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Paris-Téhéran : récit d’une Total idylle

vendredi 4 mai 2007 - 07h:53

Lara Mace

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Bientôt champion des mises en examen, le nouveau patron de Total, Christophe de Margerie, est soupçonné d’avoir versé de façon un peu illicite de grosses sommes d’argent à des décideurs iraniens entre 1996 et 2003 pour s’assurer l’obtention de contrats en Iran [1] . Au coeur de ces tractations, le petit Mehdi Hachémi Rafsandjani, fils de l’ancien président iranien. Retour sur un scandale où Paris a plus qu’outrepassé ses pouvoirs.

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Christophe de Margerie, le nouveau patron de Total, a été entendu hier par les policiers de la brigade financière (Ph.
Martine Archambault/Le Figaro)

17 juin 2003 : 1300 flics démantèlent de façon spectaculaire un « groupe terroriste très menaçant » à Auvers-sur-Oise. L’Organisation des Moudjahidines du Peuple Iranien (OMPI) est bien classée comme terroriste par l’Union Européenne (voir encadré) mais Maryam Radjavi, l’épouse du chef, et ses disciples vivaient depuis 20 ans dans cette charmante localité du Val d’Oise. Alors pourquoi cette rafle ? Le juge Jean-Louis Bruguière, encore lui, argue la menace que représentent les 17 mis en examen contre « l’ordre géopolitique mondial ». Par timidité, pas un mot sur les contrats que lorgnent Total en Iran.

C’est, en effet, sans grande subtilité que Paris a joué la carte du marchandage avec Téhéran. Quelques mois avant la rafle, Dominique de Villepin, alors au Quai d’Orsay, rencontrait son homologue iranien, Kamal Kharazi, pour l’assurer que la France était consciente du problème OMPI. Au gouvernement, on s’affaire : les Iraniens s’impatientent. Un bulletin interne du ministère des renseignements iraniens (n°3727-D, 23/06/03, art5/p5) note à cette période : « L’opération mentionnée, qui est sans précédent, a été programmée depuis plus de deux ans et demi par les services de sécurité intérieure français (DST) et les étapes judiciaires dont les détails ont été discutés lors d’échanges dans des réunions avec les services susnommés, ont avancé progressivement. »

Collaborer avec l’Iran pour le bien de l’humanité ? C’est ce qu’a avancé le gouvernement français. Sauf que les discussions ont surtout porté sur l’implantation de Total en Iran. Quelques jours avant cette fameuse rafle, Total et le britannique BP étaient retenus pour un contrat d’exploitation à Bangestan pour 2 milliards de dollars. Contrat qui sera remporté par Total le... 22 juin 2003, soit quelques jours après le coup de filet d’Auvers-sur-Oise.

À mesure que la France peaufine sa coopération économique avec l’Iran (avec ses 8,5 % de parts de marché, elle est le 3ème fournisseur de l’Iran, lequel est son 3ème client au Moyen-Orient), l’opposition iranienne, dont le siège est en région parisienne, se voit régulièrement réprimée. En 2004, un heureux hasard fait que la signature du contrat de construction d’une usine à South-Pars par Total suit de très près la rencontre de Jacques Barrot (ex président du groupe UMP à l’Assemblée) et de Hassan Rohani (alors Secrétaire général du Conseil suprême de sécurité nationale). Rencontre durant laquelle Barrot a réitéré l’engagement de la France dans la lutte contre le terrorisme et de fait, contre les Moudjahidine du peuple. Hassan Rohani est satisfait et se prévaut des excellentes relations qu’entretient son pays avec la nation des Lumières :« sur le plan économique, le contrat qui a été conclu avec Total a réchauffé davantage les relations entre nos deux pays [2]. »

10 ans d’amour donc entre les gouvernements français et iranien, au prix de quelques basses man ?uvres destinées à maintenir Total au pays des mollah. Toujours prompts à réagir quand il s’agit d’or noir, les États-Unis apprécient peu cette amourette et s’intéressent de très près aux agissements du groupe pétrolier. La justice américaine aurait envoyé une convocation à Big Moustache, surnom de Margerie selon La Tribune. Ce que nie Total qui tente, coûte que coûte, de sauver son projet Parts de gaz naturel liquéfié (GNL). Remis en cause pour des raisons quelque peu géopolitiques de hausse des coûts en Iran, le projet déplaît de surcroît outre Atlantique...


Notes :

[1] Signé en 1997, ce contrat porte sur l’exploitation, avec le malaisien Petronas et le russe Gazprom du gisement gazier offshore de South-Pars, situé à 100 km des côtes iraniennes. Le site a été inauguré en 2003.
[2] Révélation faites par M. Mohadessine, président de la Commission des affaires étrangères du CNRI, lors d’une conférence à Bordeaux en 2004.

L’OMPI, bientôt déclassée ?

Figurant sur la liste des organisations terroristes, l’Organisation des Moudjahidines du peuple iranien (OMPI) pourrait en être retirée... sur décision du Conseil des ministres de l’Union européenne qui y rechigne. Notamment en raison de la volonté française de conserver l’étiquette terroriste pour les Moudjahidines. Le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) s’active donc pour obtenir du (futur) gouvernement une réponse positive.

De très nombreux parlementaires européens sont favorables au retrait de l’OMPI de la liste des organisations terroristes car ils y voient une « alternative démocratique » au gouvernement iranien actuel. Cependant, les membres de l’OMPI ne sont pas des enfants de choeur. La branche armée agissant en Irak, aurait participé à la répression des kurdes en 1991. Et Human Rights Watch (HRW), dans un rapport contesté par le CNRI, a souligné les tortures dont auraient été victimes des membres dissidents en Irak.

Lara Mace - Bakchich Baba, le 3 mai 2007


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