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Gaza : un blocus de plus en plus dur

lundi 9 décembre 2013 - 06h:48

Ahmed Eleiba

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« Ils nous reprochent d’être vivants … mais bon sang ! C’est une accusation qui est forgée de toutes pièces ! » L’amertume sarcastique de cette remarque écrite par Mohamed Abou Shar, un citoyen gazaoui, résume le désespoir accumulé par le manque d’accès aux nécessités basiques de la vie à Gaza, victime d’un blocus économique depuis 2006. Même les voies existantes aux biens essentiels ont été fermées.

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Fayza Al-Louh, 48 ans, observe son fils Zaïd, 19 ans, qui étudie pendant une coupure de courant à Beit Lahiya, dans le nord de la bande de Gaza (photo : AP)

Le Caire - Parmi les répercussions des événements politiques en Égypte, économiquement Gaza souffre plus que jamais auparavant, et il n’y aucun répit en vue. A l’ouest et au sud, beaucoup des tunnels Sinaï-Gaza, ces artères artificielles qui avaient connu un regain d’activité sans précédent ces trois dernières années, ont été fermés par l’armée égyptienne pour enrayer le flux d’armes de contrebande et de terroristes dans le Sinaï ainsi que le flux de gasoil égyptien dans Gaza. Les lignes d’approvisionnement restantes sont maintenant strictement régulées. A l’est et au nord, Israël a rétréci les valves pour réduire à un mince filet l’afflux de biens et de matériaux. Résultat : le secteur privé gazaoui a été décimé et un pessimisme aussi sombre qu’avant l’attaque de 2008 contre Gaza domine une fois de plus.

« Gaza est aux prises avec une crise humanitaire de plus en plus grave et qui menace de prendre des proportions catastrophiques dans un avenir proche » poursuit Mohamed Abou Shar dans son compte-rendu de la situation actuelle à Gaza. « Il n’existe même plus le moindre espoir de remédier à cette crise. L’électricité, la source numéro un qui fait tourner les engrenages de tous les secteurs de la vie quotidienne, n’est disponible que six heures par jour, ce qui oblige les gens à concentrer leurs activités essentielles à ces heures-là. A cause de la pénurie de gasoil, les générateurs fonctionnant au gasoil vont bientôt cesser d’être une source d’énergie alternative quand l’électricité est coupée. Aux moments où des quantités limitées de gasoil sont disponibles, il se vend le double ou le triple du prix normal. Les hôpitaux sont particulièrement frappés. En plus de la pénurie de médicaments, les opérations chirurgicales urgentes doivent se faire à la lumière des bougies".

Faisant écho à Abou Shar, un autre jeune Palestinien, Amr Hijazi, confie à Al-Ahram Weekly : « Le seul espoir qui me reste maintenant est de quitter Gaza pour n’importe quel endroit qui offre des moyens de subsistance ». Il ajoute que son sentiment est partagé par des milliers d’autres jeunes Palestiniens de la bande de Gaza, où la pauvreté et le chômage sont monnaie courante. « Il n’y a pas d’emplois parce qu’il n’y a ni industrie ni production. Même ceux qui sont un peu mieux lotis ne trouvent rien à acheter ici » ajoute-t-il.

Abou Shar note qu’Israël fournit quelques biens de consommation via le passage Karam Abou Salem. « Mais Israël joue le jeu de pousser les Gazaouis à oublier les tunnels du côté égyptien et à dépendre uniquement de lui pour se fournir, si bien qu’ils seront entièrement à la merci d’Israël. Nous n’avons pas le luxe politique de pouvoir choisir » précise-t-il.

Hijazi résume ainsi : « Les tunnels ont été fermés. Le Hamas et les factions palestiniennes qui lui sont liées sont à présent objet de haine et de campagnes de presse malveillantes en Égypte. Mais il y a environ 1 million 750 mille personnes qui vivent à Gaza. Disons que 750.000 appartiennent à ces factions. Quelle faute a donc commis le million de personnes restantes ? Pourquoi doivent-elles payer le prix des actions des autres, bonnes ou mauvaises ». Il ajoute avec une pointe d’ironie : « Je pense que les cigarettes sont tout ce qui arrive d’Égypte par contrebande maintenant, parce que c’est facile à passer. Vous pouvez oublier tout le reste, parce que le trafic via les tunnels s’est complètement arrêté ».

C’est le peuple qui paie le prix le plus lourd

Selon Hijazi, le Hamas paie à présent pour sa loyauté envers les Frères Musulmans, qui sont restés au pouvoir en Égypte pendant un an. « Mais c’est le peuple qui paie le prix le plus lourd. En réponse aux demandes de résoudre la crise, les autorités du Hamas disent que chacun – peuple et gouvernement – souffre du blocus. En fait, même l’accès privilégié aux biens dont ont bénéficié les membres des factions n’existe plus, parce que les stocks sont épuisés ».

Abou Shar voit la situation politique et économique différemment : « Les gens du gouvernement du Hamas, avec leurs armes, leurs régiments et leurs agences, se tiennent les coudes. Aussi, il est difficile d’imaginer que le mouvement renonce au pouvoir afin de mettre fin au blocus ».

Au Caire, dans certains milieux politiques et officiels, l’idée a circulé que l’Égypte devrait intervenir militairement à Gaza pour renverser le gouvernement du Hamas et y restaurer un gouvernement de l’Autorité palestinienne (AP), mettant fin ainsi à une situation qui a des répercussions dangereuses dans le Sinaï, à cause de groupes djihadistes dont les réseaux couvrent la frontière Égypte-Gaza. Les tenants de cette idée arguent qu’il n’y a plus d’espoir de réconciliation inter-palestinienne entre l’AP dirigée par le Président Mahmoud Abbas en Cisjordanie et le gouvernement semi-autonome de facto [ ?] du Hamas à Gaza. Selon le Général Alaa Ezzeddin, directeur Centre d’Études Militaires, cette idée n’est que « folie ». « Alors que Égypte a rétabli sa sécurité et sa souveraineté aux frontières, elle n’a pas oublié le rôle qu’elle se doit de jouer dans la cause palestinienne, indépendamment de ce qui se passe. Elle doit continuer à travailler pour combler le fossé entre les camps palestiniens rivaux ».

Il y a eu quelques efforts pour venir en aide au peuple gazaoui. Le 15ème convoi de la campagne humanitaire « Miles of Smiles » vient de rentrer de Gaza par le passage de Rafah, après avoir remis des quantités de fournitures médicales et de biens essentiels offerts par la Fédération des médecins arabes. Mais selon le Ministère palestinien de la Santé qui a reçu le convoi, l’aide ne répond qu’à 30 % des besoins de Gaza. Abou Shar souligne que l’alimentation apportée par les 120 véhicules du convoi suffisent à peine pour satisfaire les besoins alimentaires de centaines de milliers de gens pendant deux jours.

Aggravant encore la détresse des Gazaouis, l’UNWRA a du mal à remplir ses tâches d’assistance humanitaire dans les conditions actuelles du blocus. Le porte-parole de l’UNWRA à Gaza, Adnan Abou Hasna, a déclaré à Ahram Weekly que la crise « s’est aggravée au-delà de tout niveau acceptable », vu les répercussion sans précédent de certaines pénuries. « Par exemple, le manque d’électricité affecte le système de traitement des eaux usées, qui est complètement hors d’usage. Le manque de carburant affecte les boulangeries, qui ne peuvent plus fournir le pain. Les pénuries ont affecté le secteur de la pêche, les hôpitaux – tout. On n’est plus en mesure de survivre à Gaza. Tout s’est arrêté. Même les municipalités ne sont plus en mesure de collecter les ordures et de nettoyer les rues. C’est devenu banal d’apprendre qu’une opération chirurgicale s’est faite à la lueur de bougies. Les étudiants doivent étudier à la bougie ».

Abou Hasna parle d’un troisième niveau de conséquences : « l’énergie négative » grossie par un climat de chômage rampant. Il explique qu’il n’y a pas d’emplois à Gaza puisque le blocus israélien empêche l’entrée de matériaux de construction, contraignant la plupart des entreprises de Gaza ayant besoin de ces fournitures à fermer. « Le secteur privé s’est complètement effondré. Il y a maintenant un grand nombre d’ouvriers du bâtiment sans travail. Parmi les sans-emploi il faut aussi ajouter tous ceux qui travaillaient dans les tunnels ».

Abou Hasna résume la situation comme suit : « Le blocus se durcit et les appels à l’aide ne sont pas entendus ». Il explique que l’UNWRA fournit de l’aide à 830.000 familles de Gaza, soit environ 80 % de la population. C’est sans doute le nombre de bénéficiaires d’aide le plus élevé de tous les programmes d’aide de l’UNWRA. 

Si le blocus n’est pas levé, la vie va devenir impossible

"Israël doit cesser ces pratiques inhumaines. Il doit autoriser l’entrée de marchandises et de matériaux pour l’industrie afin que les Gazaouis puissent au moins produire ce dont ils ont besoin et exporter le surplus, pour générer un mouvement économique. A présent, Gaza n’exporte que 1% du niveau qui était autorisé en 2006.

"Que le passage Karam Abou Salem [le seul passage commercial] ne soit ouvert que pour une poignée de biens de consommation, alors que toute l’activité industrielle et exportatrice est étranglée, voilà qui contrevient à toutes les lois et à toutes les conventions sur les droits humains".

Les Palestiniens qui nous ont parlé s’accordent à dire que Gaza a été durement frappé par les répercussions des développements politiques en Égypte. Même ceux qui peuvent entendre pourquoi l’Égypte a fermé les tunnels en réaction aux activités du Hamas et des factions militaires ressentent que rien ne justifie la poursuite des graves violations des droits de l’homme que subit chaque jour le peuple de Gaza.

Mais si certains Palestiniens reprochent à d’autres arabes d’ignorer leur détresse, voire d’y rajouter, ils sont unanimes à blâmer Israël en tant que principal coupable.
Comme le dit Abou Hasna : « Il est vrai que la fermeture des tunnels a aggravé la souffrance à Gaza parce qu’ils permettaient une aide grâce au flux de biens et de carburant passant en contrebande depuis l’Égypte. Mais avant tout, c’est Israël qui est responsable de la détresse. En droit international, Gaza est un territoire occupé et la puissance occupante a la responsabilité de fournir les biens de nécessité vitale. C’est ce que Israël ne fait pas »

Il ajoute : « Nous, à l’agence UNWRA, nous sommes en contact quotidien avec le bureau du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon et avec le côté israélien afin de faire bouger les choses pour soulager la crise. Jusqu’à présent il n’y a pas eu de résultats positifs tangibles, et je ne vois aucun signe de solution dans un avenir proche ».

3 décembre 2013 - Ahram.Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/News/486...
Traduction :Info-Palestine.eu - Marie Meert


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