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Leurs accusations de trahison

lundi 7 mai 2007 - 05h:59

Azmi Bishara

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Extraits de l’interview d’Azmi Bishara réalisée par téléphone d’Abu Dhabi, et retranscrite sur Democracy Now 04.05.07

Azmi Bishara : « J’ai décidé de ne pas attendre et de ne pas me cacher derrière mon immunité parlementaire et de faire face à cette affaire selon mes propres règles et de ne pas attendre qu’ils le fassent. Donc pour ne pas créer l’impression que je me cache derrière mon statut de membre du parlement ou mon immunité, etc... J’ai moi-même démissionné. Et je veux donner une chance à mon parti de travailler au sein du parlement avec deux membres et non pas trois. »

A propos de son départ d’Israël et de sa démission du parlement :

« ...Les deux décisions n’ont rien à voir en fait avec les accusations. Je me sentais déjà épuisé par le travail parlementaire - 11 ans. Des années très, très intenses et je voulais consacrer plus de temps à la philosophie et la littérature, à mes livres, et aussi à un travail politique mais pas au sein du parlement. C’est un endroit particulièrement épuisant. Et je pense que mon travail était très intensif et très créatif. Et les outils sont là et chacun peut les utiliser. Je pense que les partis devraient changer leurs députés au moins 2 ou 3 fois. J’ai fait cela. Mais en fait, j’ai repoussé ma démission à cause des accusations, pendant un mois ou deux, après avoir eu connaissance qu’ils avaient commencé l’enquête.

Et j’ai quitté le pays pour participer à deux ou trois conférences à l’étranger, dont une d’Al Jazeera commentant le Sommet arabe. Et puis j’ai entendu qu’une campagne était menée contre moi dans la presse israélienne, et sur les plans en question, dont les paroles du commandant israélien des services secrets - l’ancien commandant disant à la TV qu’ils avaient décidé de mettre fin au phénomène Azmi Bishara et toutes ces choses, et ce type, vous savez, de campagne totalitaire sans aucune opposition dans la presse israélienne, orchestrée comme les premières semaines de guerre, quand Israël s’engage dans des guerres, au début des guerres. Donc j’ai pensé que je devais ralentir un peu et penser.

Ils ont changé totalement les règles du jeu. Maintenant ils ne m’accusent plus de soutenir l’Etat des citoyens (un Etat pour tous ses citoyens quelle que que soit leur religion, appartenance ethnique.... ndlt) contre le caractère sioniste de l’Etat, ou il ne m’accuse plus de dire des choses. Ils m’accusent de faire des choses. C’est complètement différent. En fait, ils m’accusent de crimes touchant à la sécurité, dont il est, selon la loi israélienne difficile de se disculper, parce que c’est leur arène. Ils peuvent apporter les preuves qu’ils veulent provenant de sources non identifiées des renseignements. Ils peuvent en fait imposer de nouvelles choses que vous n’avez pas fait et interpréter vos relations.

Par exemple, ils peuvent déclarer que tout journaliste ou tout ami avec lequel vous parlez au Liban ou à Londres ou en Egypte, est un agent étranger. Et c’est ainsi, selon la loi israélienne. Les tribunaux de Sécurité sont très différents des tribunaux civils, bien qu’ils soient formellement des tribunaux civils. Mais les règles du jeu y sont totalement différentes, à cause du type de preuve utilisée pour convaincre le tribunal. Et donc j’ai pensé que c’est en fait très mesquin, au lieu d’affronter mon travail politique et idéologique, qu’ils s’en réfèrent à des outils sécuritaires avec lesquels il est très, très difficile de rentrer en compétition... »

Azmi Bishara s’est également exprimé dans un article publié dans le Los Angeles Times dans lequel il compare sa situation à l’Affaire Dreyfus. L’animateur de Democracy Now lui demande d’expliquer la comparaison au cours de l’interview :

« ... Dans une époque de défaite la France a cherché un bouc émissaire, et la chose la plus facile à faire c’était de blâmer quelque d’une minorité, et c’était la façon la plus simple de faire diversion face à la frustration nationale contre le gouvernement à cause d’une défaite de guerre contre l’Allemagne. Ils s’en sont pris à un officier - - bien sûr je ne suis pas un officier, et j’essaie de ne pas être un israélien, alors que Dreyfus essayait d’être un français loyal. Je suis un palestinien, c’est-à-dire je me considère comme un autochtone - dont l’identité est arabe palestinienne.

Mais la similitude est dans le moment choisi et le fait que les medias sont unis au sein d’une telle campagne orchestrée contre un bouc émissaire. Il existe une frustration nationale claire en Israël. Leur programme politique de désengagement en Cisjordanie et à Gaza a échoué. Leur armée contre le Hezbollah a en fait perdu. Et tout le moral, toute l’humeur du pays est bas et amère. Et donc, laissez moi dire, l’industrie de l’opinion publique devait détourner l’attention vers quelqu’un à blâmer.

Mais en fait, la sécurité israélienne a commencé à travailler contre mon cas il y a quelques années - contre moi il y a quelques années, parce qu’ils ne pouvaient pas supporter qu’il y ait un arabe palestinien qui essaie de prendre le discours démocratique libéral de leurs mains et l’utilise contre eux. Ils ne sont pas habitués à ce fait, qu’il y ait un nationaliste arabe, nationaliste palestinien, qui utilise un discours démocratique de citoyenneté et de libéralisme etc... Ils ont commencé à travailler il y a quelques années avant le moment choisi pour la guerre. Je me réfère en fait au moment choisi par les medias et les politiciens, qui est lié avec leur besoin de détourner l’attention dans ma direction... »

Concernant son séjour à l ?extérieur et ses projets éventuels de retour pour affronter les accusations :

« ...Nous sommes en train d’étudier les choses. Habituellement, les gens qui sont accusés de ces choses dans le Tiers-monde, et les dirigeants de mouvements nationaux dans le Tiers-monde, ne capitulent pas de cette manière ; ils ne se laissent pas accuser. Le problème c’est la procédure qu’ils veulent mener en Israël. Ils veulent mener une procédure pour que les gens aux US et en Europe, libéraux et démocrates, puissent voir, vous savez, qu’il n’y a pas de démocrate arabe qui soit pour la citoyenneté et la démocratie, en fait, tous sont des collaborateurs qui fournissent des informations, en fait fournissent des informations à des mouvements terroristes, spécialement des islamistes etc... Ne croyez pas un arabe s’il vient et dit qu’il est un démocrate ou qu’il est séculier ou qu’il est pour l’égalité etc.... Et ils ont leurs preuves, qui sont des interprétations de toutes sortes sur des relations personnelles et des amitiés, qu’ils voudraient que je justifie là bas comme si j’étais un petit suspect, pas comme un dirigeant ou un intellectuel etc...

Cette sorte d’arène qu’ils créeront, nous pensons ... moi et mes avocats et chacun là bas, pense que ce ne sera pas, ce ne peut jouer en notre faveur, parce que c’est leur arène et leur discours, et je devrais jouer à l’intérieur de leur discours. En fait, par le passé, j’ai joué à l’intérieur du discours démocratique libéral, mais jouer à l’intérieur du discours sécuritaire, c’est très, très difficile pour un palestinien à l’intérieur d’Israël.

L’autre message qu’ils veulent envoyer, c’est en fait d’intimider les arabes en Israël par ces accusations et par le verdict du tribunal, montrer que ce chemin mène à ce résultat. Donc en fait, ce que nous voulions éviter c’est ce type de règles du jeu. Habituellement, nous ne sommes pas menés par les règles du jeu qu’ils établissent, mais nous essayons les nôtres. Donc ce que nous faisons maintenant, c’est de rester à l’extérieur et de réfléchir à quoi faire jusqu’à ce que la campagne médiatique se calme, se dissipe, et alors nous pouvons penser à ce que nous ferons et comment et quels seront les termes de mon retour.

Bien sûr, l’exil n’est pas du tout une option pour moi. Habituellement je vis - à l’intérieur d’Israël dans les conditions les plus dures. Je n’ai pas quitté mon pays. J’ai déjà comparu deux fois devant des tribunaux et j’ai gagné. Mais cette fois je sais très bien. Je pense que les israéliens eux-mêmes savent, et ils le disent en fait, que cette fois quand ils vont dans ce coin, cette arène des accusations sécuritaires, c’est très difficile pour eux d’envisager de perdre.

Ils ont préparé les dossiers avec des rapports des services secrets que vous ne pouvez pas contester. Vous ne pouvez pas contester leurs sources d’information. Je suis particulièrement désolé qu’ils soient allés aussi loin, parce qu’ils ont perdu la campagne politique et idéologique. Eux-mêmes ont dit il y a quelques mois, que mes idées politiques sont tellement hégémoniques maintenant dans la rue politique arabe et elles se sont tellement répandues qu’ils ne peuvent pas les combattre sauf d’utiliser le Shabak, qui est la police secrète israélienne. »

Source : Démocracynow.org et publié sur PlanèteNonViolence


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