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Olmert, ou comment s’en débarrasser

mardi 15 mai 2007 - 22h:04

Jacques Bertoin - Jeune Afrique

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Si le Premier ministre Ehoud Olmert avait été aussi « bon », en juillet 2006, pour gérer la crise avec le Hezbollah au Liban qu’il se montre adroit aujourd’hui pour protéger ses intérêts politiques personnels, bien des victimes auraient été épargnées, dans les deux camps, et les soldats israéliens enlevés dormiraient peut-être dans leur lit.

Seulement, voilà : la commission Winograd, pourtant nommée par le Premier ministre, vient de rendre la première partie d’un rapport accablant pour le gouvernement.

Il ne s’agit pas tant « d’erreurs » commises par le commandement dans le déroulement des opérations que de carences dramatiques concernant leur déclenchement et la définition de leurs objectifs ; de la manière dont Israël a échoué à conduire un conflit « asymétrique » au milieu de populations civiles ; du manque de préparation et d’équipement des troupes, qui aurait dû exclure toute idée d’offensive terrestre ; enfin, de la propension du pouvoir politique à « se coucher » devant les diktats, d’ailleurs souvent contradictoires, des militaires. Bref, c’est bien d’un désastre - subi et commis, tout à la fois - qu’il faut parler.

Si l’on se réfère à l’impopularité du Premier ministre dans les sondages - deux Israéliens sur trois souhaitent sa démission -, la cause était entendue avant même d’avoir été jugée par l’ancien président de la cour de Tel-Aviv et son équipe d’enseignants et de généraux à la retraite. En revanche, dans le champ des institutions, le rapport Winograd a déclenché des turbulences assez fortes pour jeter à terre tous ceux qui ne possèdent pas une capacité de résistance hors du commun. Et c’est là que « l’autre Olmert » fait son apparition. Celui que la gauche, depuis ses années à la mairie de Jérusalem, compare volontiers à un Al Capone défiant les incorruptibles. Celui dont ses adversaires disent qu’il faut « le tuer cinq fois pour le faire tomber ».

Alors que le simple bon sens et un zeste d’humanité auraient suffi à faire démissionner n’importe qui en de telles circonstances, le Premier ministre a fait savoir qu’il n’en était pas question. Sa décision s’appuie sur une doctrine : il considère que le rapport est sévère, mais juste. Les réformes que Winograd propose - notamment la mise en place d’organismes politico-militaires de réflexion et de concertation -, lui, Olmert, va s’attacher à les réaliser beaucoup plus scrupuleusement que n’importe lequel de ses successeurs éventuels. Parce que, précisément, il est impliqué dans cette affaire.

Le Premier ministre joue sur du velours. Il sait que ses alliés de Kadima sont condamnés à le soutenir, sauf à prendre le risque de déclencher une crise politique qui conduirait à de nouvelles élections générales. Or l’ombre de Benyamin Netanyahou, son rival du Likoud donné largement favori, plane sur le pays. Du coup, l’ennemi numéro un d’Olmert devient, comme par miracle, son sauveur, en lui permettant d’esquiver les conséquences de ses propres fautes par un « tout sauf Bibi » dont il brandit haut l’étendard.

Le seul moyen de remplacer Olmert par un Premier ministre capable de rétablir la confiance sans courir le danger d’une nouvelle consultation électorale serait de procéder à cette substitution au sein même de la coalition au pouvoir. C’est ce que Tzipi Livni, la ministre des Affaires étrangères, a tenté de faire en se portant candidate à la primature et en réclamant le départ d’Olmert (qui, depuis, la côtoie sans jamais la regarder). Mais elle a raté le coche en ne menant pas son offensive à son terme et en déclarant son ambition sans démissionner, ce qui lui donne l’apparence de l’infirmière tirant sur une ambulance... avec des balles à blanc.

Peut-être Livni s’est-elle laissé ébranler par les réactions des alliés d’Olmert, bien décidés à lui mener la vie dure si elle devait avoir la peau du « patron ». Avigdor Lieberman et sa formation d’extrême droite la jugent trop « molle » vis-à-vis des « Arabes ». Les religieux du Shaas refusent d’être placés sous l’autorité d’une femme. Et le parti des retraités reste fidèle à Olmert, à qui il doit tout. Selon toute apparence, Livni va donc être contrainte de mettre un mouchoir sur ses ambitions. Au moins provisoirement.

Reste que, pour se débarrasser enfin de l’indécrochable Olmert, certains comptent surtout sur le sourd grondement de la foule, censé couvrir les notes de la musique de chambre et de cabinet, fût-ce dans un pays où les virtuoses ne manquent pas. La manifestation du 3 mai, à Tel-Aviv, avait pour objectif avoué de mettre un terme aux combinazione du cabinet et de la Knesset en affichant l’évidence du mécontentement populaire. Même si la foule a été relativement nombreuse, il n’a semble-t-il pas été atteint. Le « test de la rue » est resté une sorte de feu de camp techno sans réelle portée politique. Sans doute faudra-t-il attendre la remise, au cours de l’été, de la seconde partie du rapport Winograd - qu’on dit encore plus accablante que la première -, pour que toutes les conséquences en soient enfin tirées concernant les responsables désignés. Mais, d’ici là, beaucoup de choses peuvent se passer.

Il n’est guère que les Palestiniens, pour l’heure très réservés à l’égard de ce qu’ils qualifient de « péripéties de la politique intérieure israélienne », qui auront à subir l’immobilisme provoqué par cette crise. Quand on voit les réticences du gouvernement à faire appliquer une décision de justice ordonnant l’évacuation de quarante-deux familles de colons implantés illégalement à Migron, on imagine que le moment n’est pas encore venu pour la mise en ?uvre des grands desseins sur la colonisation, les frontières ou la paix.

Jacques Bertoin, envoyé spécial en Israël - Jeune Afrique, le 6 mai 2007


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