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Une occupation courte, croyait-on

dimanche 3 juin 2007 - 07h:10

Mahdi Abdul Hadi - Le Courrier international

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Un entretien avec l’historien Mahdi Abdul Hadi, directeur de PASSIA, une organisation palestinienne pour les affaires internationales.

Quelles sont les raisons principales qui, en 1967, ont conduit à la guerre ?

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Mahdi Abdul Hadi

Le président égyptien Nasser s’est trouvé entraîné dans ce conflit militaire à cause des rapports inquiets de Moscou concernant les combats à la frontière israélo-syrienne (dès avril 1967, un affrontement aérien avait entraîné la destruction de six avions de combat Mig syriens). Nasser voulait simplement montrer à Israël qu’il entendait défendre la Syrie et qu’il n’avait pas peur d’une confrontation avec l’Etat hébreu.

Pourquoi les Palestiniens sont-ils absents de cette guerre alors qu’elle a lieu principalement sur leur territoire ?

Les Palestiniens n’ont pas été pas absents de la guerre des Six-Jours : en Cisjordanie, ils ont soutenu et encouragé le roi Hussein à signer le Pacte de défense arabe avec Nasser, le 30 mai 1967. Les Palestiniens demandaient des armes au gouvernement jordanien. Ceux de Gaza vivaient sous la férule égyptienne et soutenaient la politique de Nasser.

Quelle a été la vie des Palestiniens dans les années qui ont suivi cette guerre ?

La première réaction des Palestiniens à l’occupation militaire de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem-Est entre 1967 et 1970 a été de ne pas coopérer. Le choc de la défaite, la peur de l’inconnu et le fait que l’exercice du pouvoir à l’époque était assuré par des notables locaux dépourvus d’autorité, mal à l’aise avec la toute nouvelle OLP et avec la Jordanie, les ont conduits à cette stratégie. Les Palestiniens de l’intérieur et de l’extérieur mettaient tous leurs espoirs dans le sommet arabe de Khartoum, qui voulait “éliminer toute trace d’agression”, ce qui excluait toute reconnaissance de l’Etat d’Israël, toute négociation ou accord avec Israël. La résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU [qui demandait en 1967 le retrait des troupes israéliennes des Territoires occupés], suscitait également beaucoup d’espoir. Cette stratégie de non-coopération a eu pour conséquence une paralysie de la société palestinienne, avec la fermeture des écoles, des universités et des tribunaux. Tous espéraient que cette occupation serait de courte durée.

La société palestinienne se montre-t-elle critique à l’égard de l’OLP d’Arafat ?

Si l’on veut analyser le rôle d’Arafat en quarante ans d’occupation israélienne ou depuis la création de l’Etat d’Israël, il est très important de faire la distinction entre plusieurs étapes.

Dans les années 1950 et 1960, dans les pays arabes qui les hébergeaient, les Palestiniens étaient considérés comme des réfugiés. Arafat a mis en place, dans les camps de réfugiés, les premiers groupes de fedayin. Dans les années 1970 et 1980, il a mené de front plusieurs combats pour survivre en tant que leader de l’OLP. Sur le front arabe, il agissait comme le chef d’un mini-Etat au sein d’un Etat, comme au Liban de 1975 à 1982.

Sur le front israélien et dans les Territoires occupés, la position de la société palestinienne était la suivante : si l’OLP nous libère [de la présence israélienne], alors nous irons à Jéricho et nous les accueillerons avec des bravos comme nos dignes représentants ; mais si on trouve une solution pacifique, alors c’est nous, Palestiniens de l’intérieur, qui mériterons d’être les leaders du pays, et non eux.

Après l’Intifada et les accords d’Oslo de 1993, l’OLP a essayé de contenir le pouvoir palestinien de l’intérieur. Et les dirigeants palestiniens de l’intérieur ont montré trop de loyauté envers l’OLP. De 1994 à 2004, Arafat a mis en place quelque chose qui ressemblait à un régime arabe, ce qui donnait un double sentiment : le matin, Arafat apparaissait comme une figure historique de la cause palestinienne. Le soir, il était un vieillard affaibli et corrompu n’hésitant pas à acheter des loyautés.

Quarante ans après cette guerre, le projet de paix élaboré à Riyad peut-il apporter un espoir de solution ?

Le plan de paix saoudien a été ratifié par tous les dirigeants arabes (à l’exception de la Libye de Kadhafi) et par tous les grands pays islamiques. Il apparaît après quarante années d’occupation israélienne. Disons qu’il a été envoyé à la mauvaise adresse et aux mauvais destinataires. Les deux camps en présence, israélien et palestinien, sont divisés et ont perdu l’initiative. Ce qu’il faudrait en Israël et dans les Territoires occupés, ce sont deux meneurs d’hommes qui seraient des héros.

Ces dix dernières années est apparue une nouvelle génération d’historiens israéliens. Y a-t-il un mouvement similaire chez les universitaires palestiniens ?

Les rares universitaires palestiniens en Europe et aux Etats-Unis qui travaillent sur cette période sont beaucoup moins médiatisés que leurs homologues israéliens. Les Palestiniens dans les Territoires occupés étaient et sont toujours trop occupés par leur vie quotidienne. Ils concentrent donc leurs efforts sur un travail d’archives. Oui, il existe une “nouvelle approche” de l’histoire du conflit, mais les universitaires comme le Pr Rachid Khalidi et feu Edward Said sont rares.


Interview réalisée par Marc Saghié

Mahdi Abdul Hadi - Le Courrier international, le 31 mai 2007


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