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Il redevient lui-même

jeudi 23 novembre 2006 - 16h:42

Tom Segev - Ha’aretz

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Il a entraîné Israël dans une guerre superflue qui a été un échec et cette semaine, il a menacé de s’associer à la politique active dans le pays la plus kahaniste depuis la mort de Rehavam Ze’evi. Que lui est-il arrivé ? Qu’est-il arrivé à notre Ehoud Olmert ? Rien : Olmert redevient lui-même. Il y a un an et demi, il semblait se tenir derrière la décision d’Ariel Sharon de démanteler les colonies de la Bande de Gaza.
Olmert a mûri, disait-on alors, il a compris que les territoires qu’Israël a conquis lors de la Guerre des Six Jours ne lui ont amené que des dommages et que la poursuite de l’occupation met en danger son avenir en tant qu’Etat juif et démocratique. Ce n’était pas complètement saugrenu : il arrive bien en effet que des gens mûrissent. Beaucoup de gens bien lui ont accordé l’accolade de bienvenue.

Olmert paraissait alors être un homme capable d’être Premier Ministre. Précisément parce que c’est un politicien professionnel en costume d’homme d’affaires, et pas un des géants de la génération des fondateurs, il semblait être en mesure de gérer le conflit avec les Palestiniens. Il avait promis de démanteler la plupart des colonies de Cisjordanie. Beaucoup ont cru que c’était là le plan de paix le plus courageux et le plus prometteur depuis la Guerre des Six Jours. Moins de six mois après qu’il soit devenu Premier ministre, il apparaît clairement qu’il n’y avait pas de nouvel Olmert, juste un mirage politique : Olmert est Olmert qui est Olmert.

Quelqu’un devra un jour expliquer comment il se fait que tant d’Israéliens se sont laissés prendre par la croyance qu’Olmert offrait un nouvel espoir. On peut provisoirement répondre qu’apparemment, beaucoup d’Israéliens avaient besoin de l’homme qu’il prétendait être, et surtout de la promesse qu’il apportait : sinon un accord, du moins un retrait unilatéral à l’intérieur de la clôture. Combien de naïveté, d’hypocrisie, d’auto-illusion dans cette croyance ! Et combien peu de disposition et de capacité à reconnaître la vérité : un arrangement unilatéral, cela n’existe pas.

Ce qui se passe depuis lors situe le « nouvel Olmert » quelque part aux côtés du personnage oublié de feu Yigal Yadin, peut-être le père de toutes les désillusions politiques. Yadin avait donné au public une leçon importante mais qui a, elle aussi, été oubliée : « Pourquoi ne vous êtes-vous pas préoccupés de savoir qui était le vrai Yadin avant de m’élire ? », avait-il alors demandé lors d’une interview à « Haaretz ». Le véritable Olmert n’avait disparu hors de vue que pour un temps et il reparaît ces jours-ci tel qu’il fut dès son entrée en politique, il y a une quarantaine d’années. Il préfère les Territoires à la paix car il ne croit pas à la paix ni avec les Palestiniens ni avec les Syriens. Il est totalement imperméable à la catastrophe humaine terrible qui se développe à Gaza et en Cisjordanie aussi, les horreurs de l’occupation continuent comme avant. Il n’y a rien sur quoi fonder l’espoir qu’Olmert démantèle les colonies de Cisjordanie ; plus il redevient lui-même et plus le doute s’accroît qu’il ait jamais projeté ce démantèlement. Tous les indices montrent qu’il n’a pas la moindre intention de démanteler même celles des colonies définies comme « avant-postes illégaux ».

Olmert n’est pas le premier chef de gouvernement à manquer une occasion d’essayer de faire la paix avec la Syrie en échange d’un renoncement aux hauteurs du Golan, mais Bachar Assad est apparemment le premier Président syrien depuis 1949 à quasiment supplier de faire la paix. Olmert aurait pu s’inscrire dans l’histoire comme Menahem Begin qui a rendu le Sinaï à l’Egypte ; mais il répond aux propositions de paix de la Syrie par le mépris, la répugnance et la menace : tant qu’il sera Premier Ministre, Israël n’abandonnera pas les hauteurs du Golan, a-t-il déclaré, et on pouvait, pendant un moment, penser que les résultats de la guerre au Liban assuraient une victoire éclatante sur la Syrie. Ça, c’est l’Olmert qu’on connaît, le vrai Olmert.

Et le vrai Olmert, c’est aussi l’homme qui fait maintenant des grâces à Avigdor Lieberman. Lieberman parle de changement de gouvernement, de commission d’enquête, de mariage civil ; ce sont des questions tout à fait respectables. Mais Lieberman propose aussi de laisser hors des frontières de l’Etat plusieurs localités à la population arabe, afin que les Juifs conservent une « majorité solide ». Il propose de renoncer à Wadi Ara, dans le cadre d’un accord d’échanges de territoires avec les Palestiniens, accord qui ferait perdre leur citoyenneté israélienne à des centaines de milliers d’Arabes en leur imposant de devenir citoyens de Palestine. Il va de soi qu’on ne demandera pas leur accord. Ce programme situe Lieberman dans la lignée des pires partis d’extrême droite actifs aujourd’hui en Europe.

On dit que ces propos sur une entrée possible de Lieberman au gouvernement sont seulement destinés à faire peur au parti Travailliste et au parti Shas. Peut-être. Mais ce que ce développement nous apprend de la conscience morale d’Olmert devrait inquiéter toute personne honnête. Oui, Lieberman a déjà rempli auparavant la fonction de Ministre des Communications. Rehavam Ze’evi a lui aussi fait partie d’un gouvernement. Et plus généralement, qui recherche l’éthique dans la politique ? Mais en politique aussi, il y a des moments qui exigent de la société qu’elle fasse une pause dans son propre cynisme et se souvienne des principes fondamentaux d’une démocratie et des droits de l’homme. Quelqu’un de convenable ne devrait pas même envisager l’entrée au gouvernement d’un homme qui souhaite débarrasser l’Etat d’un citoyen sur cinq, au seul motif qu’il n’est pas juif. Le vrai Olmert voit dans cet homme-là un collaborateur souhaitable.

10 octobre 2006 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.haaretz.co.il/hasite/spa...
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys


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