Il n’est pas rare de voir l’Autorité nationale palestinienne (ANP) à Ramallah organiser des manifestations de normalisation avec les Israéliens. Cependant, cela est plus étrange lorsque de tels événements ont lieu dans la bande de Gaza.

Des manifestants palestiniens crient des slogans lors d’un rassemblement marquant la "Journée internationale d’Al-Qods (Jérusalem)" dans la ville de Gaza, le 2 août 2013 - Photo : AFP/Mohammed Abed

Gaza - Malgré les violations quotidiennes par Israël des droits des Palestiniens et les atrocités commises encore récemment par l’armée d’occupation lors des bombardements de novembre 2012, certains Palestiniens voient ceux qui sont censés être leurs ennemis comme des amis proches. La normalisation est devenue une réalité dans certains secteurs de la Palestine, et de nombreux Palestiniens, que ce soit intentionnellement ou non, y participent.

Par exemple, il est devenu habituel de voir des camps israélo-palestinien sous l’égide de l’Autorité palestinienne à Ramallah. En fait, il serait étrange qu’une quinzaine de jours puissent s’écouler sans entendre parler de quelque réunion secrète entre des personnalités palestiniennes et israéliennes dans les zones contrôlées par l’occupation ou au cœur des villes palestiniennes contrôlées par l’Autorité palestinienne, ou même à l’extérieur de la Palestine historique.

Les Palestiniens et les militants anti-normalisation voient régulièrement des communiqués de l’AP qui attestent de cette normalisation. Mais pour eux, lorsque des déclarations similaires sont faites par le gouvernement de Gaza, ce n’est rien de moins que scandaleux. Considérons par exemple l’incident notoire de Tahsin al-Saqa, le directeur du commerce dans le ministère de l’Agriculture dans la bande de Gaza, qui a déclaré que la participation d’agriculteurs de Gaza au Sommet international Agro-Mashov à Tel-Aviv en juin devait permettre « d’acquérir de l’expertise et apprendre de nouvelles technologies dans le domaine de l’agriculture. »

Il y a quelques mois, les dirigeants de la bande de Gaza contrôlée par la résistance ont tiré des roquettes Fajr-5 et M-74 qui ont atterri non loin du lieu de l’exposition agricole. Mais peu de temps après, les mêmes n’avaient aucun scrupule à permettre à une délégation d’agriculteurs, en coordination avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), de quitter la bande de Gaza et d’aller assister à l’événement - où ils ont présenté des produits en provenance de Gaza, ouvrant la voie pour des exportations vers Israël.

Le ministère de l’Agriculture dans le gouvernement de Gaza a omis de fournir une explication convaincante pour son approbation de cet acte flagrant de normalisation, pas plus qu’il n’a réagi aux déclarations de Saqa. Le ministère a publié un communiqué de presse qui déclarait : « La participation à la foire agricole est le résultat d’une décision personnelle prises par les agriculteurs eux-mêmes, afin d’acquérir de l’expérience pour des projets de développement dans la bande de Gaza. »

Un agriculteur qui a participé à l’exposition, a confirmé à Al-Akhbar que la participation de Gaza a eu lieu avec l’approbation du gouvernement du Hamas, afin de promouvoir les produits agricoles locaux et d’établir des relations commerciales.

En réalité, l’exposition agricole en Israël n’était pas le premier événement qui rassemblait les victimes et leur agresseur dans la période récente. En janvier, 30 agriculteurs de Gaza ont participé à un événement similaire dans la colonie d’Eshkol, dans le Néguev occidental, près de la frontière de Gaza.

Khalil al-Sheikh, un journaliste travaillant pour le Centre arabe pour le développement agricole, a déclaré que le gouvernement dirigé par le Hamas ne voit pas la participation à l’événement israélien comme de la normalisation mais comme une coordination à laquelle les Palestiniens sont contraints à cause des liens économiques israélo-palestiniens dans le cadre du Protocole de Paris.

Sheikh a souligné que le gouvernement était pleinement conscient de la coopération entre les entreprises locales et les autorités d’occupation israéliennes pour l’exportation de certains produits agricoles. Toutefois, Sheikh a ajouté que certaines ONG estiment que la participation à ces événements est inacceptable.

La normalisation dans Gaza ne se limite pas à l’agriculture, mais implique aussi la musique et les arts, essentiellement en direction des jeunes. Il y a deux ans, le chef d’orchestre israélien Daniel Barenboim est venu à Gaza, qui ne s’était même pas encore remis de la guerre menée par Israël [ l’hiver 2008-2009]. Barenboim a été invité par l’ONU et des organisations palestiniennes pour diriger un orchestre de 40 musiciens au Mathaf Hôtel à Gaza, un événement sans précédent dans l’histoire du territoire assiégé.

Dans la même veine, Haidar Eid, membre de la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël, a déclaré à Al-Akhbar que le gouvernement du Hamas a nié qu’il avait permis à cet orchestre israélien de se produire dans la bande de Gaza. Cependant, il est presque impossible de tenir un événement dans la petite enclave dirigée par le Hamas sans que ce dernier en ait parfaitement connaissance.

En ce qui concerne la lutte contre la normalisation dans la bande de Gaza, Eid a déclaré : « Nous dénonçons toutes les activités de normalisation à travers les médias, et avertissons ceux qui sont engagés dans la normalisation contre ce qu’ils font. »

En 2013, une organisation appelée One Voice s’implantait parmi les jeunes de Gaza, dans l’espoir de rallier davantage de soutien pour ce qu’ils appellent une entente permanente et globale entre Israël et la Palestine et qui mettrait fin à l’occupation. Ces idées sont à la base des cours de formation de l’organisation dans la bande de Gaza, souvent sous le couvert de « compétences en direction et travail d’équipe », sans qu’il y ait une forte contestation à l’égard de ces activités déguisées de normalisation.

3 août 2013 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach