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Six jours d’une guerre

dimanche 10 juin 2007 - 06h:30

N. Qualander et M. Terrin - LCR-Rouge

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En juin 1967, la guerre des Six-Jours permet à Israël d’étendre nettement son emprise sur la Palestine.

La guerre de juin 1967, qui vit l’armée israélienne défaire les armées arabes et annexer les territoires palestiniens de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, ainsi que les terres égyptiennes du Sinaï et le plateau du Golan syrien, n’est que la continuation d’une politique coloniale commencée bien antérieurement.

La première moitié du xxe siècle avait vu les territoires palestiniens - alors sous mandat britannique - peu à peu colonisés par les premiers arrivants sionistes. La grève générale des travailleurs palestiniens, en 1936, tout comme le mouvement populaire paysan mené par le Cheikh Ezzedine Al-Qassam, avait été réprimée dans le sang par les autorités britanniques et les mouvements armés des colons. La création de l’État d’Israël, en 1948, s’était soldée par l’expulsion massive de plus de 800 000 Palestiniens, après une guerre milicienne menée contre les populations arabes, opérant un véritable transfert et nettoyage ethnique des populations civiles.

Deux zones géographiques de l’ancienne Palestine mandataire restent alors en dehors du contrôle de l’État israélien : la Cisjorda¬nie, à l’Est, et la bande de Gaza, au Sud, respectivement sous contrôle jordanien et égyptien jusqu’en juin 1967.

Le 5 juin 1967, Israël lance une « attaque préventive » contre les armées arabes, sur trois fronts : à l’Est, en Cisjordanie, au Nord, sur le plateau du Golan syrien, et au Sud, de la bande de Gaza jusqu’au désert du Sinaï égyptien. En six jours, les armées jordanienne, égyptienne et syrienne sont complètement défaites. Les territoires conquis à l’époque le sont encore aujourd’hui, hormis le Sinaï, rendu à l’Égypte après les accords de paix signés par le président Sadate, avec Israël, en 1979. La partie orientale de Jérusalem est annexée.

Dès 1967, Israël entame une politique de colonisation active de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, ainsi que du plateau du Golan syrien. De nouveau, plusieurs dizaines de milliers de Palestiniens sont chassés de leur terre : l’ancien quartier juif de Jérusalem, où vivent des Palestiniens, est « nettoyé », le 17 juin 1967. Le 22 novembre 1967, la résolution 242 de l’ONU demande à Israël de se retirer des territoires occupés.

Sionisme renforcé

La guerre dite « guerre des Six-Jours » renforce le nationalisme israélien. Si l’État sioniste est alors largement dirigé par la gauche israélienne - une gauche tout à la fois laïque et coloniale -, regroupée autour du Premier ministre, David Ben Gourion, le discours israélien prend un tour religieux et messianique de plus en plus marqué. L’État israélien n’hésite plus à jouer de la thématique religieuse : le Mur des lamentations et les lieux saints juifs sont désormais entre les mains de l’État israélien.

L’extrême droite religieuse se sent désormais une profonde affinité avec une gauche travailliste israélienne également traversée par la thématique messianique d’un grand Israël retrouvé après 3000 ans d’exil. Le colonialisme idéologique est renforcé. « Dès 1968, les dirigeants non religieux, c’est-à-dire les travaillistes qui sont encore au pouvoir pour dix ans, parlent des religieux comme “des nouveaux pionniers”, alors qu’hier encore, ils étaient des marginaux.

Et, en effet, ce sont les religieux, armés du fusil et des livres du rabbin Kook qui, les premiers, colonisent la Cisjordanie, laissant aux militants du Hashomer Hatzaïr et autres mouvements “sionistes de gauche” la tâche de coloniser les zones frontalières, le Golan et la vallée du Jourdain. » (1)

La deuxième conséquence de la guerre de juin 1967 se joue au sein du mouvement de résistance arabe. Les régimes arabes, notamment nationalistes, de Nasser en Égypte, et du Baas en Syrie, sont discrédités. Le pouvoir hachémite jordanien, monarchique et réactionnaire, l’est tout autant, sinon plus.

Pour la deuxième fois depuis 1948, les États arabes n’ont pu s’opposer à la politique an¬nexion¬niste israélienne. Cela provoque immédiatement une radicalisation à gauche des mouvements de résistance arabe, ainsi que du mouvement de libération nationale palestinien.

Le Mouvement nationaliste arabe (MNA), pro-Nasser à l’origine, veut désormais prendre exemple sur les gauches à l’ ?uvre à Cuba, en Amérique latine et au Viêt-nam. La branche palestinienne du MNA donne naissance au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), en 1968, qui s’oriente rapidement vers le marxisme.

Au Liban, des courants nationalistes radicalisés fondent, en 1969, l’Organisation d’action communiste au Liban (OACL). Le tournant à gauche de nombreux cadres politiques nationalistes est la conséquence directe des échecs des régimes arabes lors de la guerre de juin 1967.

Il s’agit désormais de créer des foyers révolutionnaires armés à partir des camps de réfugiés palestiniens, d’abord de Jordanie, puis du Liban, afin non seulement de libérer la Palestine mais, au- delà, de faire chuter les gouvernements arabes réactionnaires. Pour le FPLP , « le mouvement armé palestinien doit être considéré comme l’avant-garde du mouvement de libération populaire arabe ». (2)

Radicalisation arabe

La guerre de juin 1967 a également une autre conséquence : la réforme de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le développement du Fatah palestinien. À l’origine, l’OLP est particulièrement dépendante des régimes arabes. En 1968, Yasser Arafat prend la tête du mouvement.

Le Fatah, regroupant des cadres et des groupes allant de la gauche marxiste à d’anciens Frères musulmans, devient le centre politique du nationalisme palestinien. Là aussi, il s’agit de libérer la Palestine sur le modèle de la guerre populaire.

Mais, contrairement à la gauche nationaliste du FPLP et du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDPLP), le modèle idéologique n’est pas le socialisme révolutionnaire, même si le terme de révolution palestinienne devient récurrent dans le discours de Fatah. De plus, Arafat est bien plus conciliant que le FPLP envers les régimes arabes, bien qu’il prône une politique d’indépendance à leur égard. Le projet d’un seul État démocratique et laïque, sur toute la Palestine, constitue le cadre commun à tous ces groupes.

Quarante ans plus tard, Cisjordanie et bande de Gaza, occupée et colonisée pour l’une, assiégée, bombardée et asphyxiée économiquement pour l’autre, constituent, selon les résolutions onusiennes, les bases d’un possible État palestinien : miroir aux alouettes, dont la faisabilité s’éloigne de mois en mois, avec la colonisation qui a explosé depuis l’escroquerie des accords d’Oslo, et le mur qui tronçonne la Cisjordanie en minicantons étanches.

L’État d’Israël ne veut pas d’un État palestinien et, de guerres en négociations, il continue à faire avancer son projet colonial annexionniste, portant sur la Cisjordanie et le sud Liban, projet commencé dans le reste de la Palestine en 1948. La résistance palestinienne, celle des territoires de 1967, celles des Palestiniens vivant en Israël en situation d’apartheid, celle des camps de réfugiés de Jordanie, de Syrie et du Liban pour le droit au retour, sont encore là pour témoigner de la non-résignation des Palestiniens au passé et au présent colonial.


Notes :

1. Michel Warschawski, « Sionisme et Religion », cahier numéro 10 de l’AFPS.
2. FPLP, « Les ennemis de la Révolution », 1969.

Nicolas Qualander et Mireille Terrin - LCR-Rouge, le 8 juin 2007


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