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Une année après l’opération « Pilier de Défense », le cauchemar continue

jeudi 21 novembre 2013 - 03h:18

Yonatan Gher

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Après que 165 Palestiniens et 6 Israéliens eurent été tués, les dirigeants politiques devaient mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur les violations des droits de l’homme alléguées. Comme aucune partie ne montre sa volonté politique de protéger tous les civils, le cycle des violations devient un cauchemar récurrent.

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Palestiniennes pleurant la mort de Mahmoud Raed Saddllah, un enfant de 4 ans tué lors d’un bombardement sur Jabaliya, bande de Gaza, le 16 novembre 2012

Le 21 novembre 2012, Mahmoud Abou Khousa, âgé de 13 ans, était tué par un missile tiré par un drone israélien sur une boutique de sa rue dans le quartier al-Manara de Gaza-Ville.

Quelques jours plus tard, des délégués du Secrétariat international d’Amnesty International examinaient le site de la frappe de ce missile. Celui-ci a frappé Mahmoud dans une large rue offrant une bonne visibilité aérienne. La surveillance aérienne israélienne aurait été en mesure de voir que c’était un enfant. Selon les témoins, à ce moment-là il n’y avait aucune cible militaire avérée dans les environs

Mahmoud a été tué le dernier jour du conflit de huit jours entre l’armée israélienne et des groupes armés palestiniens dans la bande de Gaza. Les forces israéliennes avaient lancé l’opération Pilier de Défense le 14 novembre 2012 en assassinant le dirigeant de l’aile militaire du Hamas, à la suite d’attaques illégitimes des deux côtés les jours précédents.

En une semaine plus de 165 Palestiniens, dont plus de 30 enfants et 70 autres civils ne participant pas directement aux hostilités, ainsi que 6 Israéliens dont 4 civils, furent tués. Un cessez-le-feu survint le soir du 23 novembre.

L’armée israélienne n’a fait aucun commentaire sur le meurtre de Mahmoud dans aucune des 18 frappes documentées par Amnesty International, au cours desquelles des civils ont été tués par des missiles tirés depuis des drones israéliens pendant cette semaine tragique.

Pendant ce conflit les Gazaouis ont fui leur maison par dizaines de milliers. Si la majorité de ces familles ont pu revenir chez elles après le cessez-le-feu, elles sont toujours aux prises avec le traumatisme de la fuite, souvent sous les tirs.

Des centaines de familles de Gaza sont encore toujours déplacées parce que leurs maisons ont été détruites pendant le conflit. Une année plus tard, la plupart d’entre elles n’ont pu être reconstruites à cause des restrictions continuelles infligées par Israël sur l’importation de matériaux de construction à Gaza.

En Israël aussi, des civils ont été touchés par le conflit. Des groupes armés palestiniens ont tiré plus de 1.500 roquettes et mortiers pendant les huit jours. La grande majorité de ces armes étaient sans discrimination, c’est-à-dire incapables d’être dirigées sur des cibles militaires, et en ce sens leur usage violait le droit humanitaire international.

David Amsalem et sa famille n’oublieront jamais le matin du 15 novembre 2012. Sa femme lui téléphona au travail à 8h30 pour l’assurer que tout était calme. Mais un quart d’heure plus tard, une roquette tirée de Gaza frappait son immeuble d’appartements à Kiryat Malachi, tuant son fils de 24 ans, Itzik.

« Dès que l’alarme retentit, notre plus jeune fils poussa mon épouse hors de l’appartement, mais Itzik prit du retard. Mon épouse cria « Itzik, Itzik ! ». Notre voisin entra pour le faire sortir, et lui aussi fut tué » raconte-t-il à Amnesty International.
Ce voisin était Aharon Smadja, 49 ans, père de trois enfants. Mirah Scharf, 25 ans, mère de trois enfants, fut elle aussi tuée dans la même attaque.

Un an après le conflit, aucun des deux côtés n’a mené d’enquête indépendante et impartiale sur les violations alléguées.

L’Avocat Général Militaire d’Israël a reçu des dizaines de plaintes d’ONG palestiniennes et israéliennes, notamment des cas de civils tués lors d’attaques qui pourraient bien être des crimes de guerre, mais à la connaissance d’Amnesty International il n’a pas encore ouvert une seule enquête criminelle.

Quant à l’administration de la bande de Gaza, de facto le Hamas, elle n’a pas encore mené d’enquête sur des violations du droit humanitaire international par des groupes palestiniens armés pendant le conflit. Outre les quatre civils israéliens tués illégitimement par des tirs de roquettes sans discrimination, il y a des preuves que plusieurs civils palestiniens de Gaza ont été tués par des roquettes palestiniennes.

Les responsabilités non assumées pour des violations sérieuses du droit humanitaire international, y compris des crimes de guerre, sont systématiques et remontent bien en-deçà du mois de novembre 2012.

Les violations israéliennes à Gaza et en Cisjordanie se poursuivent quotidiennement, notamment l’usage régulier de la force létale à l’encontre de civils palestiniens ne représentant pas la moindre menace pour les forces israéliennes. Depuis fin février des groupes armés palestiniens à Gaza ont sporadiquement tiré des roquettes et des mortiers contre des communautés civiles en Israël.

La peur d’un nouveau bain de sang est suspendu comme un nuage noir au-dessus des hommes, des femmes et des enfants qui se sentent piégés dans un cycle de violations encouragé par le climat d’impunité. Et comme si la peur de nouvelles attaques meurtrières ne suffisait pas, les habitants de Gaza sont confrontés aux effets désastreux du blocus israélien du territoire qui se poursuit sur terre, par mer et dans les airs, en plus des restrictions imposées par l’Egypte. Les Gazaouis manquent d’eau potable saine, ils subissent des coupures de courant plus de 12 heures chaque jour et beaucoup d’entre eux doivent se battre pour avoir accès à des fournitures de base comme de la nourriture et des médicaments décents.

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L’agrumiculteur Yusuf Jilal Arafat devant sa maison où sa fille Runan, 5 ans, a été tuée quand 10 missiles israéliens ont frappé cette zone essentiellement agricole dans le quartier de Zeitoun à Gaza-Ville, le 2 décembre 2012. L’épouse d’Arafat, enceinte de quatre mois et son fils Jilal, 8 ans (T-shirt noir) ont été extraits vivants des décombres. Ses enfants souffrent maintenant de paniques nocturnes fréquentes. Arafat ne comprend pas pourquoi sa maison a été ciblée, alors qu’aucune roquette n’avait été tirée depuis cette zone (photo by : Ryan Rodrick Beiler/Activestills.org)

Ces épreuves ont été à leur comble le 1er novembre dernier, quand l’unique centrale électrique de Gaza a dû fermer par manque de carburant, mettant encore davantage en péril les services de santé et d’hygiène.

« Le monde a oublié Gaza, ses femmes et ses enfants. Le blocus est aussi mauvais que la guerre, c’est comme une mort lente pour tout le monde à Gaza. Nous payons le prix des différends entre divers pouvoirs. N’est-ce pas une honte ? Le monde a perdu son humanité » : c’est ce que disait à Amnesty International la semaine dernière Attiyeh Abu Khousa, le père du jeune Mahmoud.

Le monde continue à détourner les yeux quand il s’agit du blocus de Gaza, punition collective pour 1,7 million de civils. On a permis à cette énorme violation du droit international de perdurer depuis plus de 6 années. Même si des dirigeants israéliens et palestiniens témoignent d’une volonté politique de protéger les civils – des deux côtés – le cycle des violations devient un cauchemar récurrent. Et à moins que la communauté internationale ne fasse le nécessaire pour qu’il devienne prioritaire de mettre fin à ces abus contre les droits humains et à l’impunité des crimes contrevenant au droit international, une résolution juste et durable du conflit restera hors de portée.

Yonatan Gher est le directeur d’Amnesty International Israel.

16 novembre 2013 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://972mag.com/a-year-after-pill...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert


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