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Les coupures de courant obligent les jeunes de Gaza à étudier dans l’obscurité

mercredi 20 novembre 2013 - 07h:37

IRIN

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GAZA (IRIN) — Depuis le début de novembre, la seule centrale électrique Gaza est à l’arrêt en raison de la pénurie répétée de mazout industriel. Il en est résulté un accroissement important des pannes de courant pour la population de Gaza (près de 1,7 million d’habitants) et, désormais, il n’y a plus d’électricité durant une moitié environ de chaque jour.

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Yusri Balaha et son frère estiment qu’il est particulièrement fastidieux de lire à la lueur d’une bougie.
(Ahmed Dalloul / IRIN)

Le coordinateur humanitaire de l’ONU pour la Cisjordanie occupée et Gaza, James W. Rawley, a déclaré que les pannes et la pénurie répétée de carburant va « avoir un impact sur tous les services essentiels, y compris les hôpitaux, les cliniques, les stations d’épuration et de pompage des eaux ».

La centrale n’avait été rouverte que l’an dernier après sa remise en état, consécutive aux attaques aériennes d’Israël en 2006. Selon l’Autorité de l’Énergie de Gaza, la centrale produit environ 30 pour 100 de l’électricité de Gaza, le reste venant d’Israël (120 mégawatts) et d’Égypte (27 mégawatts). Depuis juin, un renforcement des mesures de sécurité du côté égyptien de la frontière a considérablement réduit l’importation de carburant via les tunnels, et l’Autorité palestinienne à Ramallah, en Cisjordanie, a cessé ses livraisons de carburant en raison d’un litige à propos des taxes.

Pour se faire une idée de l’impact des pannes sur les Palestiniens résidant dans la bande de Gaza, IRIN a rencontré la famille Balaha, dans le camp de réfugiés BeachCAMP.

« Les coupures de courant à Gaza ont toujours été pénibles, mais elles ont atteint désormais une toute nouvelle ampleur », a expliqué Fuad Balaha dans sa boutique de coiffeur mal équipée, au cœur du camp de réfugiés. Il y a peu de commodités pour les quelques clients et, désormais, même l’électricité est un luxe. « La situation est très pénible et nous nous attendons à ce que les choses empirent encore, si rien ne vient remédier à la situation. »

Des dettes énormes

Fuad est marié et il a un bébé de quatre mois. Toute une famille de 18 personnes – dont sa mère, ses frères et sa sœur, veuve – dépend entièrement de sa petite boutique. Son père est décédé il y a six mois. Il est grevé de dettes énormes en raison de son mariage et de celui de son frère, et la famille a également dû contracter des emprunts ces sept dernières années afin de financer la construction de la maison familiale.

Vu l’absence d’électricité durant une bonne partie de la journée, il dit souvent à ses clients potentiels de revenir un peu plus tard. « Quand les coupures duraient huit heures, je me faisais entre 50 et 60 shekels [près de 15 $] par jour mais, maintenant que le courant est coupé pendant 12 heures (…), celui réduit mes rentrées à 30 ou 40 shekels, ce qui rend encore plus pénible une situation déjà difficile. »

Cela se passe juste avant six heures du soir, dans la maison familiale des Balaha, une construction de trois étages qui n’est pas encore terminée, dans un quartier très peuple du nord de Gaza City, à quelques kilomètres de la boutique.

« Nous n’avons que des bougies »

La mère de Fuad, Enshirah, 55 ans, allume une bougie quand les ombres commencent à s’allonger, ce qui vient de plus en plus tôt à mesure que l’hiver approche. Elle surveille l’horaire de délestage de la compagnie d’électricité pour être bien sûre que les bougies seront prêtes quand les lumières s’éteindront.

« Nous n’avons que des bougies. Notre génératrice a été endommagée voici quelques années, et nous n’avons pu la réparer parce que c’est cher. Et même si elle fonctionnaire, comment nous procurer du carburant et comment pourrions-nous le payer ? Nous ne pouvons donc compter que sur des bougies. »

Une grosse préoccupation des Balaha et de bien d’autres familles réside dans le risque d’incendie posé par les bougies. « Je les vérifie plutôt deux fois qu’une, parce que j’ai appris qu’il y avait eu des accidents et des incendies, à Gaza », explique Enshirah. Un mois plus tôt, sa fille et ses petits-enfants dormaient dans la maison quand une bougie posée sur la télévision est tombée et a provoqué un début d’incendie. Sa famille s’est réveillée avec la fumée et la famille a pu éviter l’incendie.

L’autre préoccupation d’Enshirah consiste à s’assurer qu’il y ait au moins un peu de lumière de sorte que ses petits-enfants puissent étudier. « C’est une tâche difficile », dit-elle, « mais il faut le faire pour qu’ils continuent à étudier. »

« La misère ! »

Yusri, 14 ans, rejoint son plus jeune frère, assis à une petite table basse, où tous deux se penchent autour d’une seule bougie, préparant leurs cours du lendemain. Yusri, le neveu de Fuad est orphelin et il est aidé par son oncle Mohammed, 24 ans, qui a obtenu son diplôme universitaire voici trois ans, mais qui est actuellement sans emploi.

« J’essaie dans la mesure du possible d’avoir fini de lire tant qu’il y a du courant, ou d’utiliser la lumière du jour », déclare Yusri. « La situation m’est beaucoup plus pénible depuis peu. L’obscurité ne me laisse guère de temps pour bien réviser. Et les examens de mi-session seront bientôt là. » Quand le courant est coupé, il va dormir tôt ou il reste à l’extérieur de la maison pendant quelque temps. Ses heures de télévision et de loisirs sont limitées. Toute la famille subit la contrainte des coupures, et peu d’activités sont possibles, alors.

Comme Fuad, Mohammed est marié et il a une petite fille. Pendant que sa femme lui prépare son thé sur un petit réchaud à gaz, il dit : « Ce n’est pas du tout une vie. C’est la misère dans tous les sens. » Il n’est pas parvenu à trouver un emploi. Les pannes de courant plus longues, outre la pénurie permanente de gaz et de carburant, « rendent notre vie insupportable », dit-il. « C’est le principal problème actuellement à Gaza. Ce dont nous avons besoin – et c’est un droit essentiel – c’est de vivre sainement et simplement, de façon décente. Nous voulons que ceci soit un endroit où mon bébé, la famille et les Palestiniens puissent vivre dans la dignité. »

Une zone sombre

Dès que le courant est rétabli, c’est le rush, dans la maison, pour terminer toutes les tâches qui ont dû être reportées. Enshirah s’occupe de tout, prépare la cuisson du pain, remplit les bidons quand il y a de l’eau, fait la lessive, nettoie et prépare à manger. « Parfois, nous parvenons à terminer tout mais, souvent, ce n’est pas possible, vu le peu de temps qu’il y a du courant », dit-elle.

« Nous n’avons pas de pompe à eau pour faire venir l’eau. Nous n’avons pas de génératrice. Ce que nous avons, ce sont des bougies et un feu pour cuisiner, chauffer de l’eau à usage domestique, si bien que nous utilisons du bois que mes fils et petits-fils ramassent et ramènent à la maison. » Et d’ajouter : « Parfois, quand le courant a été coupé, nous envoyons les enfants avec des vêtements pour qu’ils les lavent dans la maison de ma famille, quelques pâtés de maison plus loin, du moins quand ils ont de l’eau et de l’électricité que nous pouvons utiliser. »

Un peu plus tard le soir, Fuad retourne à sa boutique, où il utilise une batterie chargée pour compenser un peu les coupures de courant. Chaque fois qu’il rentre à la maison, le quartier est une vaste zone sombre.

Cet article vous est parvenu via IRIN, un service humanitaire de presse et d’information de l’ONU, mais il se peut qu’il ne reflète pas nécessairement les opinions de l’ONU ou de ses institutions. Tout le matériel d’IRIN peut être reposté ou réimprimé gratuitement ; consultez la notice de copyright pour les conditions d’utilisation. IRIN est un projet de l’Agence d’ l’ONU pour la Coordination des affaires humanitaires.

15 novembre 2013 - Article publié sur The Electronic Intifada, le 15 novembre 2013. Traduction : JM Flémal - Plateforme Charleroi-Palestine


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