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Al-Qaida entre en scène

mardi 15 mai 2007 - 23h:54

Khaled Amayreh - Al-Ahram Weekly

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Depuis Jérusalem-Est, Khaled Amayreh rapporte que l’embargo imposé par l’Occident au gouvernement palestinien dynamise les organisations extrémistes dans les Territoires occupés.

Il y a un certain temps déjà que des dirigeants islamiques et nationalistes palestiniens ont prévenu : l’embargo économique appliqué par Israël, l’Amérique et l’Europe contre le gouvernement palestinien élu démocratiquement - y compris le très large gouvernement d’unité nationale récemment formé - pousse la société palestinienne vers l’extrémisme.

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Des manifestants palestiniens regardent des soldats israéliens qui patrouillent le long du Mur de l’Apartheid construit par Israël dans le village de Bilin sur la Rive Occidentale. Chaque semaine, des Palestiniens se rassemblent pour protester contre la barrière construite sur leurs terres - Photo : AFP

Cette semaine, ces avertissements se sont concrétisés quand un groupe - supposément allié à Al-Qaida, ou adhérant du moins à son idéologie - a attaqué une école lors d’une fête à Rafah, dans la pointe méridionale de la Bande de Gaza, tuant une personne et en blessant cinq autres.

Les assaillants n’ont pas visé les écoliers ni leurs professeurs, mais plutôt les organisateurs et la police et ils ont tué un garde du corps d’un dirigeants local du Fatah. Le groupe avait officiellement mis en garde l’école, administrée par les Nations unies, lui intimant de ne pas tenir une manifestation « mélangeant des adolescents, filles et garçons, chose interdite par l’islam ».

Les responsables de l’école et de la localité n’ont apparemment pas pris cet avertissement au sérieux et n’ont pas prévu les mesures de sécurité nécessaires pour empêcher une éventuelle attaque, pensant que les Salafistes (musulmans sunnites ultra-orthodoxes) ne mettraient pas leur menace à exécution. L’agression a été condamnée partout dans les Territoires palestiniens occupés comme un crime totalement injustifié.

Le Hamas a dit que les attaquants étaient des « égarés » qui « répandaient avec légèreté et facilité le sang des Palestiniens ». Et selon le Fatah, les agresseurs étaient des « représentants de forces sinistres » et des « assassins ». L’attaque de Rafah ainsi que d’autres incidents sporadiques récents - notamment l’enlèvement du correspondant de la BBC à Gaza, Alan Johnston, qui n’a toujours pas connu son dénouement - sont considérés comme des signes de mauvais augure.

Contrairement au Hamas, qui par comparaison ressemble à une troupe de boy scouts, les groupes alliés à Al-Qaida ne recherchent ni la popularité, ni ne s’en préoccupent ; l’opinion publique n’a pas d’influence sur leurs actions.
Cela signifie qu’ils sont prêts à exécuter leur programme et les objectifs qui leur sont assignés quelle que soit l’opinion de la société à leur égard.

Il est difficile d’évaluer le nombre de Salafistes, spécialement leurs militants, dans les territoires occupés.
On sait toutefois qu’ils se concentrent dans la Bande de Gaza et se répandent dans la Rive Occidentale.

Il n’y a pas de doute qu’une des principales raisons de leur spectaculaire arrivée est « l’échec de la démocratie » dans la société palestinienne ; celui-ci est principalement imputable au rejet par l’Occident de l’issue des élections de 2006 qui ont porté le Hamas au pouvoir. Dès le début, les Salafistes ont cherché à dissuader le Hamas de participer aux élections ; ils prétendaient que l’Occident, et spécialement l’Amérique, n’étaient pas sincères en parlant de démocratie et que les pouvoirs occidentaux n’utilisaient l’argument démocratique que pour affaiblir l’islam et servir leurs propres intérêts impérialistes.

Les Etats-Unis, Israël et l’Union européenne, ainsi que la plupart des régimes arabes, ont imposé des sanctions économiques, financières et politiques exceptionnellement dures au gouvernement palestinien dirigé par le Hamas, sanctions qui ont acculé la plus grande partie de la société palestinienne au bord de la pauvreté. Les Salafistes et d’autres, comme le Hezb al-Tahrir, ont alors eu beau jeu de dire à ceux qui avaient prôné la participation du Hamas aux élections : « est-ce qu’on ne vous l’avait pas dit ? ».

On présume donc généralement que bon nombre, sinon la plupart de ceux qui rejoignent les rangs d’Al-Qaida, surtout dans la Bande de Gaza, sont en fait d’anciens partisans et membres du Hamas qui ont fini par conclure que le véritable objectif de l’Occident est, non pas de promouvoir la démocratie, mais de détruire l’islam et que le Djihad est la seule façon de l’en empêcher. Cette conviction se trouve renforcée parmi les Palestiniens (et de toute évidence parmi de nombreux autres Arabes dans les pays voisins) du fait que l’Occident, dont l’Union européenne, refuse actuellement de lever l’embargo contre le gouvernement d’unité nationale, refus qui facilite ainsi le recrutement de nouveaux convertis à la cause d’Al-Qaida.

Les répercussions du développement d’organisations semblables dans les territoires palestiniens occupés, et peut-être également parmi les Palestiniens de Jordanie, du Liban et de Syrie, seront sérieuses pour la cause palestinienne elle-même, du fait de l’approche quasi nihiliste adoptée par leurs adhérents.
Effectivement, Al-Qaida croit dans une confrontation existentielle jusqu’au-boutiste avec non seulement les Etats-Unis et Israël, mais avec tout groupe ou gouvernement ou toutes personnes qui se mettraient en travers de ses objectifs. Dans ce contexte, la liste des ennemis potentiels d’Al-Qaida comprend le Hamas et le Djihad islamique ainsi que les Frères musulmans qui rejettent de nombreux volets de son idéologie.

Il est donc à craindre que l’émergence en force d’Al-Qaida ou de groupes similaires sur la scène palestinienne, pourrait redéfinir toute la lutte palestinienne de libération contre l’occupation israélienne. En outre, il va presque de soi que le renforcement d’Al-Qaida parmi les Palestiniens profitera à Israël, surtout à court terme. Celui-ci pourra en effet prétendre qu’il participe avec l’Occident à la lutte contre la « terreur islamique », et trouver de nouvelles excuses pour consolider son occupation et s’emparer des terres palestiniennes.

Ainsi que je le dis ci-dessus, la croissance d’Al-Qaida en Palestine se fera -il faut s’y attendre - aux dépens de mouvements islamiques tels que le Hamas, groupe relativement modéré et ouvert au compromis.

Il s’ensuit que le Hamas entreprendra probablement de prévenir les Palestiniens contre les dangers de l’idéologie nihiliste d’Al-Qaida, surtout après les récents échanges acrimonieux qu’il a eus avec Ayman El-Zawahri, le numéro deux d’Al-Qaida. Celui-ci a reproché au Hamas d’avoir signé avec le Fatah l’Accord de la Mecque, le 8 février, accord qu’il a appelé un « retournement de veste ».

En fait, les savants musulmans affiliés au Hamas ont déjà des contacts avec certains activistes salafistes et essaient de les convaincre que leurs conceptions ne sont pas compatibles avec un islam authentique.
Au début de la semaine, plusieurs savants musulmans ont cherché à persuader les kidnappeurs supposés du journaliste de la BBC, Johnston, que cet enlèvement n’était pas compatible avec la Sharia ou le droit islamique. En effet, Johnston est un « mustaaman », soit un non musulman membre du Ahl al Ketab (les gens du livre) ; il était venu à Gaza, non pas en tant que combattant, mais comme journaliste pour faire connaître les souffrances des Palestiniens au monde extérieur. Et cela, il l’avait fait avec l’autorisation de l’Autorité palestinienne. Son enlèvement était immoral et donc une infraction du point de vue islamique.

Les kidnappeurs auraient prétendu que la Grande-Bretagne, tout comme les USA et Israël, était en guerre avec les musulmans, à preuve l’occupation anglo-américaine de l’Irak, ce qui justifiait l’enlèvement de Johnston en tant que citoyen britannique.

Les savants affiliés au Hamas ont rétorqué que les choses avaient changé par rapport à la période de l’histoire où tous les citoyens ou ressortissants d’un pays s’alignaient sur leur roi. Ils ont argué que beaucoup de Britanniques étaient contre l’occupation de l’Irak et avaient déjà forcé leur premier ministre, Tony Blair, à démissionner.

On avait annoncé auparavant que les kidnappeurs exigeaient du gouvernement britannique cinq millions de dollars ainsi que la libération par les autorités jordaniennes d’une candidate de nationalité iraquienne à une attaque suicide. Ahmed Youssef, conseiller politique du premier ministre palestinien Ismail Haniyeh, a toutefois qualifié ces demandes de « conjectures ». Selon Youssef, Johnston serait libéré dans quelques jours, ou quelques semaines au maximum.

Il est de toute façon extrêmement évident que c’est la trahison des Palestiniens par l’Occident et la poursuite des sanctions contre le gouvernement palestinien qui poussent de nombreux Palestiniens vers Al-Qaida. Il convient de prendre ces événements comme un avertissement sérieux pour l’avenir si la tendance actuelle se maintenait et si les politiques appliquées par les Américains, les Israéliens et les Européens continuaient à nourrir les causes de l’extrémisme et du terrorisme au Moyen Orient. Ces mesures rétrécissent l’horizon des Palestiniens et donnent en fait carte blanche à Israël pour qu’il finisse de déposséder le peuple palestinien.

10 mai 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/844...
Traduction de l’anglais : AMG

Du même auteur :
- Le théâtralisme d’Olmert
- Deux états, palestinien et israélien : une solution chaque jour plus improbable


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