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Fouzi El-Asmar, journaliste, auteur, poète, militant palestinien, qu’il repose en paix

vendredi 27 septembre 2013 - 05h:00

Magda Abu-Fadil – Huffington Post

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El-Asmar rappelait comment la terre habitée de la Palestine mandataire est devenue l’État d’Israël et comment les natifs arabes, chrétiens comme musulmans, étaient transformés en citoyens de seconde zone.

Ce sont les détails que souvent on se rappelle.

Pour moi, c’est le souvenir de Fouzi El-Asmar entouré par des piles de journaux, de documents, et de livres à son bureau de Washington DC et à son domicile dans le Maryland.

Le célèbre journaliste, auteur, poète et militant palestinien par excellence a dévoré les mots avec délectation et construit d’innombrables mots de son cru pour remplir les volumes pendant plus d’un demi-siècle.

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L’idée maîtresse, le Saint Graal, était la Palestine, la terre où il né et dans laquelle on lui a laissé entendre qu’il était un étranger.

« Après la première guérison de la défaite de 1948, les Arabes d’Israël ont été laissés dans un grand vide. Ils ont vu qu’une situation nouvelle voyait le jour… Les terres arabes étaient confisquées en vertu de nombreuses lois différentes, et beaucoup de villageois étaient expulsés et transformés en réfugiés à l’intérieur du pays. »

El-Asmar rappelait comment la terre habitée de la Palestine mandataire est devenue l’État d’Israël et comment les natifs arabes, chrétiens comme musulmans, étaient transformés en citoyens de seconde zone.

Ce vécu a été initialement relaté en hébreu, qu’il maîtrisait, puis dans son arabe natif, dans son livre virulent Être un Arabe en Israël, publié en 1975 et traduit par la suite en neuf langues.

« Depuis le premier congrès sioniste en 1897, le mouvement sioniste s’est fixé comme objectif de posséder la terre de Palestine à n’importe quel prix. Ce mouvement rend compte de l’importance du lien entre les hommes et la terre. Il comprend que plus un homme est attaché à sa terre, plus il est attaché au pays dans lequel il vit, et inversement, quand ce lien se desserre, les sentiments de l’homme pour sa patrie deviennent plus distendus. »

Pour contrer cette tendance, El-Asmar est devenu membre fondateur du mouvement politique « Al-Ard » (La Terre), avec sa mère, elle aussi écrivain.

Le groupe a contourné les restrictions israéliennes imposées aux militants palestiniens qui souhaitaient publier des journaux d’organisations en copiant les tactiques israéliennes d’avant 1948 sous le mandat britannique.

« Nous avons donc fait autrement : nous avons commencé par publier un journal en Israël, appelé Al-Ard, dans le cadre de la loi du Mandat britannique autorisant toute personne à publier une édition unique de journal  », a-t-il dit à la spécialiste du cinéma et militante basée à New York, Terri Ginsberg.

Ils ont varié le nom de la publication mais en gardant Al Ard au centre.

Le résultat en a été L’Odeur de la Terre, Les Mots de la Terre, etc., mais à la 13e publication, la police israélienne a envahi l’imprimerie et confisqué le matériel du groupe.

El-Asmar a été faussement accusé d’être un terroriste et il a été jeté en prison (appelée par euphémisme détention administrative, c’est-à-dire sans accusation officielle) en 1969, puis placé en résidence surveillée, pour ses critiques de la façon dont Israël traite ses citoyens palestiniens.

Il a été libéré quand sont venus prendre sa défense un rédacteur en chef israélien important, Uri Avnery, un survivant de l’Holocauste, auteur et militant, Israel Shahak, la Ligue israélienne pour les droits civils et humains et Amnesty International.

En 1971, El-Asmar a été invité à un cycle de conférences aux États-Unis pour dire aux Américains comment les Arabes étaient traités en Israël.

Le comble de l’ironie, m’a-t-il dit, c’était qu’il voyageait avec un passeport israélien et qu’il était incapable de rendre visite à ses parents de la diaspora qui s’étaient déplacés dans les pays arabes.

À l’exception de l’Égypte et la Jordanie, la plupart des pays arabes sont techniquement en état de guerre avec Israël, aussi les détenteurs de passeports israéliens y sont persona non grata.

El-Asmar est resté en Amérique, où il a obtenu un diplôme en sciences politiques, il s’y est marié, et il a écrit pour les quotidiens saoudiens Asharq Al-Awsat et Al Riyadh, et il a terminé un doctorat de l’université d’Exeter en Grande-Bretagne.

Ce n’est qu’après être devenu citoyen américain qu’il a pu se rendre dans les pays arabes pour intervenir dans des conférences, rencontrer d’autres intellectuels et promouvoir ses publications.

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Fouzi El-Asmar en juillet 2006

Un autre livre célèbre, base de la thèse de doctorat d’El-Asmar, qui a fait vibrer de nombreuses cages : À travers les miroirs hébreux : les stéréotypes d’Arabes dans la littérature pour enfants, publié en 1986.

Son but était de faire prendre conscience aux Israéliens, dont beaucoup avaient été eux-mêmes la cible de stéréotypes et de persécutions, des images par lesquelles ils présentaient les Palestiniens dans la littérature commerciale pour enfants, surtout que de nombreux Israéliens n’avaient jamais visité les Palestiniens dans leurs maisons ou tenté de communiquer avec eux.

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À Tel-Aviv, j’ai souvent rencontré des juifs israéliens qui disaient n’avoir jamais rencontré un Arabe ou ne jamais s’être rendus dans un village arabe. Pourtant, il ou elle avait des visions stéréotypées des Arabes. Je savais que cela devait venir de quelque part. Et ce n’était pas suffisant pas pour accuser la propagande sioniste ou israélienne. Nous savions bien sûr que le gouvernement israélien voulait séparer la culture juive de la culture palestinienne, mais pour d’autres raisons. Les Israéliens ont des slogans – par exemple, pour dire mauvais travail, ils disent «  travail d’Arabe ». Mais qu’entendent-ils par « travail d’Arabe » ? Comment peuvent-ils savoir ce qu’est un « travail d’Arabe » quand ils ne se sont jamais rendus dans un village ou une ville arabe ?

El-Asmar écrivait avec énergie, utilisant des arguments logiques, des faits et des chiffres. Jamais, il a été véhément ou odieux.

À bien des égards, il était plus grand que nature. Sa grande taille dissimulait son côté doux.

À la naissance de ses petits-fils jumeaux, Omar et Ziyad, El-Asmar a écrit :

« Vous faites irruption dans le monde à l’automne de ma vie,
Mais, ô surprise, l’automne a éclaté en printemps,
Vous avez choisi de vous poser un matin glacial
Ramenant à la vie les gazouillis des rossignols
Pleurant des larmes de délice,
Deux fleurs (resplendissantes)
Remplissant les déserts, les friches, et les pâturages
De leur doux parfum…
 »

El-Asmar était un époux, un père, un grand-père aimant, un ami dévoué, et un journaliste respecté qui est décédé ce mois-ci, âgé de 76 ans, trois semaines après le décès de son épouse.

Il a demandé à être enterré dans sa terre natale.



Madda Abu-Fadil est directrice de Media Unlimited au Liban.

Pour la suivre sur Twitter : www.twitter.com/MagdaAbuFadil

23 septembre 2013 - Huffington Post - photos : Abu-Fadil - traduction : Info-Palestine/JPP


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