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Une maison à Beit Fouriq

mardi 8 mai 2007 - 07h:06

Tal Haran et Noa Perelson - Mahsanmilim

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Le témoignage de Fadi Rajeb Hanani du village de Beit Fouriq sur l’attaque de sa maison par l’armée israélienne le vendredi 20 avril 2007.

La grande maison familiale comporte une épicerie au rez-de-chaussée, donnant sur la rue, et deux étages d’habitation - Fadi, son épouse et leurs 5 enfants vivent tout en haut, son frère et sa famille logent au premier.

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Destruction par l’armée israélienne de maisons en Cisjordanie occupée - Photo : palestine.over-blog.net - 15 mai 2004

Voici le récit des événements tel que nous l’ont raconté Fadi, son frère et ses enfants :

Vendredi 20 avril, aux alentours de 4 heures de l’après-midi, 3 jeeps (armée et garde-frontière) sont arrivées dans le village. Comme d’habitude, des enfants leur ont lancé des pierres. Fadi a aussitôt fermé son magasin et est rentré chez lui avec tous ses enfants et son épouse. Etaient également avec eux l’épouse de son frère et son bébé. Les jeeps sont allées sur le terrain à l’arrière de la maison où se trouve une petite oliveraie. Là, les soldats ont ouvert le feu en direction de la maison, touchant le panneau solaire sur le toit. Par la suite, les jeeps sont revenues se placer face à la maison, les soldats tirant, 20 minutes durant, en direction de l’entrée de la maison, des balcons et des fenêtres. (Les impacts de balles autour de la poignée de la porte d’entrée, en divers endroits des murs extérieurs de la maison, aux balcons, ainsi que les fenêtres éclatées, tout cela nous l’avons vu et photographié. T. H.).

Pendant tout ce temps, les familles étaient à l’intérieur et pas un mot ne leur avait été dit. Après une vingtaine de minutes, un soldat a ordonné, en arabe, à l’aide d’un mégaphone : « Que l’homme armé descende ! ». Ils ont alors compris que l’armée était convaincue qu’à l’étage supérieur de leur maison se trouvait un homme armé. Mais il n’y avait pas d’homme armé. Il s’est encore écoulé une vingtaine de minutes d’appels de ce genre, par mégaphone, alternant avec des coups de feu. Une quarantaine de minutes après le début de l’affaire, Fadi a pris le bébé dans ses bras, s’est placé derrière la porte donnant sur la cage d’escalier du deuxième étage et a essayé de crier de toutes ses forces : « Il n’y a pas d’homme armé ici ! Que des petits enfants ! ». Et il criait, encore et encore, et c’était comme si personne ne l’entendait. On continuait à tirer dans les fenêtres.

Finalement, les soldats ont demandé à Fadi de sortir avec les petits enfants. Il était abasourdi, épuisé, vidé. Il y a eu, près de la porte, un moment terrible pendant lequel il voulait sortir avec le bébé tandis que sa femme tentait de l’arrêter pour sortir elle-même la première pour qu’on tire sur elle, disait-elle, et pas sur lui. Il lui a fallu de longues minutes pour convaincre ses jumeaux de 6 ans de sortir eux aussi.

Les soldats ont continué à lui demander : « Où est l’homme armé ? » Fadi : « Quel homme armé ? » Les soldats : « Celui qui a tiré sur nous depuis la fenêtre de votre deuxième étage ». Il a répondu : « Il n’y a pas d’homme armé chez nous ». Les soldats : « Si, c’est vrai. Et il a tiré deux balles sur l’armée depuis votre cuisine... » L’officier qui était présent a relevé le nom et le numéro de la carte d’identité de Fadi et lui a ordonné de parler à la Sécurité générale (Shabak) sur le téléphone portable.

La Sécurité générale : « Vous vous trouvez maintenant à l’est de la maison. Il y a un homme armé au deuxième étage de votre maison. Livrez-le avant que nous ne démolissions votre maison. » Deux minutes plus tard, la Sécurité générale - appelant sur le téléphone portable de l’officier - demande à Fadi : « Qui habite avec vous dans la maison ? » Fadi : « Mes frères ». Ils lui disent : « Alors c’est peut-être l’un d’eux, l’homme armé à l’étage supérieur. Dites-lui de descendre et de se rendre. Comme ça il sauvera votre maison. Sinon, dans une heure, vous aurez les ruines de votre maison sur le dos. »

Pendant tout ce temps, les soldats continuaient à tirer sur la maison et à appeler l’homme armé, pour qu’il descende et se rende. Entre temps, des ambulances avaient commencé à se rassembler pour évacuer 5 personnes blessées, un peu plus tôt, par des balles en caoutchouc. Il y avait encore, à ce moment-là, 7 jeeps près de la maison. Il était près de 8 heures du soir.

Quatrième conversation téléphonique avec la Sécurité générale qui essaie toujours de convaincre Fadi qu’il y a un homme armé en haut et qu’il faut le livrer, sinon la maison sera démolie. Alors la Sécurité générale a ordonné à l’officier présent de séparer le fils aîné, Ossama, 12 ans, de son père. Ils ont demandé à Ossama : « Qui était dans votre maison ? » Il a répondu : « Moi, ma mère, mes frères et mon père, ma tante et sa fille ». Ils lui ont demandé : « Ton oncle est en haut ? » Réponse : « Non ». « Alors qui a tiré d’en haut, sur l’armée ? » Réponse : « Personne ».

La famille a proposé à l’armée de servir de bouclier humain aux soldats qui entreraient dans la maison pour rechercher l’homme armé qu’ils prétendaient présent. Les soldats ont refusé. Un bulldozer est arrivé, circulant tout autour du quartier, sans rien faire. Il était déjà 9 heures du soir.

La femme et les enfants ont été éloignés chez les voisins. Deux nouvelles jeeps sont arrivées avec d’autres soldats encore, pendant que la Sécurité générale avait une cinquième et dernière conversation téléphonique avec Fadi. Ils lui ont dit : « Fadi, l’arme qui est en haut, nous allons entrer, la trouver et la prendre. La maison a une sortie cachée ? » Fadi : « Non. Une seule et unique porte à l’avant. » La Sécurité générale : « Pour la dernière fois, livrez l’homme armé et nous ne démolirons pas la maison ». Pendant cette conversation, des soldats étaient aussi montés aux étages des maisons voisines d’où ils tiraient sur la maison.

Fadi : « Si vous trouvez une arme, emmenez-moi ». La Sécurité générale : « S’il n’y en a pas, ce sera l’indice que c’est vous qui avez tiré ».

Les soldats ont éloigné Fadi d’une centaine de mètres de la maison. Puis ils sont entrés dans la maison, ont fouillé, ont tout retourné, déchiré. Ils ont lancé des grenades détonantes qui ont brûlé des matelas et des couvertures, et mis bien du désordre. Ils n’ont rien trouvé.

Il n’était pas loin de 10 heures du soir quand l’officier a rendu à Fadi sa carte d’identité. Fadi lui a demandé : « Où est l’arme que vous avez trouvée ? ». L’officier a eu un rire mauvais et s’est éloigné. Sans explication ni excuses.


Tal Haran et Noa Perelson
Date de la visite à Beit Fouriq : après-midi du dimanche 22 avril 2007.

Mahsanmillim.org
Version anglaise : Testimony of Fadi Rajeb Hanani from the village of Beit Furiq
about the Israeli army’s attack on his home, on Friday 20.4.07

Traduit de l’hébreu par Michel Ghys


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