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La colère, l’espoir perdu et, dans certains cas, le bonheur retrouvé des enfants syriens

jeudi 1er août 2013 - 09h:56

IRIN

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CAMP DE CHATILA, LIBAN, 31 juillet 2013 (IRIN) - Le conflit syrien a tué plus de 6 500 enfants et en a transformé près d’un million en réfugiés. Parmi ceux qui sont demeurés en Syrie, trois millions ont besoin d’aide. Des enfants de 12 ans à peine ont été handicapés, mutilés, abusés sexuellement, torturés dans des centres de détention gouvernementaux ou recrutés par des groupes armés. Nombre d’entre eux ont été privés d’éducation et ils sont encore plus nombreux à avoir été témoins de violences.

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Les enfants s’étirent avant les cours au centre de l’ONG Nadja Now
Photo : Moustafa Cheaiteli/IRIN




Leila Zerrougui, la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations-Unies pour les enfants et les conflits armés, s’est récemment rendue en Syrie et dans les pays voisins. Elle s’est dite « bouleversée  » par ce qu’elle a vu.

«  Les enfants en Syrie ne sont pas seulement affectés [par la violence sur une] base quotidienne - ils ont perdu leur famille, ils ont perdu leur maison -, mais ils ont aussi perdu... l’espoir. Ils sont pleins de colère. Et si ça continue, nous aurons à faire face à une génération d’illettrés », a-t-elle dit à l’occasion d’une conférence de presse.

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) craint que les enfants syriens ne deviennent « une génération perdue ».

Au Liban, où des centaines de milliers de personnes ont trouvé refuge, l’organisation non gouvernementale (ONG) Najda Now aide les enfants à se remettre des traumatismes qu’ils ont vécus par le théâtre et l’art. En règle générale, les dessins des enfants qui viennent tout juste d’arriver au centre abordent des thèmes sombres et utilisent des couleurs foncées ; après quelque temps toutefois, ils deviennent plus colorés et positifs. La plupart du temps, les enfants dessinent deux choses : ce qu’ils aimeraient et ce dont ils ont peur.

IRIN a visité le centre de soutien psychosocial de l’ONG, nommé « Bukra Ilna » [Demain nous appartient]. Nous vous présentons ci-dessous quelques-uns des enfants que nous avons rencontrés.



Ahmed, neuf ans, a quitté Homs en raison des bombardements aériens intenses auxquels était soumise la ville. Il a vécu deux ans au beau milieu du conflit et cet environnement est devenu normal pour lui. Il en parle comme s’il s’agissait d’un simple film. Il a eu suffisamment de chance pour ne pas être lui-même témoin de violences, mais il a malgré tout souffert d’un traumatisme temporaire lorsqu’il est arrivé au Liban il y a un mois. Selon les psychologues, le traumatisme dont il a souffert était surtout lié aux bruits. En Syrie, Ahmed vivait dans un village à la campagne et avait accès à de grands espaces. Il habite désormais dans le camp surpeuplé de Chatila, un camp de réfugiés palestiniens au Liban. Ahmed a dessiné ce qu’il aimerait : une maison spacieuse, un chien et la mer.

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Ahmed
Photo : Moustafa Cheaiteli/IRIN

IRIN : Pourquoi es-tu venu au Liban ?
Ahmed : À cause de la guerre.

Que s’est-il passé ?
Ils bombardaient avec des avions et des canons.

As-tu des amis ici au Liban ?
Ahmed ne répond pas ; il semble stressé par la question.

Comment trouves-tu ça ici ?
Je préfère la Syrie, parce qu’en Syrie, j’ai beaucoup d’amis.

Quels souvenirs gardes-tu de la Syrie ?
Avant, quand il n’y avait pas de guerre, je pouvais aller où je voulais et j’aimais ça. Ici au Liban, ma mère est stressée quand je sors. Avant, quand il n’y avait pas de guerre en Syrie et que je pouvais sortir, j’avais la liberté.


Sohah, 12 ans, dit qu’elle est heureuse au Liban. Les cours de théâtre offerts par le centre l’ont aidée à évacuer le stress accumulé à force d’entendre des coups de feu et de voir des gens transportés à bord d’ambulances. Ses parents, des Palestiniens, se sont installés à Dera’a, dans le sud de la Syrie, il y a plusieurs dizaines d’années. Ils ont dû fuir encore une fois. Sohah est arrivée au Liban il y a quatre mois.

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Sohah
Photo : Moustafa Cheaiteli/IRIN

IRIN : Pourquoi es-tu venue au Liban ?
Sohah : Il y avait beaucoup de problèmes.

Quel genre de problèmes ?
Beaucoup de bombes et de combats avec des armes à feu.

Qu’est-ce que tu aimes faire ici au centre ?
J’aime dessiner ; j’aime faire du théâtre ; j’aime étudier. Ce que je préfère, c’est le théâtre.

Parle-nous de ton dessin.
C’est nous quand on faisait du théâtre. Je chante avec mes amis. C’est moi qui ai écrit la chanson.

Quel est le sujet de la chanson ?
Ça dit qu’on veut la paix, qu’on veut rentrer chez nous et qu’on ne veut plus la guerre.

Que veux-tu faire plus tard ?
Je veux être une actrice connue dans le monde entier.


Quand Ashraf, huit ans, est arrivé de Hama, il y a six mois, il était agressif et se battait avec les autres enfants. Les psychologues ont attribué ce comportement à ce qu’il a vu et entendu en Syrie et au stress que lui ont probablement transmis ses parents. Ashraf n’a rien dessiné ; il a plutôt décidé de fabriquer un ver en pâte à modeler.

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Ashraf
Photo : Moustafa Cheaiteli/IRIN

IRIN : Pourquoi es-tu venu au Liban ?
Ashraf : Le gouvernement a attaqué les révolutionnaires à l’entrée de la ville. Nous savions que les autres [les rebelles] seraient contrariés et qu’ils réagiraient, et qu’ils [les forces du gouvernement] attaqueraient toute la ville. Et c’est ce qui a fini par arriver.

Qu’est-ce qui te manque le plus de la Syrie ?
En Syrie, je jouais à l’ordinateur.

Il y a pourtant une salle informatique au centre.
Oui, mais en Syrie, j’avais un ordinateur à la maison et je pouvais jouer.

Et à quoi aimes-tu jouer ici ?
À cache-cache.

As-tu un dessin à nous montrer ?
Non, je n’aime pas dessiner. Je n’aime pas la pâte à modeler non plus. J’aime jouer à la balle.


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Faysal
Photo : Moustafa Cheaiteli/IRIN

La mère de Faysal est infirmière. Elle soignait des gens dans la maison familiale, située dans une zone rurale en périphérie de Damas. Lorsque le garçon de 11 ans est arrivé au Liban il y a neuf mois, il avait déjà vu de nombreux corps, incluant celui de son oncle, abattu par un tireur embusqué sur un toit.

IRIN : Pourquoi es-tu venu au Liban ?
Faysal : Je suis venu au Liban parce qu’il y avait des attaques dans mon village.

Avec qui habites-tu ?
Ma grand-mère, mon grand-père, ma mère, ma tante, mon autre tante et son mari, mon autre grand-père. Mon oncle était un martyr. Il y a aussi deux enfants du côté de mon oncle qui est mort et deux enfants du côté de mon autre oncle. J’ai aussi une petite sour. Elle a trois ans et quand elle sera assez grande, je veux qu’elle vienne avec moi à l’école.

Qu’est-ce qui te manque le plus de la Syrie ?
Mes amis, ma maison et mon oncle.

Quel endroit préfères-tu : la Syrie ou le Liban ?
J’ai grandi en Syrie, alors je préfère Damas, mais j’aime bien le théâtre ici. Pour le théâtre, je préfère ici, car ça n’existe pas là-bas. À Damas, je ne savais pas chanter. Maintenant, je peux rapper.

Peux-tu nous parler de ton dessin ?
Je l’ai fait en me basant sur une photo ; nous avons copié une photo. Mes dessins ont été dans une exposition et j’en ai vendu deux sur trois. La fille, là, c’est une princesse.

Que veux-tu faire plus tard ?
Je veux être peintre.

CAMP DE CHATILA, LIBAN, le 31 juillet 2013 - IRIN


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