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Liban : la Résolution 1701 de l’ONU en sursis

mardi 15 mai 2007 - 06h:13

Jean-Paul Chagnollaud - Confluences Méditerranée

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Comme tous les textes de cette nature, la résolution 1701 représente un compromis entre les intérêts et les exigences des uns et des autres ; un compromis qui, sur bien des points, donne surtout des gages à Israël notamment en mettant sur le même plan les responsabilités et les dommages causés dans les deux pays alors que la riposte d’Israël a été démesurée et que ce conflit a littéralement mis à genou le Liban au moment où il commençait vraiment à se relever et à espérer sortir définitivement des interminables séquelles de la guerre civile.

Malgré ces déséquilibres, ce texte demeure important parce qu’il renforce de manière significative le rôle et la mission de la Finul. Désormais, au lieu des quelque 2 000 soldats réduits au statut de témoins impuissants, la Finul renforcée en disposera de près de 15 000 appartenant à plus de 25 nationalités. Les contingents les plus nombreux sont européens et, début 2007, il y avait déjà 1600 Français, 2500 Italiens, 1100 Espagnols et quelques centaines de soldats venant d’autres pays européens sans oublier le contingent allemand embarqué sur des navires dont la mission est d’empêcher toute livraison d’armes illégales par mer. Comme nous l’a expliqué le général Pellegrini, commandant en chef de la Finul jusqu’en février 2007, « je dispose de nouveaux moyens plus robustes que dans le cadre du mandat précédent... et d’une totale liberté d’action dans la zone qui va du Litani à la ligne bleue ; j’ai l’autorisation d’utiliser la force pour garantir que cette zone soit exempte d’armes illégales et pour réagir contre toute action hostile à l’encontre de la Finul... pour mettre en oeuvre cette mission je dispose d’effectifs renforcés, de blindés et bientôt de drônes 1... » .

Le recours à la force prévu par la résolution, dans des conditions d’engagement précises, devrait permettre à cette nouvelle Finul de ne pas connaître le triste destin que beaucoup de Casques bleus ont rencontré dans bien des missions, à commencer par ceux qui ont été au Sud Liban depuis 1978. Le point 12 du texte est très explicite puisque la Finul est « autorisée à prendre toutes les mesures nécessaires dans les secteurs où ses forces sont déployées... de veiller à ce que son théâtre d’opération ne soit pas utilisé pour des activités hostiles de quelque nature que ce soit, de résister aux tentatives visant à l’empêcher par la force de s’acquitter de ses obligations dans le cadre du mandat que lui a confié le Conseil de sécurité, et de protéger le personnel, les locaux, les installations et le matériel des Nations unies, d’assurer la sécurité et la liberté de mouvement du personnel des Nations unies... et de protéger les civils exposés à une menace imminente de violences physiques... ».

Le général Pellegrini se fait d’ailleurs une haute idée de sa mission et a su affirmer à telle ou telle occasion difficile sa détermination à ne pas s’en laisser compter par des forces qui prétendraient ne plus respecter la 1701. Bien sûr, nous précise-t-il, « le recours à la force obéit à des règles d’engagement précises que je dois apprécier sans en référer immédiatement au siège des Nations unies 2. Il faut que la riposte soit à niveau, c’est-à-dire qu’elle corresponde au niveau d’attaque subi... dans tous les cas, la gradation de la riposte doit s’imposer. Selon les circonstances, il existe toute une échelle qui commence avec le dialogue et la persuasion. Dans le cas des violations de la zone commises par des avions israéliens, j’ai dit qu’elles étaient inacceptables, mais tant que nous ne sommes pas menacés, il n’est pas question de tirer. Dans l’hypothèse inverse, nous avons le droit d’utiliser les moyens à notre disposition... ».

Cette Finul peut d’autant peser dans cette zone géographiquement exigüe que le gouvernement libanais a pris la décision historique d’y déployer un contingent de près de 15 000 hommes qui travaille en collaboration étroite et, semble-t-il, dans de bonnes conditions, avec la Finul. Concrètement, sur le terrain, cela signifie donc que, dans cette zone très surveillée, les forces onusiennes et libanaises sont capables d’intervenir rapidement en cas de problème grave, étant entendu que si des militants du Hezbollah étaient repérés avec des armes, la Finul se contente de les signaler à l’armée libanaise seule habilitée à intervenir.

Les critiques des protagonistes

Cinq mois après la fin de la guerre, la situation semblait stabilisée malgré les critiques qui fusent régulièrement de la part des deux principaux protagonistes. Tout en acceptant de jouer le jeu puisqu’il a retiré ses militants armés de la zone, le Hezbollah, très présent et très influent dans tout le Sud, prétend parfois que la Finul s’apparente à une force d’occupation et qu’elle ne fait rien pour empêcher les vols de reconnaissance aérienne israéliens qui, pour lui, sont autant de violations de l’espace libanais... quant aux Israéliens, ils dénoncent sans cesse le fait que le Hezbollah est en train de se réarmer notamment avec des armes qui transitent par la frontière syro-libanaise. Ils exigent même de la Finul qu’elle intervienne pour faire cesser ce trafic, ce à quoi la force des Nations unies rappelle qu’en vertu de la résolution elle ne peut intervenir dans ce secteur que sur la demande expresse du gouvernement libanais ; ce qui n’est encore jamais arrivé (3)...

Cette stabilisation ne doit cependant pas faire illusion. On serait tenter d’écrire que tout ira bien tant qu’il ne se passera rien... mais alors jusqu’à quand ? Comme l’a souligné le secrétaire général des Nations unies dans son ultime rapport sur le Moyen-Orient (publié en décembre 2006) : « Cette Finul élargie sert surtout à gagner du temps et ne peut remplacer de vrais progrès sur le plan politique, tant au Liban qu’entre le Liban et ses voisins ». Et, en effet, la vraie question est là : une force intérimaire de cette nature est extrêmement utile parce qu’elle apaise la situation, rassure les populations civiles, aide à la reconstruction... mais arrivée à un certain point elle ne peut plus rien si un processus politique, même modeste dans une première phase, n’est pas lancé. En ce sens, elle est en sursis.

Or de quelque côté qu’on se tourne, en ce printemps 2007, on ne voit guère de possibilités concrètes de solution politique ni du côté de la communauté internationale ni de celui des acteurs régionaux. Au-delà de certaines déclarations de Condoleezza Rice, d’Angela Merkell ou de Javier Solana qui peuvent laisser espérer que tout n’est pas scellé, la diplomatie européenne semble paralysée par ses multiples contradictions internes tandis que l’administration Bush n’a toujours pas donné de signes forts montrant qu’elle a compris le rapport Hamilton-Baker qui lui suggère clairement de changer de stratégie au Moyen-Orient.

La recherche de solutions politiques

Un des faits marquants de ces derniers mois est l’engagement de contingents européens dans la Finul. Cela signifie que plusieurs gouvernements de notre continent ont accepté le risque de voir leurs soldats mis en difficulté, voire en danger, au Sud Liban. Dans ces conditions, on pourrait penser qu’ils ont tout intérêt à ce que la situation soit durablement stabilisée par la recherche active de solutions politiques. Et, de fait, il y a eu quelques tentatives en ce sens, en particulier celle initiée par l’Espagne, la France et l’Italie en novembre 2006 ; bien que consacrée au conflit israélo-palestinien, cette démarche s’inscrivait dans une volonté plus large de stabilisation de la région où ce conflit occupe une place centrale.

Sans doute parce qu’elle n’a pas été assez discutée avec d’autres pays comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, cette initiative a fait long feu. C’est d’autant plus regrettable qu’elle évoquait la possibilité d’une mission internationale de stabilisation à Gaza... En tout cas le Conseil européen, réuni quelques jours plus tard (les 14 et 15 décembre), ne l’a ni reprise ni soutenue même si ses Déclarations politiques en portent un peu la trace ; ainsi peut-on lire que le Conseil « a invité le Quatuor à se tenir à être le chef de file d’une initiative de la communauté internationale tendant à mettre à profit les résultats de négociations fructueuses entre Israël et les Palestiniens afin de parvenir à un règlement global du conflit israélo-arabe, y compris la conclusion d’accords de paix avec la Syrie et le Liban et une normalisation complète des relations entre Israël et les pays arabes ». Une fois encore les Européens publient un texte lucide mais qui ne les engage guère puisqu’ils renvoient à d’autres le soin d’amorcer un processus politique.

Tout se passe comme si désormais rien n’était possible au niveau d’un Etat, ni de quelques uns, ni de l’Union elle-même qui s’en réfère au Quatuor c’est-à-dire en définitive aux Etats-Unis, c’est-à-dire à l’administration Bush. Et du coup rien ne bouge alors que chacun insiste pour souligner la dégradation constante de la situation au Proche-Orient. C’est une forme absurde et presque inversée de mise en pratique du fameux principe de subsidiarité : au lieu de faire soimême, on renvoie toujours à l’échelon du dessus, ce qui conduit immanquablement au renoncement et à l’immobilisme tout en se donnant bonne conscience puisqu’au moins chacun a pu exprimer sa « préoccupation ». Ce qui traduit aussi un mécanisme délibéré d’évitement puisque, de toutes façons, il existe de sérieux clivages entre les pays membres comme la question irakienne, par exemple, l’avait cruellement montrée. Plutôt que de surmonter ces contradictions, on publie un communiqué qui renvoie à d’autres le soin d’agir...

La force armée plutôt que le dialogue

A d’autres, c’est-à-dire à une administration américaine qui depuis 2001 a privilégié le rapport de forces et donc le recours à la force armée en écartant toute forme de dialogue ou de négociation. On se souvient dans quelles conditions le président Bush, sur la base d’un argumentaire délibérément mensonger, a préféré faire la guerre en Irak plutôt que d’essayer de faire la paix en Palestine comme l’avait tenté son prédécesseur à la Maison Blanche. Et pendant la guerre du Liban, il a longtemps empêché une intervention des Nations unies pour permettre à Israël de « finir le travail » contre le Hezbollah puisque, pour lui, ce conflit armé s’inscrivait dans le cadre du combat mondial de la liberté contre le terrorisme international...

Le projet de Grand Moyen-Orient (au sens très large puisqu’il va du Maroc au Pakistan...) s’inscrit dans la même configuration idéologique. Le discours sur la démocratie qui le sous-tend ne doit en aucune façon occulter la réalité de ses intentions : ce n’est pas la liberté d’expression des peuples de cette région qui importe pour l’administration Bush mais bien le fait d’avoir des régimes qui lui sont favorables et sur lesquels elle puisse compter. La rhétorique sur la démocratie n’est qu’un voile qui cache le véritable dessein stratégique : assurer la sécurité des Etats-Unis en brisant les régimes en place qui lui sont hostiles.

Il suffit de relire les principaux documents officiels consacrés à la Défense nationale publiés par le Pentagone, le Département d’Etat ou la Maison Blanche pour en être convaincu puisque les véritables objectifs y sont clairement exposés ; et on peut, par ailleurs, très bien s’accommoder de régimes alliés pour lesquels la démocratie n’est pas à l’ordre du jour comme en Jordanie, en Egypte ou en Arabie saoudite... A l’inverse, si un processus démocratique incontestable a lieu, comme ce fut le cas en janvier 2006 en Palestine, Washington n’hésite pas à étouffer les vainqueurs parce qu’ils ne conviennent pas ; ainsi, tout le peuple palestinien est lourdement sanctionné parce qu’il a mal voté en portant au pouvoir le Hamas...

Dans un autre monde

Depuis des mois, la stratégie globale, dont le projet du Grand Moyen- Orient n’est qu’une dimension, est critiquée aux Etats-Unis même, au point que les Républicains ont perdu les élections de novembre 2006 au Sénat et à la Chambre des Représentants. Parmi les intellectuels qui ont ainsi pris leur distance avec George Bush et son administration figure Francis Fukuyama4 qui fut, un moment, proche des néoconservateurs. Désormais, celui-ci a des mots très durs à l’égard du président qui selon lui « a une incapacité à reconnaître la réalité telle qu’elle est. Un des moments les plus significatifs a été la réception donnée pour Donald Rumsfeld quand il a quitté le Pentagone. George Bush a déclaré que l’invasion de l’Irak avait représenté un raz de marée dans l’histoire de la liberté humaine.

On a l’impression qu’ils vivent dans un autre monde ». Le rapport Hamilton-Baker prône clairement un changement radical de stratégie au Moyen Orient et suggère de nouvelles pistes politiques ; il n’a pas été entendu par le président américain qui, pour l’essentiel, semble conserver les mêmes orientations malgré les échecs terribles qu’elles ont déjà produits... Loin d’envisager un retrait progressif d’Irak, il veut y envoyer des renforts et au lieu d’accepter d’ouvrir un dialogue avec la Syrie et l’Iran, il continue à fermer presque toutes les portes pour s’enfermer dans un discours fondé sur la menace implicite d’un possible recours à la force.

La pire erreur depuis le Vietnam

Même dans son propre camp les réactions ont été violentes ; ainsi le sénateur républicain, Chuck Hagel, a déclaré après le discours de Bush sur sa « nouvelle » stratégie (en janvier 2007) : « C’est la pire erreur de politique étrangère des Etats-Unis depuis la guerre du Vietnam ». Quant au président (démocrate) de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Joseph Biden, il a estimé que ce que voulait faire Bush était « une erreur tragique ». Dans ces conditions, il y a peu de chances que cette administration accepte de revoir en profondeur ses méthodes et sa politique fondées sur le tout-militaire.

Condolezza Rice a bien fait une nouvelle tournée au Proche-Orient début 2007, mais celle-ci n’a sans doute pour principale fonction que de masquer par un discours sur le retour à la diplomatie la réalité de postures militaires qui préparent peut-être d’autres attaques armées, en particulier contre l’Iran pour l’empêcher de se doter d’un armement nucléaire. Des frappes ciblées sur des sites nucléaires constituent en effet un des scénarios sur lequel les responsables américains travaillent actuellement. En bref, l’impuissance européenne et le volontarisme aveugle des Américains risquent de fragiliser dangereusement le Proche-Orient et mettre ainsi la Finul dans une situation intenable.

La réponse des acteurs régionaux

Si l’on peut être assez pessimiste sur les capacités de la communauté internationale, peut-on s’attendre à quelques initiatives politiques du côté des acteurs régionaux ? La réponse est sans doute tout aussi négative car ils se trouvent tous en grande difficulté. Le gouvernement libanais doit à la fois s’efforcer de trouver les moyens financiers d’une indispensable reconstruction, être attentif aux innombrables tentatives de déstabilisation de certains pays étrangers et affronter une opposition qui n’a pas hésité à plusieurs reprises à paralyser le pays pour essayer de parvenir à ses fins. Fouad Siniora a donc une marge de manoeuvre très limitée qui ne lui permet guère d’avoir du poids dans un jeu diplomatique où de toutes façons le Liban en tant que tel ne peut guère peser...

Le gouvernement syrien s’est engagé dans une politique mortifère sans aucune véritable vision politique. Ayant perdu beaucoup avec le retrait du Liban de son armée et de ses services spéciaux, il s’est replié sur une posture réactive violente où il déploie avec cynisme ses capacités de nuisance qui semblent toujours intactes. Manifestement obsédé par son échec au Liban et par la perspective redoutée de voir surgir un Tribunal international qui serait en mesure de faire la lumière sur l’assassinat de Rafic Hariri, le régime semble prêt à tout pour empêcher toute initiative qu’il ne contrôlerait pas. Comme de surcroît Bachar El Assad est très loin d’avoir l’habileté politique de son père, il ne faut guère attendre de ce régime une contribution sérieuse à l’apaisement des tensions actuelles.

Israël paralysé

Le gouvernement israélien est quant à lui dans une posture presque intenable puisqu’aucun de ses leaders n’est aujourd’hui en position de diriger quoi que ce soit... Le président de l’Etat, qui n’exerce qu’une magistrature morale, vient d’être inculpé de tentatives de viols sur quelques-unes de ses anciennes collaboratrices, tandis qu’Ehoud Omert, le Premier ministre, lui aussi pris dans des affaires judiciaires, est violemment critiqué pour sa gestion de la guerre du Liban. Quant au ministre de la Défense, Amir Peretz, il ne se passe pas une journée où la presse, relayant le sentiment de l’opinion publique, ne demande son départ tandis que le général Dan Halutz, chef d’état major de l’armée, a été contraint à la démission...Cette configuration politique qui met en évidence la faiblesse du pouvoir en place est d’autant plus préoccupante que la société israélienne s’est depuis plusieurs années repliée sur elle-même et radicalisée notamment en raison de la série tragique d’attentats suicides commis principalement par le Hamas. Elle n’est donc guère réceptive à des initiatives politiques fondées sur la volonté d’un vrai dialogue avec les Palestiniens même si les sondages montrent qu’une majorité ne s’oppose pas à la création d’un Etat palestinien.

La thèse lancée par Ehoud Barak et reprise avec beaucoup de force par Ariel Sharon selon laquelle il n’y aurait pas d’interlocuteur palestinien reste profondément ancrée dans l’esprit de beaucoup d’Israéliens qui par ailleurs ont évidemment très mal vécu la guerre contre le Hezbollah qui n’est, pour eux, que le bras armé d’un pays - l’Iran - dont le président ne cesse d’appeler à la destruction d’Israël. Ces perceptions réveillent des angoisses existentielles qui rendent bien difficile une analyse lucide d’une situation régionale par ailleurs volatile et dangereuse. Comme il faut beaucoup plus de courage pour oser un processus de paix que pour déclencher des offensives militaires faussement rassurantes ou s’en tenir au maintien d’un rapport de forces favorable, les possibilités d’une initiative diplomatique israélienne sont faibles.

Les Palestiniens affaiblis

De leur côté, les Palestiniens se débattent depuis un an de manière pathétique dans une crise de régime qui les affaiblit encore davantage. A toutes leurs immenses difficultés liées à l’occupation, à l’annexion rampante d’une partie de leur territoire et de Jérusalem-Est, aux violentes incursions de Tsahal, ils rajoutent leur incapacité à trouver la voie d’un accord permettant la création d’un gouvernement d’union nationale. Et plus encore, au grand dam d’une large majorité de leur peuple, le Premier ministre et le président n’ont pas été capables d’empêcher un affrontement armée entre les services de sécurité du Hamas et ceux du Fatah qui a fait, en quelques semaines, des dizaines de morts... Seule une médiation saoudienne semble avoir réussi (en février 2007) à les mettre d’accord. Si ce compromis tient, les Palestiniens seront peut-être en mesure de s’exprimer d’une seule voix, encore faudra-t-il alors qu’on veuille bien les entendre...

Quant au Hezbollah, tout montre qu’il est en train de se réarmer avec le soutien de la Syrie et de l’Iran. S’il n’a sans doute pas intérêt aujourd’hui à déclencher une nouvelle guerre après le désastre qu’il a fait subir au Liban, rien ne permet de penser qu’il serait soudain décidé à choisir une autre posture vis-à-vis d’Israël qu’il ne reconnaît pas. Et de toutes façons, une inconnue de taille demeure : quel est exactement le rôle de l’Iran dans sa stratégie locale et régionale ? Ses représentants affirment qu’ils ont d’abord un devoir national et qu’ils ne subissent aucune influence venant de l’extérieur. Difficile à croire quand on sait comment aujourd’hui le Hezbollah est soutenu par Téhéran. Cette question est d’autant plus préoccupante que la situation au Proche-Orient est plus complexe et plus dangereuse qu’elle ne l’a été depuis des années. Jamais dans cette région les différents conflits n’ont été aussi entremêlés avec toutes les implications que cela peut avoir pour une déstabilisation brutale de la région.

De la résolution 242 à la 1701

En conclusion, la résolution 1701 marque une étape importante dans la volonté de stabiliser la région mais, sans un processus politique fort et audacieux, elle demeurera en sursis à la merci des politiques antagonistes qui opposent les Etats du Proche-Orient. Le calme actuel peut durer des mois, voire des années, mais il restera fragile tant que la politique ne reprendra pas pleinement la place qui doit lui revenir. Le paradoxe terrible dans cet Orient si compliqué, c’est que les solutions politiques sont connues au moins pour le Liban et le conflit israélo- palestinien. Dans le rapport sur le Moyen-Orient déjà cité, Kofi Annan les résumait ainsi :

● Négociations entre le Liban, la Syrie et Israël pour déboucher sur un traité de paix semblable à ceux qui ont été signés avec l’Egypte et la Jordanie.

● « Revitaliser » la feuille de route qui prévoit l’organisation d’une conférence internationale pour aboutir à la création d’un Etat palestinien à côté de l’Etat d’Israël Le lien entre la stabilité du Liban et le règlement du conflit israélopalestinien est d’ailleurs clairement établi par le dernier point de la résolution 1701 en ces termes : « Il est nécessaire d’instaurer une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient sur la base de toutes les résolutions pertinentes... 242, 338 et 1515 ». La voie est donc tracée mais il manque l’essentiel : la volonté politique.


Notes :

1. Entretien avec le général Pellegrini, Beyrouth, 10 janvier 2007.
2. Dans l’organigramme de la Finul, il existe un poste de conseiller politique placé auprès du commandant en chef ; nommé par New-York, il n’a de compte à rendre qu’au siège des Nations unies même s’il travaille aux côtés du chef de la Finul.
3. Point 14 du texte : « Demande au gouvernement libanais de sécuriser ses frontières... de manière à empêcher l’entrée au Liban sans son consentement d’armes ou de matériel connexe et prie la Finul... de prêter assistance au gouvernement libanais sur sa demande ».
4. Professeur d’économie internationale à l’université Johns Hopkins de Washington. Grand entretien dans le journal Le Monde (14-15 janvier 2007).







Politologue, spécialiste du monde arabe, Jean-Paul Chagnollaud est professeur de science politique, doyen de l’UFR de droit de l’Université de Cergy-Pontoise et directeur de la revue internationale Confluences Méditerranée.

Jean-Paul Chagnollaud - Confluences Méditerranée, N°61, Printemps 2007


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