors qu’en pratique nous ne sommes parvenus qu’à un étranglement économique [de l’Autorité palestinienne] - cet étranglement n’a d’ailleurs pas réussi à endiguer le flot d’armes qui entre dans Gaza ni à empêcher les tirs de roquettes. Ces sanctions économiques ne sont rien d’autre qu’une punition collective dont le but est de saper l’idéologie du Hamas. Mais là encore, c’est un échec.

Pour les milliers d’habitants de Sderot, qui, une fois de plus, ne sont que des pions dans les mains de ce gouvernement si attaché à son prestige, peu importe la manière dont le gouvernement parvient à restaurer le calme dont ils jouissaient encore ces derniers mois. Que le gouvernement négocie avec le Hamas ou ouvre les postes-frontières, qu’il mette en place des pourparlers de paix approfondis ou se contente d’un cessez-le-feu, pour les habitants de Sderot comme pour la plupart des Israéliens, seul compte le retour au calme. Pour les premiers, ne pas entendre le sifflement des roquettes et, pour le reste d’Israël, ne pas entendre parler de Sderot.

Mais non, nous préférons riposter, bander nos muscles, faire valoir notre soutien international et nous entre-déchirer sur le bien-fondé de la proposition d’Arcadi Gaydamak (milliardaire israélo-russe qui vient de proposer de payer de sa poche le renforcement de 1 200 maisons individuelles à Sderot, estimé à 37 millions d’euros). Et le gouvernement passe à côté de l’essentiel : permettre au gouvernement palestinien de fonctionner correctement.

Zvi Barel - Ha’aretz, via Le Courrier international, Hebdo n°864 - le 24 mai 2007


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