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Le Processus de paix d’Oslo, une révolution sans libération

jeudi 3 octobre 2013 - 13h:46

Leila Farsakh - Agence Médias Palestine

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Le treize septembre 2013 marque les 20 ans du processus d’Oslo. Il nous a semblé que cela devrait être l’occasion d’une véritable réflexion politique non seulement sur le bilan de ces vingt longues années, mais aussi sur les différentes perspectives d’avenir que l’échec des promesses de ce processus ouvre pour la région.Nous avons demandé a plusieurs personnalités de contribuer par leur analyse à ce petit brainstorming. L’Agence Média Palestine, en partenariat avec l’Alternative information Center, publiera ces tribunes durant ce mois, sur l’espace club de Médiapart.

Vingt ans après la poignée de mains historique entre le Président de l’OLP Yasser Arafat, et le Premier ministre Israélien Yitzhak Rabin, sur la pelouse de la Maison Blanche à Washington, décrire le processus de paix d’Oslo comme révolutionnaire peut sembler absurde, si ce n’est présomptueux.

Le bilan des vingt dernières années a été celui de la fragmentation territoriale, de la dépendance économique et de la division politique, du moins, en ce qui concerne les Palestiniens.

De l’autre côté, Israël a pu doubler sa population de colons illégaux dans les territoires occupés, plus que tripler son revenu par habitant, et est devenu plus que jamais oublieux des droits des Palestiniens qu’il a verrouillés derrière des centaines de checkpoints et du Mur de Séparation de 703 km. La résolution du conflit israélo-palestinien, sans même parler de paix, ne pourrait pas être plus fuyante aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a 20 ans. Ceci malgré, ou plutôt à cause, du statut final, mais toujours en cours, des négociations d’Oslo qui se sont révélées peine perdue.

Ainsi, le processus d’Oslo s’est révélé aussi important que la guerre de 1948. Il a été aussi important que la guerre de 1967, qui a permis à Israël d’occuper la Cisjordanie, la Bande de Gaza, le Sinaï et le Golan. Il s’est révélé être un événement aussi déterminant que la guerre de 1973, qui a ouvert la voie au concept de processus de paix entre Israël et ses voisins.

Le processus de paix d’Oslo s’est montré révolutionnaire de trois manières principales. Il a transformé la façon dont le conflit est perçu et géré. Ce qui est primordial, c’est qu’il a révolutionné la solution au conflit israélo-palestinien. Il a marqué le début de la fin de la solution à deux États et de l’idée de division qui en est le postulat. Il s’agit tout de même d’une révolution, mais d’une révolution qui n’a pas fait naître l’indépendance, et qui n’en avait pas l’intention. En effet, le processus de paix d’Oslo a encore plus asservi les Palestiniens dans des Bantoustans de facto, sans pour autant offrir plus de sécurité aux Israéliens en ce qui concerne leur identité et leur position dans la région.

Le premier élément révolutionnaire dans le processus de paix d’Oslo réside dans le fait qu’il est la première reconnaissance par Israël du peuple palestinien. Cette reconnaissance israélienne n’a en aucun cas été une affaire mineure. Elle est arrivée après un siècle de déni, par le mouvement sioniste, de l’existence du peuple palestinien, de sa présence sur le territoire, et de son droit à l’autodétermination. Elle a abouti quelques années après la reconnaissance officielle de l’existence d’Israël par l’OLP, en 1988. Elle a marqué, au cours d’un conflit long d’un siècle, la première décision de la part des dirigeants sionistes, de mettre un terme à leur conflit avec les dirigeants palestiniens plutôt qu’avec la Jordanie ou leurs voisins arabes.

Cependant, de nombreux palestiniens ont affirmé que le prix de cette reconnaissance était trop lourd à payer. En effet, elle a permis, en réalité, aux dirigeants palestiniens d’en finir avec leur exil et de créer un fief, et non un État, sur une partie seulement de la Palestine historique. La plupart des dirigeants Israéliens ont maintenu que cette reconnaissance était un faible prix à payer en échange de l’intégration économique mondiale d’Israël, de son hégémonie régionale et de la poursuite de son contrôle sur la Cisjordanie et Gaza, et ce, même si Rabin aura dû le payer de sa vie.

Ce qui a permis qu’un accord aussi inégal dure pendant vingt ans est, bien entendu, le pouvoir direct et sans intermédiaire qu’exerce Israël. C’est également le résultat de la façon dont les Accords d’Oslo ont essayés de redéfinir l’essence même du conflit israélo-palestinien. Oslo a confiné le conflit aux territoires occupés plutôt que de l’étendre jusqu’aux frontières de la guerre de 1948. Les accords ont camouflé la réalité coloniale de la domination militaire israélienne, en décrétant deux groupes nationaux égaux, et ayant des prétentions égales sur 22% de la Palestine historique.

Les médias traditionnels ont joué le jeu, en encourageant des faux-semblants où les réclamations et les droits du puissant État israélien seraient égaux à ceux du faible mouvement de libération de la Palestine. Les demandes des colons, illégaux en droit international, ont été mises sur un pied d’égalité avec les droits des Palestiniens vivant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Les négociations sur le statut final ont cherché à juxtaposer le droit légitime des réfugiés palestiniens, entériné par la résolution numéro 194 des Nations Unies, avec le droit des juifs d’origine arabe qui ont quitté leur pays dans les années 50. Le droit des Palestiniens sur Jérusalem a été subordonné à l’auto-proclamation de la ville comme la capitale “une et indivisible” d’Israël.

Le deuxième élément révolutionnaire à propos des Accords d’Oslo réside dans la façon dont ils ont révolutionné la manière de gérer le conflit. Ils n’ont pas mis un terme à l’occupation, mais l’ont sous-traité à une Autorité Palestinienne élue. Israël n’a plus été l’occupant direct, contrôlant le contenu des programmes scolaires palestiniens, la circulation routière et la force de police dans les rue de Ramallah et de Naplouse. Elle est devenue une force coloniale invisible, contrôlant les points d’entrée et de sortie des biens et services entrant et sortant de la zone palestinienne. Elle régente la délivrance de permis et les checkpoints reliant une réserve palestinienne à une autre. Cette force invisible est devenue la gardienne des finances palestiniennes, avec la bénédiction de la communauté internationale.

C’est ainsi que le processus de paix d’Oslo a tué la solution à deux États, et c’est ce qui constitue son troisième aspect révolutionnaire. Cette mise à mort a institutionnalisé une réalité d’apartheid qui a vidé la lutte d’indépendance palestinienne de son contenu. L’obstination de la droite israélienne sur l’unité de la terre d’Israël n’a fait que renforcer cette réalité sans proposer une solution politique viable pour 50% de la population vivant actuellement entre la rivière et la mer.

Les vingt ans du processus de paix d’Oslo ont ainsi révolutionné le discours et la résolution du conflit. Les militants palestiniens redéfinissent aujourd’hui la lutte pour l’autodétermination en une lutte pour des droits égaux pour tous dans le territoire de la Palestine historique, et non en termes d’indépendance nationale.

Ils réaffirment l’unité du corps politique palestinien, qu’Oslo a divisé, en travaillant avec les réfugiés et les Palestiniens citoyens de l’État d’Israël de l’autre côté de la ligne verte. On peut seulement espérer qu’un plus grand nombre d’Israéliens les rejoindront et instaureront une réalité nouvelle ; celle d’un État unique incluant Juifs et Arabes, et basé sur les valeurs d’égalités et de justice pour tous. C’est là que se trouve l’essence, et la résolution du conflit. C’est ce à quoi la révolution d’Oslo nous a ramené.



Leila Farsakh est professeur associée en sciences Politiques à l’université du Massachusetts Boston, directrice de recherche au Centre d’études du développement à l’université de Birzeit, Cisjordanie.

Leila Farsakh est aussi auteure de Palestinian Labor Migration to Israel : Labour, Land and Occupation, (Routledge, fall 2005), rédactrice du numéro spécial Commemorating the Naksa, Evoking the Nakba (electronic journal of middle eastern studies automne 2008) et de nombreux articles sur l’économie politique du conflit israélo palestinien et sur la solution à un État. Lauréate en 2001 du prix de la paix et de la justice décerné par la commission pour la paix de Cambridge-Massachusetts.

2 octobre 2013 - Mediapart


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