16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

1967, la relance d’une guerre sans fin

samedi 9 juin 2007 - 06h:17

Michel Muller - L’Humanité

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


L’offensive du 5 juin ne visait pas à « défendre l’existence d’Israël » mais à assurer une domination durable dans la région dont les effets sont toujours à l’oeuvre.

La guerre des Six-Jours qui opposa Israël à l’Égypte, la Jordanie et la Syrie en juin 1967 s’inscrit, comme toutes les guerres israélo-arabes depuis 1948, dans une poussée de tension au Proche-Orient et dans un contexte international « favorable ». À cela s’ajoute une constante : la volonté des dirigeants israéliens, exprimée ou non, de conquérir l’ensemble de la « terre d’Israël » biblique (Eretz Israël), à l’exception remarquable d’Yitzhak Rabin quand, premier ministre, il signait avec Yasser Arafat les accords d’Oslo le 13 septembre 1993 à Washington.

JPEG - 14.7 ko
Image d’archive de chars israéliens sur les hauteurs du Golan, en Syrie, publiée par le ministère de la Défense israélien (Sipa)

« Si nous étions sûrs de sortir du combat avec la rive occidentale (du Jourdain, la Cisjordanie - NDLR) et la bande de Gaza, et après avoir détruit l’armée de l’air égyptienne, cela nous suffirait », déclarait ainsi Yitzhak Rabin en 1967, alors chef d’état-major, quelques jours avant le déclenchement des hostilités par Israël. « Nous devons mener une seconde guerre de libération (la première étant celle de 1949 - NDLR) afin d’asseoir ses succès », affirmait de son côté Ezer Weizman, chef de l’armée de l’air et futur président de l’État (1).

Un peu plus tôt, le 28 mai 1967, le premier ministre travailliste Levi Eshkol tentait encore d’éviter la guerre : « Nous avons été éduqués pour ne pas faire de guerre préventive. » Ce sont pourtant les militaires qui ont emporté la décision. Tom Segev écrit à leur sujet : « Ces officiers (...) croyaient en la force et ils voulaient la guerre. C’était leur vocation. (...) Bornés dans leurs conceptions, ils croyaient que c’était ce qu’il fallait à Israël, non parce que son existence était en danger, mais parce que c’était l’occasion de défaire l’Égypte » (2).

Depuis l’échec en 1956 de l’offensive contre l’Égypte menée par Israël avec l’aide de la France et de la Grande-Bretagne, à la suite de l’intervention conjointe de Moscou et de Washington exigeant l’arrêt immédiat de l’opération, le rapport des forces internationales avait changé dans la région.

Sous l’autorité du général de Gaulle, les autorités françaises, qui avaient fait de la France l’alliée privilégiée d’Israël, allant jusqu’à lui permettre l’accès aux capacités nucléaires, étaient en train de modifier profondément les orientations géostratégiques du pays en vue d’une politique un tant soit peu indépendante des deux blocs états-unien et soviétique. En juillet 1966, la France se retire du dispositif militaire de l’OTAN. Avec la fin de la décolonisation, Paris veut établir des nouvelles relations avec les pays arabes, ce qui lui permettrait en outre d’avoir des sources directes d’approvisionnement en hydrocarbures, sans oublier l’ouverture d’un large marché d’armement.

Ainsi, malgré un déchaînement d’hystérie pro-israélienne dans la presse française, le président de Gaulle exprime sa totale opposition à une guerre préventive qui pourrait être déclenchée par Israël. Dès le début du conflit, Paris décrète un embargo sur les ventes d’armes aux belligérants.

Les États-Unis de Lyndon Johnson sont également réticents tout en affirmant le principe de leur soutien à Tel-Aviv. Embourbé au Vietnam (380 000 GI sont engagés), Washington ne souhaite pas ouvrir un nouveau front au Proche-Orient. Dans le même temps, les changements de régime intervenus (après ceux en Égypte) en Syrie et en Irak avec la prise de pouvoir des nationalistes du Baas et une influence soviétique croissante ne sont pas sans inquiéter Washington. Aussi, tout en n’encourageant pas le projet d’agression israélien, Johnson laisse entendre qu’il ne s’y opposera pas.

Quant aux Palestiniens, ils n’ont pas véritablement droit à la parole : ce sont des réfugiés. Fondée en 1964 avec l’aide de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, l’OLP dirigée par le fasciste Choukeiri n’est qu’une force supplétive de l’Égypte. De son côté, le Fath de Yasser Arafat et son organisation armée, El Affissa, n’a pas de grands moyens, se contentant de quelques coups de main à partir de la Jordanie (dont le territoire englobe la Cisjordanie) et de la Syrie.

« Le climat est plutôt calme, lorsqu’en 1963 Israël décide de détourner unilatéralement les eaux du Jourdain. Riposte arabe, en janvier 1964 : le sommet du Caire entreprend, lui aussi, de détourner deux ou trois affluents du Jourdain », écrivent les journalistes Alain Gresh et Dominique Vidal (3). S’enclenche alors un engrenage belliqueux devenu irrémédiable au début de 1967.

Le 7 avril, Tel-Aviv lance un raid aérien sur la Syrie, détruisant une partie de l’aviation de Damas, en représailles d’une opération de commando du Fath. Le 15 mai, l’armée égyptienne prend position dans le Sinaï. Le 22, l’Égypte ferme le golfe d’Akaba, seul accès d’Israël à la mer Rouge. À Jérusalem, où Menahem Begin entre pour la première fois au gouvernement, on considère comme un casus belli le ralliement au pacte militaire égypto-syrien de la Jordanie (le 31 mai) et de l’Irak (le 4 juin).

Le 5 juin, à l’aube, l’aviation israélienne entre en action.

Malgré sa durée « éclair », ce conflit a ouvert la voie d’une guerre sans fin contre les Palestiniens.


Notes :

(1) Cité par l’historien Tom Segev, dans son remarquable ouvrage : 1967. Six Jours qui ont changé le monde.
(2) Ibid.
(3) Dans les Cent Portes du Proche-Orient. Éditions Denoël 1986.

Michel Muller - L’Humanité, le 5 juin 2007

Lire aussi :
- Le rêve brisé du nationalisme arabe
- Quarante ans d’ambiguïté


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.