Savoir ce que pense le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah à propos de la frappe militaire envisagée par Washington contre le régime de son allié, le président syrien Bachar al-Assad, est un sujet de préoccupation et un motif de grande confusion pour de nombreux observateurs au Liban, comme dans le reste du monde.

16 août 2013 - Les partisans du Hezbollah libanais, rassemblés dans le village d’Aita al-Shaab dans le sud du Liban, suivent à travers un écran un discours de Hassan Nasrallah, à l’occasion du 7e anniversaire de la fin de la guerre de 2006 entre le Hezbollah et Israël - Photo : Reuters/Ali Hashisho

D’importantes questions se posent lorsque l’on souhaite déterminer la pensée de Nasrallah. Surtout qu’il s’avère urgent d’avoir une idée de ce que pourraient être les réponses de Nasrallah.

Comment Nasrallah réagirait-il à une attaque américaine contre la Syrie ? Quelle stratégie va-t-il adopter ? Et selon quelle approche politique, idéologique et stratégique ? Est-ce qu’il va se soumettre, dans l’espoir de garder son pouvoir et le conserver pour une prochaine bataille qui peut directement le prendre pour cible ? Ou rejoindra-t-il le front pour mener une bataille aux côtés de son allié ?

Nasrallah a délibérément laissé ces questions sans réponse. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’une guerre psychologique contre Israël et l’Occident, selon une politique d’ambiguïté délibérée. Cette fois-ci, Nasrallah ne s’est pas adressé à sa base populaire pour faire part de sa position sur les intentions de Washington de frapper la Syrie. Il a fait en sorte de ne pas laisser transpirer la moindre indication - à travers les canaux et les responsables du parti - sur la façon dont le Hezbollah réagira sur le plan militaire si le président Barack Obama devait lancer une attaque contre le régime syrien.

Selon des sources du Hezbollah, Nasrallah a décidé de laisser à l’ennemi l’interprétation de ses intentions, en espérant que cela aurait une incidence sur l’évaluation par l’Occident et Israël de sa possible réaction à une attaque américaine contre la Syrie. Mais derrière cette politique d’ambiguïté délibérée, il y a dans son approche, un aspect idéologique qui interagit avec son interprétation politique et stratégique de la situation actuelle en Syrie.

Al-Jafr, l’Histoire à venir

Nasrallah est connu pour être un fervent croyant, ainsi que pour être persuadé que la grande guerre dans la région contre l’axe représenté par l’Iran, la Syrie et le Hezbollah finira par se produire et que le camp auquel il appartient sera victorieux, même si les coûts humains et matériels en seront élevés. Pour démontrer que la Grande Guerre avec Israël est inévitable, Nasrallah, ainsi que les conseillers du premier dirigeant iranien, Ali Khamenei, s’appuient sur des faits contenus dans un livre religieux.

Ils sont intimement persuadés que ce livre mystique, du nom de Al-Jafr, leur dévoile les événements à venir. Les partisans de la Révolution islamique chiite en Iran et partout dans le monde, considèrent que ce livre a été écrit par l’Imam Ali ibn Abi Talib, et ensuite transmis par Jafar al-Sadiq. Il est à noter que selon la croyance chiite, Ali ibn Abi Talib devait être le calife après la mort du prophète Mahomet, mais cela ne s’est pas produit. Al-Jafr est une sorte de science basée sur la connaissance de l’invisible et sur la science du ḥurūf (lettres de l’alphabet ) pour prédire les faits qui se produiront dans l’avenir et qui précèderont le jour du Jugement.

Al-Jafr rapporte une série de faits anciens à valeur symbolique, dont l’interprétation permet de dévoiler la nature des événements qui auront lieu avant le Jour du Jugement. Selon les chiites, ce Jour aura lieu avec l’avènement de l’Imam Mahdi, le Rédempteur, dont ils attendent l’arrivée. Le Mahdi devrait imposer la justice sur terre, accorder la victoire à l’Islam et faire subir la défaite aux incroyants.

Le plus important de ce qui est étudié par les interprètes les plus expérimentés d’Al-Jafr - dans le Hezbollah et en Iran - est de déterminer quand se produiront les événements cités dans ce livre, lesquels sont considérés comme des signes précédant la réapparition du Mahdi après la période de « l’Imam caché ». Les chiites se réfèrent à ces événements attendus, comme à autant de « signes de la réapparition ».

Selon Al-Jafr, l’explosion de bains de sang en Syrie est l’un des signes les plus marquants de la réapparition. De plus, toujours selon l’interprétation de Al-Jafr, le souverain de Syrie sera tué dans le cadre de ces événements, puis le pays sera dirigé par un leader sunnite qui persécutera les Shiites, les Alaouites et les Chrétiens. Cela continuera jusqu’à ce qu’une armée venue de l’Est (c’est-à-dire d’Iran, par l’Irak) intervienne, tue le dirigeant injuste et libère la Syrie. Cette armée continuera sa progression vers Jérusalem pour la libérer des Juifs. Là, l’Imam Mahdi apparaîtra pour prier à Jérusalem, avec le messie. A ce moment-là, le temps terrestre arrive à sa fin et l’ère divine - où la justice, l’équité et la paix prévaudront - commence.

Aujourd’hui, les Iraniens et le Hezbollah retiennent leur souffle, dans l’attente des suites des frappes étatsuniennes sur la Syrie. Ils sont convaincus que les prédictions révélées dans Al-Jafr vont s’accomplir. Ils croient que le compte à rebours pour la réalisation de la prédiction mystique esquissée dans Al-Jafr a commencé.

En outre, si l’on compare les prédiction de Al-Jafr au fil des événements des deux dernières années, on peut estimer que ceux qui croient dans ce livre saint ont été confortés dans ses prédictions. En deux ans, la Syrie a été témoin d’événements sanglants auxquels personne ne s’attendait. Après les menaces d’Obama de frapper la Syrie, les prédictions d’Al-Jafr - selon quoi Bashar al-Assad serait tué et remplacé par un chef syrien sunnite qui lancerait des représailles contre les sectes religieuses qui ont soutenu le régime, comme les Shiites, les Alaouites et les Chrétiens - ont gagné en crédibilité. Tous ces signes n’indiquent qu’une chose : l’apparition prochaine de l’Imam Mahdi.

Alors que le monde voit ces événements d’un point de vue politique, les partisans de la Révolution islamique en Iran les considèrent comme des événements historiques qui ont été cités dans Al-Jafr et présentés comme de simples signes précurseurs de la réapparition du Mahdi, selon la foi shiite. A part ces incidents au Levant, ces signes incluent la mort ou l’assassinat du roi saoudien.

En ce sens, l’éruption des conflits et les événements sanglants qui s’en sont suivis et prédits par Al-Jafr semblent être en voie de réalisation. Selon les Shiites qui croient en ce livre, dont en premier Khamenei et Nasrallah, il y a une explication possible. Les signes de réapparition du Mahdi sont successivement dévoilés, et la Grande Guerre avec Israël et les mécréants est au coin de la rue. Tous les espoirs sont suspendus à ces moments proches, lorsque les Shiites et les Chrétiens victorieux, en longues files, répéteront la prière de la victoire à Jérusalem après l’Imam Mahdi et le messie.

En fin de compte, il ne fait aucun doute que cette vue générale est du domaine des croyances. Mais pourtant, elle décrit une réalité présente au Levant. C’est la crainte des minorités pour leur avenir et leur attachement à une histoire où il est question de leur salut - lequel pourrait ne jamais se produire d’ailleurs. Malgré cela, tout comme une personne agrippée à une lueur d’espoir, certains citoyens de la région attendent avec patience d’être sauvés.

12 septembre 2013 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : - CZ (Info-Palestine.eu) & MR (ISM)