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Ouverture au Proche-Orient ? Israël sous pression

vendredi 11 mai 2007 - 06h:27

Maurice Magis - Le Journal du Mardi

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Ehoud Olmert se dit prêt à un sommet avec les dirigeants arabes dits « modérés » pour discuter du plan de paix saoudien, endossé par la Ligue arabe. Ce qui en dit plus sur l’état de faiblesse du Premier ministre israélien que sur l’état d’avancement du processus de paix au Proche-Orient. Pressé de faire un geste, Olmert a fait une ouverture en trompe-l’ ?il.

“Les lignes bougent”, écrivions-nous récemment dans ces colonnes, évoquant ainsi les man ?uvres diplomatiques en cours au Proche-Orient. On peut même, semble-t-il, parler d’accélération. Et de « momentum », d’une « fenêtre d’opportunité » comme disent les diplomates pour signifier que les choses mûrissent. Des occasions sont là, à saisir pour aller de l’avant.

L’élément déclencheur ? Assurément l’exhumation d’une idée déjà ancienne de plusieurs années, une proposition concrète pour sortir la région de l’impasse israélo-palestinienne. L’Arabie saoudite est à l’origine d’un plan de paix qui prévoit une normalisation des relations entre l’ensemble des pays arabes et l’Etat hébreux. Un projet, déjà adopté en 2002 au cours d’un sommet de la Ligue arabe à Beyrouth. Il a fait l’objet d’intenses caucus diplomatiques pour le raviver et les dirigeants arabes viennent d’en confirmer la substance à Riyad, les 28 et 29 mars. Cette initiative avait certes été balayée d’un revers de main à l’époque par Ariel Sharon et ses alliés américains. Mais, mutatis mutandis, il apparaît aujourd’hui potentiellement comme un élément clé pour ouvrir la voie à une solution négociée globale d’un conflit vieux de près de soixante ans. Et, plus largement, à la mise en place de conditions utiles pour éviter une aggravation de la situation dans une zone lourde de dangereux conflits.

Consensus arabe

Lors de l’ouverture du sommet de la Ligue arabe, le roi Abdallâh Ben Abdel Aziz, sans dramatiser outrancièrement les choses, a dressé sans complaisance la liste des « disputes perpétuelles » qui ont amené « la nation arabe à perdre confiance en elle » et discrédité une Ligue arabe « plus éloignée de l’unité » que lors de sa création. C’est à tous les leaders arabes, quasi sans exception (seul le Libyen Khadafi était absent) qu’il a lancé : « La discorde n’est pas notre destin. » Et le fait est que les rangs se sont un tant soit peu resserré puisque le roi Abdallâh a notamment rencontré le président syrien Bachar Al-Assad, mis au ban par les capitales occidentales et qui, voici peu encore, traitait les dirigeants saoudiens et égyptiens de « demi-hommes » parce qu’ils avaient condamné l’enlèvement de deux soldats israéliens par le Hezbollah libanais. Le roi a également facilité un contact entre le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et le président soudanais, Omar Al-Bachir, à propos du drame du Darfour. D’autres sujets cruciaux étaient également au menu, comme l’avenir du Sahara occidental, la situation au Liban, le cauchemar irakien ou les provocations iraniennes.

Mais c’est essentiellement sur la lancinante question palestinienne que l’unité arabe réaffirmée s’est manifestée avec la proposition renouvelée d’échanger la normalisation des relations entre les Etats arabes et Israël contre l’évacuation des territoires occupés.

La balle à Tel-Aviv

La position arabe offre l’avantage de proposer un règlement global appuyé sur la légalité internationale telle qu’elle s’affirme dans les résolutions de l’ONU, ainsi remises au jour. De quoi aussi débloquer un processus de paix moribond depuis l’échec des négociations de Camp David en juillet 2000, notamment parce qu’ Israël refuse de négocier la création de l’Etat palestinien dans les frontières d’avant la guerre de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale et le droit au retour des réfugiés sur la base de la résolution 194 des Nations-Unies. La situation peut-elle aujourd’hui évoluer positivement ? Ban Ki-moon a fait savoir que de prochaines réunions du quartet international (Etats-Unis, Union européenne, Russie, ONU) pourraient se tenir avec la participation de représentants palestiniens et israéliens, mais aussi du « quartet arabe » (Arabie saoudite, Jordanie, Egypte et Emirats arabes unis, ces Etats qu’Israël qualifie d’ « arabes modérés ». Pour se dire quoi ? « Parler avec les Israéliens ? Pour quoi faire ? Après la paix, oui, nous parlerons. Notre offre demande une réponse. Nous ne pouvons pas proposer plain de paix après plan de paix », a précisé le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal. Histoire de dire que, désormais, la balle est dans le camp d’Israël.

Car, du point de vue arabe, bien des choses ont changé qui justifient de reprendre l’initiative. Ainsi, « pour la première fois, la position palestinienne est en accord absolue avec l’action arabe commune », a insisté M. al-Fayçal. De fait, le chef du Hamas, Khaled Mechaal a dit qu’il ne « s’opposerait pas » à la proposition de la Ligue arabe. Une façon supplémentaire de reconnaître indirectement Israël. Pour donner plus de poids à ses propositions de paix et alourdir la pression sur l’Etat juif, la Ligue arabe a évoqué de possibles ouvertures par la voix de son secrétaire général Amr Mousa. Celui-ci a reconnu que « le monde a changé depuis 1967 », laissant entendre que des discussions sur la base du plan de paix permettraient des amendements au sujet du tracé des frontières ; Et, surtout, sur la question considérée comme « existentielle » par les parties israélienne et palestinienne, du retour des réfugiés, qui pourraient choisir « le retour ou des compensations », ce que reconnaît d’ailleurs le prescrit des résolutions de l’ONU. Pour rappel, cette ouverture au compromis avait déjà été officieusement acceptée par Yasser Arafat

Exit la feuille de route

La parole est donc aux dirigeants israéliens, de plus en plus coincés dans leur intransigeance. Le contexte régional a bien changé depuis 2002. Les Etats-Unis, qui n’ont cessé de jouer les parrains autoritaires dans la région, sont affaiblis par leur échec en Irak. Le Premier ministre israélien a atteint des sommets d’impopularité. Les factions palestiniennes sont parvenues à s’unir dans un gouvernement d’union nationale, retrouvant ainsi une marge de man ?uvre sur la scène internationale. Le plan de paix arabe est appuyé par tous les grands pays musulmans, du Maroc à la Turquie, du Pakistan à l’Algérie. Le secrétaire général de l’ONU a déclaré avoir « exhorté (ses) amis israéliens à envisager sous un nouveau jour cette initiative. » Il s’agit clairement de substituer une perspective de règlement global à la « feuille de route » présentée en 2003 et aujourd’hui bel et bien défunte. Aux yeux des capitales arabes, cette dernière présentait le défaut de tracer un chemin hasardeux, par étapes, vers une sortie de crise - un Etat palestinien à la fin de... 2005 - sans en clarifier le contenu, exception faite d’appels à la bonne volonté des uns et des autres. Sans trop de fioritures, l’Arabie saoudite a dressé le constat de décès de ce plan toujours officiellement soutenu par le « quartet » : « La feuille de route ? Laquelle ? On n’en voit ni le début, ni la fin » s’est exclamé le prince al-Fayçal devant des journalistes.

Autre nouveauté, le sommet de Riyad a mis en place un mécanisme pour promouvoir son initiative. Des « groupes de travail » auront pour mission de prendre contact avec « les parties concernées par le processus de paix », et donc Israël.

Au total, il est marquant que l’Arabie saoudite semble se démarquer de son allié américain. Elle a d’ailleurs adressé de sévères critiques à l’égard de la présence américaine en Irak, le roi Abdallah dénonçant une « occupation étrangère illégitime » et accusant, en termes à peine voilés, « des forces étrangères à la région » de vouloir tracer l’avenir du Moyen-orient. Fin novembre déjà, un haut responsable saoudien avait prévenu que l’Arabie saoudite interviendrait en Irak pour protéger les sunnites en cas de retrait américain désordonné. Mise en garde à l’Iran, accusé de soutenir les chiites, certes. Mais aussi volonté affirmée de l’Arabie saoudite de se poser en leader d’une alternative au projet de « Grand Moyen-Orient » cher à Bush, cela au nom du panarabisme. Au passage, Riyad montre ainsi qu’à ses yeux, le plan du président américain pour pacifier Bagdad est voué à l’échec et qu’il s’agit, en coordination avec la Syrie, de préparer une phase post-américaine en Irak. Ce qui n’a rien pour plaire à Washington. Dans une interview au magazine Newsweek, le prince Saoud a évoqué la volonté de l’Arabie saoudite de rendre une « identité » arabe aux peuples de la région, sans dissimuler son impatience devant les « efforts » aussi rhétoriques qu’improductifs de la diplomatie américaine dans le conflit israélo-palestinien. En un mot, il semble bien que l’Arabie n’attend plus rien de l’administration Bush.

Valse hésitation

Tout cela fragilise les positions israéliennes. Certes, le Premier ministre Ehoud Olmert a dit son souhait de rencontrer régulièrement le président palestinien Mahmud Abbas. Cela, sur insistance des Etats-Unis, mais tout en s’obstinant dans son refus que les discussions portent sur le statut final des territoires occupés. Mais les prudents encouragements de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice à l’initiative arabe ont fait grincer des dents à Tel-Aviv. « Il ne faut pas que les Américains nous sacrifient pour améliorer leurs relations avec l’Arabie saoudite » a déclaré un haut fonctionnaire israélien.

D’où la valse hésitation au sommet de l’Etat. Dans un premier temps, le plan arabe a été repoussé par Israël, le vice-Premier ministre Shimon Pérès le qualifiant de « diktat »...au moment où Ehoud Olmert se déclarait « prêt à avoir des discussions avec les Saoudiens concernant leur approche et leur dire quelle sont les nôtres. » Avant de poursuivre : « Nous ne nous faisons pas d’illusions, (les Arabes) veulent que nous revenions aux frontières de1967 et ils veulent le droit au retour des réfugiés. » Une manière de dire que, comme ce fut le cas avec la feuille de route, les dirigeants israéliens seraient prêts à dialoguer après avoir vidé le plan de paix de ce qui fait sa substance. Si M. Olmert se dit disposé à « faire un effort considérable pour faire progresser les efforts diplomatiques », il tente surtout de gagner du temps, évoquant un « possible accord de paix au cours des cinq prochaines années. » Au plus bas dans les sondages, montré du doigt pour l’échec de la guerre au Liban, ébranlé par des difficultés judiciaires, l’homme est en bout de course. Il est conscient que l’appui des grandes capitales occidentales pourrait s’éroder rapidement. En tournée dans la région, Angela Merkel, présidente en exercice de l’Union européenne, a appelé à saisir une « véritable occasion d’ouverture dans le processus de paix au Proche-Orient. » La présidente du Congrès américain, la démocrate Nancy Pelosi, a déclaré devant la Knesset que « parler avec des partenaires palestiniens est un investissement sage. »

La région est peut-être à un tournant. Comme l’a dit de façon imagée Mahmoud Abbas, l’offre arabe pourrait être la dernière chance pour Israël de vivre dans une « mer de paix ». « Soit nous prenons la direction d’une paix réelle, soit celle de l’escalade » a renchéri Amr Moussa. Pour qui « Israël doit comprendre que la normalisation ne sera pas gratuite et que la paix a un prix. »


Le plan en quatre points

Le 28 mars 2002, la Ligue arabe adopte « l’initiative de paix » proposée par l’Arabie saoudite. Elle prévoit :

- 1/ le retrait total des territoires occupés, y compris du Liban sud et du Golan syrien ;
- 2/ Une solution juste au drame de réfugiés palestiniens en vertu de la résolution 194 de l’ONU qui demande leur droit au retour ou au dédommagement ;
- 3/ La création d’un Etat palestinien indépendant sur les territoires occupés en 1967 en Cisjordanie et à Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale ;
- 4/ En contrepartie, un accord de paix est passé entre Israël et l’ensemble des pays arabes.

Maurice Magis - Le Journal du Mardi, le 10 avril 2007


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