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Les pêcheurs de Gaza subissent une perte de 85 % de leurs revenus à cause du siège et des attaques d’Israël

samedi 4 janvier 2014 - 07h:03

Joe Catron

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Gaza Ville - Ce 17 décembre dans le port de mer de Gaza, des pêcheurs palestiniens et leurs défenseurs avaient dressé une tente, lieu de réunion traditionnel tant pour la fête, le deuil, que la protestation.

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Les pêcheurs de Gaza Ville rapportent leurs maigres prises au port. Leur zone d’activité, confinée par l’armée israélienne dans une bande de 3 milles marins (5,5 km), est polluée et surexploitée. (Mohammed Asad / APA images)

« C’était pour mettre en lumière la situation, les crimes des Israéliens contre les pêcheurs d’ici » dit Amjad al-Shrafi, trésorier du syndicat général de pêcheurs. « Nous voulions envoyer un message au sujet du blocus contre les pêcheurs et montrer que nous ne pouvons pas pêcher librement ».

La manifestation, baptisée « Free the Holy Land Sea » (Libérez la mer de Terre Sainte), s’est achevée deux jours plus tard par la remise d’une lettre au coordinateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, à l’Agence des Nations Unies toute proche, lettre qui demande une protection internationale pour les pêcheurs.

Pendant trois jours des centaines de sympathisants ont visité la tente bondée décorée de drapeaux et de posters de soutien aux pêcheurs. Les organisations représentées vont des défenseurs des droits de l’homme aux groupes de soutien aux prisonniers.

Sous les balles

« Un de nos principaux objectifs était de pousser les gouvernements du monde entier à contraindre Israël à rendre aux pêcheurs la liberté de naviguer sans limites » dit al-Shrafi. « C’est notre droit de naviguer librement dans nos eaux ».

« Un autre objectif était d’obliger Israël à restituer tous les bateaux qu’ils ont saisis et les pêcheurs qu’ils ont capturés ».

Fréquemment les pêcheurs palestiniens dans les eaux côtières se retrouvent sous les tirs des forces navales israéliennes qui ciblent leurs bateaux de part et d’autre de la limite imposée par Israël.

Israël déploie ses navires de guerre dans les eaux palestiniennes en se servant de technologies de l’information gérées par Hewlett-Packard (voir http://www.info-palestine.net/spip.... et le rapport intégral : http://whoprofits.org/HP.

Par sa filiale "HP Israël", la multinationale étatsunienne a emporté un contrat de gestion des ordinateurs de la marine et du réseau de communications en août 2006. http://www.europalestine.com/spip.p...

La zone de pêche autorisée par Israël est passée de 3 à 6 milles nautiques par l’accord de cessez-le-feu mettant fin à huit jours d’offensives israéliennes contre la bande de Gaza et de tirs de représailles par les groupes de résistance palestiniens, en novembre 2012. (1)

Mais les pêcheurs disent que la marine israélienne n’hésite pas à les mitrailler voire à les capturer en saisissant leurs bateaux, alors même qu’ils naviguent ostensiblement dans la zone autorisée.

Enlèvements

« Nous nous trouvions loin de la zone interdite », dit Saddam Abu Warda, un pêcheur de 23 ans que la marine israélienne a enlevé avec son frère de 18 ans, Mahmoud, vers 9 heures du matin le 10 novembre dernier.

« Ils criaient " Vous devez partir d’ici dans les 5 minutes". Nous avons dû couper le filet pour le sortir de l’eau. Alors ils se sont mis à tirer des balles tout près de notre hassaka (barque de pêche). Quand ils se sont approchés de nous, leur navire ressemblait à un grand immeuble éclairé ».

Le petit bateau n’avait pas de moteur « Nous avons essayé de partir en ramant comme des fous » dit Saddam Abu Warda. « Ils nous obligés à nous déshabiller et à lever les mains en l’air. Ils ont tiré des balles en l’air devant notre hassaka. Un soldat criait « Sortez de la hassaka maintenant et mettez-vous à l’eau ». J’étais choqué, ça m’a paralysé, je ne sais pas pourquoi ».

Finalement les tirs ont contraint les frères à sauter dans l’eau froide. « Ils ne cessaient pas de tirer au-dessus de nos têtes, dit Abu Warda. J’étais loin de mon frère. Il s’est mis à crier : je suis blessé ! Il n’était plus capable de continuer à nager. Je suis retourné vers lui à la nage pour essayer de le sauver. Son sang coulait dans l’eau. Alors deux bateaux plus petits se sont approchés de nous. Ils ont sorti mon frère de l’eau. Moi, ils ne m’ont pas pris. »

Quand Abu Warda est parvenu au navire armé, il a perdu connaissance après avoir été ligoté, encapuchonné et frappé. Il s’est réveillé dans une installation pénitentiaire à Ashdod, une ville portuaire proche, près de son frère Mahmoud, dont la partie droite de l’abdomen avait été suturée par des médecins militaires. Les frères disent que ce sont les balles israéliennes qui ont causé la blessure.

Pendant son interrogatoire, après son réveil, un soldat israélien tenta de le persuader que ce n’était pas le cas : « Je lui ai dit que trois navires armés nous encerclaient et tiraient des balles. Le sang de mon frère rougissait l’eau de partout. Il a été blessé par vos soldats ».

Après un interrogatoire interminable dans le port d’Ashdod puis leur transfert dans un centre de détention au passage d’Erez, entre Gaza et Israël, les forces israéliennes ont relâché Abu Warda dans la ville de Beit Hanoun, dans le nord de la bande, une douzaine d’heures après leur enlèvement. Elles ont confisqué leur barque et tout son équipement.

« Nous avons déjà trois hassakas dans le port d’Ashdod » précise Abu Warda sur les pertes subies par sa famille du fait de la flotte israélienne.

Beaucoup de dégâts

L’expérience d’Abu Warda coïncide avec beaucoup d’autres faits qui font l’objet d’un rapport par le Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme (PCHR). Le PCHR, qui soutient la campagne « Free the Holy Land Sea », est en train de traduire ce document déjà publié en arabe.

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Le 17 décembre 2013, des pêcheurs et leurs amis tiennent des posters de leurs collègues enlevés par les forces israéliennes. (Catron)

Selon le rapport, en 4 ans, du 1er septembre 2009 au 31 août 2013, la marine israélienne a tué deux pêcheurs, elle en a blessé 24 et elle en a enlevé 147. Elle a également confisqué 45 bateaux et en a détruit ou endommagé 113 autres.

Le rapport souligne par ailleurs les pertes encourues suite à une trentaine de bombardements de nos ports de pêche au cours de l’offensive israélienne de novembre 2012 contre la bande de Gaza : quelque 80 bateaux supplémentaires ont été endommagés et une clinique ainsi qu’une maison de jeunes pour les pêcheurs ont été détruites.

« Les différentes installations de pêche ont été gravement endommagées pendant l’offensive militaire » dit Khalil Shahine, directeur de l’unité des droits sociaux et économiques au PCHR. Diverses installations ont été ciblées et détruites dans les ports de Gaza Ville, Deir el-Balah, Khan Younès et Rafah.

« Le rapport démontre aussi l’impact de l’ensemble des dégâts causés aux pêcheurs et au secteur des pêcheries » ajoute Shaline. « L’impact principal est une perte de 85 % des revenus pour le secteur, résultat des restrictions d’accès et du blocus naval ».

Les atteintes corporelles n’ont pas cessé d’augmenter pendant les mois après la période que couvre le rapport. Le PCHR publie régulièrement des comptes-rendus sur les violations des droits humains à Gaza. Ces rapports indiquent qu’Israël a tiré au moins 37 fois sur des pêcheurs depuis septembre dernier, et saisi 6 bateaux.

« J’aimerais remercier pour toutes les campagnes de solidarité engagées dans cette action et qui font preuve de solidarité avec les pêcheurs palestiniens » dit al-Shrafi.
Nous demandons que la communauté internationale continue de faire pression sur ses gouvernements, en exigeant pour nous tous une vie digne et libre ».

(1) Le 21 mai 2013, l’armée israélienne annonçait son intention de redonner au périmètre de pêche la dimension autorisée jusqu’en 2006, soit six milles marins. Les conséquences de ce geste ne sont pas encore connues, mais la productivité a peu de chances d’augmenter puisque les bancs de grands poissons sont à au moins huit milles. (Oxfam)

* Joe Catron est un militant et journaliste US vivant à Gaza. Il a co-édité The Prisoners’ Diaries : Palestinian Voices from the Israeli Gulag, une anthologie de récits de prisonniers libérés en 2011. Son blog : joecatron.wordpress.com - son compte twitter : @jncatron.

29 décembre 2013 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert


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