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Apatrides et exilés : l’histoire d’une famille palestinienne expulsée de sa maison à Jérusalem

lundi 23 septembre 2013 - 06h:00

Suheir Azzouni – Mondoweiss

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Israël nous dénie notre droit à voyager, à poursuivre notre évolution professionnelle et nos carrières, et à rentrer dans notre pays. Cela va sans dire, les résidents juifs de Jérusalem n’ont pas de telles craintes. Il s’agit d’une discrimination à l’état pur.

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Jérusalem-Est, 15 octobre 2009
(Photo : Synne Tonidas/Flickr)




Des négociations de paix israélo-palestiniennes tirées par les cheveux ont commencé au début de ce mois. Mais dans un processus parallèle pour ma famille, habitant depuis très longtemps Jérusalem-Est occupée, nous avons été envoyés en exil par ces mêmes autorités israéliennes qui prétendent vouloir instaurer la paix.

Notre infraction ? Nous avons eu la témérité de vivre à l’extérieur de notre patrie pendant plusieurs années, et la naïveté de croire que nous pourrions revenir en Palestine pour des vacances d’été. Mais Israël n’autorise une telle certitude qu’aux résidents juifs de Jérusalem, mais pas aux Palestiniens dont la terre a été occupée par lui en 1967, et certainement pas pour les Palestiniens exilés en 1948.

C’est comme si une Amérindienne était allée étudier en Europe et se faisait expulser en revenant aux États-Unis pour un séjour ou y refaire sa vie. Imaginez votre douleur si vous voyagiez à l’étranger pendant plusieurs années et qu’alors vous étiez informée par un gouvernement (occupant) que vous étiez privée de votre droit à rentrer chez vous, pendant que des gens d’une religion différente étaient, eux, autorisés à faire ces mêmes voyages de longue durée, voire à y immigrer sans même y avoir vécu.

Le deux poids deux mesures est évident, et il devrait être abordé par le secrétaire d’État John Kerry. Au lieu de cela, le Premier ministre Netanyahu fulmine contre la prétendue incitation palestinienne quand Mohammed Assaf chante le désir des Palestiniens de rentrer dans leurs foyers et sur leurs terres d’où 700 000 d’entre eux ont été expulsés en 1948.

Ce qu’a vécu personnellement ma famille, avec ce déni de justice, s’est passé en juillet. Après à peine quelques jours de vacances, le ministère israélien de l’Intérieur nous a présenté des documents par lesquels il nous expulsait de notre pays, nous mettant dans la situation d’apatrides et d’exilés. Nous sommes maintenant en France, lançant un appel sur notre situation, toujours dans une vive douleur, indignés devant cette injustice, et craignant pour notre avenir.

Notre avocat espère convaincre le ministère israélien de l’Intérieur à revenir sur sa décision d’annulation de notre statut de « résident permanent » à Jérusalem-Est, où mon époux a grandi et où mes enfants sont nés. Si le ministère persiste dans sa position, deux de nos trois enfants se retrouveront apatrides et sans passeport. Cela signifierait aussi que notre famille ne pourra plus vivre ni même peut-être séjourner à nouveau dans notre patrie.

Israël a imposé le statut de « résident permanent » aux Palestiniens de Jérusalem-Est quand il a occupé et illégalement annexé la ville en juin 1967, ceci donc au mépris de ses obligations, en tant que puissance occupante, imposées par les dispositions du droit international, et selon lesquelles les Jérusalémites-est palestiniens ne sont pas simplement des « résidents » mais sont aussi des « personnes protégées » qui ont le droit de continuer à vivre dans leur pays. Plus de 14 000 Palestiniens ont été expulsés depuis 1967.

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Lour, Layan, Suheir, Khalil et Saji Mahshi
(photo : famille Mahshi)

Les racines de mon époux sont profondément ancrées dans Jérusalem. Sa famille ancestrale (Mahshi) a vécu dans la ville pendant des siècles. Elle est encore reconnue par l’Église orthodoxe grecque comme l’une des treize grandes familles relevant de sa congrégation à Jérusalem. Dans les occasions importantes, comme le Feu sacré du samedi saint, la famille est sollicitée pour porter une banderole devant le patriarche lors de la procession à travers les rues de la cité.

Mon époux a grandi dans la Vieille Ville et il y vivait quand Israël l’a occupée. Jusqu’en 1994, il s’est impliqué dans des activités communes, israéliennes-palestiniennes, pour parvenir à une solution à deux États et à une paix juste et durable basée sur les résolutions des Nations-Unies. Il a contribué à un État palestinien en participant au développement d’institutions d’enseignement et il était membre de l’équipe qui a instauré le premier ministère de l’Enseignement. Son travail a été reconnu par beaucoup, notamment par la France qui l’a décoré des « Palmes académiques » en 1993 et lui a accordé la nationalité française en 2010. En 2001, il lui a été proposé un poste à l’UNESCO qu’il occupe actuellement, un poste de haut niveau.

En 2001, nos trois enfants et moi-même avons rejoint mon époux à Paris, où nous résidons toujours. Agacé par le fait que mon époux ait obtenu la nationalité française, Israël a expulsé notre famille sur la base de sa politique de « centre de vie », laquelle s’applique systématiquement aux Jérusalémites palestiniens vivant et travaillant à l’extérieur de la ville, les transformant ainsi en apatrides. Israël nous dénie ainsi notre droit à voyager, à poursuivre notre évolution professionnelle et nos carrières, et à rentrer dans notre pays. Cela va sans dire, les résidents juifs de Jérusalem n’ont pas de telles craintes. Il s’agit d’une discrimination à l’état pur.

Mes propres racines sont elles aussi profondes à Jérusalem. Les familles de mes grands-mères paternelles et maternelles sont deux des 13 familles orthodoxe grecques dont j’ai parlé précédemment. J’ai passé de nombreuses années à combattre pour l’égalité des sexes dans la société palestinienne. En 1994, j’ai créé les bureaux de l’exécutif du Women’s Affairs Technical Committee (WATC), une coalition d’organisations de femmes qui a été efficace pour abolir un certain nombre de règles discriminatoires envers les femmes.

Quelle ironie du sort, malgré mes actions dans ma vie pour les droits des femmes et des humains, je suis actuellement victime d’une violation de mes droits fondamentaux, en tant que personne, et en tant que femme : mes droits humains à partir et à revenir dans mon pays, un droit assuré par la Déclaration universelle des Droits de l’homme (article 13-2) et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (articles 12.2 et 12.4). Ce pacte stipule également que toute personne, se trouvant légalement dans le territoire d’un État, a droit à la liberté de mouvement et à la liberté de choisir son lieu de résidence. Mes enfants, qui poursuivent leurs études, se voient aussi refuser leurs droits humains à une nationalité et le choix de rentrer dans leur pays.

Nous espérons qu’Israël fera preuve de sérieux dans les négociations en cours en cessant sa politique inhumaine qui menace l’existence des Palestiniens et leur jouissance des droits humains fondamentaux. Comme tous les peuples du monde, nous avons le droit de revenir dans notre foyer et notre pays. Nous aspirons à continuer d’agir pour la paix, de vivre dans notre pays natal et de nous y retirer en paix. Mais alors qu’Israël se dit vouloir la paix, il exile dans le même temps les Palestiniens vulnérables, cela en dit long sur l’intention du Premier ministre Netanyahu de récupérer le maximum de terres avec le minimum de Palestiniens possibles.


Vous pouvez signer la pétition de soutien à la famille de Suheir Azzouni et à ses droits à résidence : https://secure.avaaz.org/en/petitio...

19 septembre 2013 - Mondoweiss - traduction : Info-Palestine/JPP


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