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Palestine occupée : comment disparaît un village

vendredi 21 février 2014 - 06h:49

Fadwa Nassar

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Le village de Ramyé, dans al-Jalil, est menacé de disparition. La colonie tentaculaire Karma’el compte s’étendre sur le village, devenu un quartier encerlé au fil des ans, et l’avaler.

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Nakba 1948 - Parachevant son opération de nettoyage ethnique, l’État sioniste nouvellement créé chasse la population autochtone de la Palestine historique - Photo : Reuters

C’est ainsi qu’ont procédé les centaines de points de colonisation installés par l’occupant en Palestine : à partir d’un point, la colonie s’étend peu à peu et avale les terres qui l’entourent, tel que le prévoient les divers organismes de l’entité sioniste, depuis le gouvernement jusqu’à la municipalité, en passant par le Fonds National Juif, l’Agence Juive, la Histadrout et autres.

La colonie de Karma’el fut installée en 1964 en plein milieu de terres appartenant à plusieurs villages palestiniens. Depuis, elle s’est étendue de part et d’autre, vers le nord et le sud, vers l’est et l’ouest, avalant les terres de Deir al-Assad, Baane, Majd El-Kroum, al-Maghar et Nahaf. Non seulement les terres de ces villages furent confisquées, mais les liaisons entre les villages situés de part et d’autre de cette colonie furent coupées.

D’ailleurs, une des fonctions des colonies placées au centre des agglomérations palestiniennes a consisté et consiste toujours à briser les liens sociaux et à détruire toute continuité géographique ou sociale entre Palestiniens. De plus, les colonies sont les principaux centres d’où rayonnent la judaïsation. Elles sont d’abord interdites aux Palestiniens, qui ne peuvent prétendre y vivre, à moins d’être admis par un comité qui juge de la disposition des candidats à approuver le sionisme et leur capacité de s’adapter au mode de vie et de pensée des colons.

Ensuite, les routes traversant al-Jalil sont conçues en fonction de leurs besoins, les pancartes de signalisation des villages sont écrits en hébreu, et les noms arabes sont judaïsés en fonction de leur projet. Pour les colons et le projet de judaïsation de la région d’al-Jalil (mais il en est ainsi ailleurs), eux sont les maîtres, les autres (Les Palestiniens) n’existent qu’accidentellement, et provisoirement. C’est ce que signifie le label « village non-reconnu » d’ailleurs, il n’est pas reconnu par l’entité occupante qui prévoit sa disparition.

Le village de Ramyé est devenu, après l’occupation en 1948, un village non-reconnu, c’est-à-dire voué à la disparition ; il réussit à se maintenir jusqu’à présent, comme tant d’autres villages non-reconnus dans al-Jalil et al-Naqab, à cause de la persévérance de leurs habitants, bien que ses terres (400 dunums) furent confisquées en 1976 au profit « du bien public », c’est-à-dire l’extension de la colonie pour accueillir de nouveaux colons immigrés.

L’administration coloniale a refusé de reconnaître le village de Ramyé, même en tant que quartier à l’intérieur de la colonie Karma’el qui s’est étendue jusqu’à l’entourer de toutes parts. Le village palestinien de Ramyé est aujourd’hui encerclé mais il refuse de s’auto-détruire. Bien que l’affaire dure depuis les années 90, lorsque l’administration sioniste a sommé la population de partir, ce n’est que depuis quelques mois que l’expulsion et la destruction du village sont sérieusement envisagées et que la lutte pour demeurer et vivre à Ramyé rassemble de nouveau les Palestiniens de 48.

Dans les années 90, un accord était intervenu entre l’administration coloniale et les habitants de Ramyé, selon lequel la population se déplacerait vers un autre lieu, et l’Etat leur accorderait des compensations sous forme de terrains pour construire leurs maisons et des terrains agricoles. Cependant, l’occupant a refusé d’honorer sa promesse, pensant que la population, lasse, s’en irait sans compensation aucune. Mais les habitants de Ramyé ne sont pas partis, bien qu’ils vivent sans électricité, sans eau courante, et sans routes asphaltées menant à leur village, la colonie Karma’el refusant de relier le village à tous ces services de base.

Depuis le renouveau des plans de judaïsation d’al-Jalil, la question du village de Ramyé est revenue dans l’agenda de l’administration coloniale. Le « Département des terres d’Israël » a alors proposé aux familles des terrains de construction très réduits pour pouvoir loger tous les habitants de Ramyé, mais pire encore, des terrains dispersé ça et là, en vue de détruire les liens sociaux entre ses habitants, avec un ultimatum, sinon les bulldozers viendraient et détruiraient tout sur leur passage, et il n’y aurait plus de compensations.

Entretemps, les habitants de Ramyé avaient accusé le Département de ne pas avoir appliqué l’accord signé en 1995 devant le tribunal de Haïfa, qui avait donné raison aux habitants. Mais quelques années plus tard, le Département porte l’affaire devant les mêmes tribunaux et obtient gain de cause en août 2013, le précédent jugement en faveur des habitants de Ramyé étant rejeté. C’est alors qu’un nouveau ultimatum est donné à la population de Ramyé, qui devait abandonner son village avant le 4 novembre 2013, sinon, toutes les compensations dues seraient annulées.

Ayant réalisé que les tribunaux ne sont que des outils du pouvoir colonial, la population de Ramyé a décidé de résister, d’appeler à la résistance et au rassemblement de tous les Palestiniens autour de leur cause. Depuis plusieurs mois, une tente de résistance est plantée dans le village pour accueillir toutes les délégations politiques, associatives, culturelles et artistiques qui viennent soutenir la lutte des habitants de Ramyé.

Les partis politiques des Palestiniens de 48 ont affirmé leur solidarité, et organisent des meetings et des manifestations, que ce soit dans la colonie Karma’el ou devant les organes administratifs coloniaux, pour protester contre la disparition du village de Ramyé. Des débats politiques sont organisés sous la tente, des films sont visionnés, et plusieurs fois par semaine, des activités pour les enfants de Ramyé sont animées par des chanteurs, des jongleurs, des artistes et des conteurs venant d’al-Jalil et d’ailleurs.

Il y a une semaine, la presse internationale a commencé à s’intéresser à l’affaire de Ramyé. Cela n’est due qu’à la persévérance de ses habitants et du rassemblement unanime des Palestiniens de 48 autour du village menacé. C’est une nouvelle preuve que la bataille menée sur le plan juridique est sans issue, sinon perdue d’avance. Seule la résistance à l’occupation permet d’envisager un avenir sans oppression ni injustice. Le village de Ramyé résiste, il ne doit pas être détruit. La mobilisation médiatique internationale doit pouvoir faire reculer l’occupant.

20 février 2014 - Diffusé par l’auteur


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