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Charles Enderlin, René Backmann et Jacques Gevers nous ont dit ...

mardi 24 avril 2007 - 05h:51

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...le 27 mars 2007

Charles Enderlin, correspondant permanent de France 2 à Jérusalem.

Les déclarations d’Olmert concernant les concessions à faire pour la paix sont-elles encourageantes ?

Toute déclaration de ce genre est encourageante, car cela prépare l’opinion publique. Israël devra faire, pour la paix, des concessions, comme libérer, sinon la totalité, du moins la majorité des territoires occupés, y compris ceux situés à Jérusalem-Est.

Quelle est la nature de la société israélienne aujourd’hui ?

La société israélienne est en crise, une crise de leadership, le gouvernement est confronté à des problèmes politiques suite aux nombreux scandales judiciaires, ancien ministre de la justice condamné pour une histoire sexuelle, il y a des enquêtes en cours contre le ministre Olmert, toute la direction du FISC israélien est en résidence surveillée, etc. Cela crée une atmosphère assez "lourde" dans le pays.

Peut-on parler d’un nouveau maccarthysme en Israël, concernant les antisionistes ?

Il faut reconnaître que des pressions sont subies par les universitaires et les personnalités qui ne sont pas d’accord avec la ligne officielle et que ces pressions s’avèrent de plus en plus lourdes à supporter , mais je ne pense pas que l’on puisse parler, pour l’heure, de maccarthysme. J’ai vu sur internet qu’une sorte d’observatoire de contrôle a été créé pour contrôler tout ça, et qui ¦uvre dans les universités.

Peut-on être antisioniste en Israël aujourd’hui ?

Je crois que oui. Maintenant, lorsqu’on se déclare antisioniste, qu’on mène un combat politique et que l’on est minoritaire, on l’assume. Il faut forcément s’attendre à une forte opposition des autorités, des groupes de pression en tout genre.

Si vous étiez au parlement européen, que diriez-vous aux gouvernements qui ont suspendu l’aide au gouvernement palestinien ?

Je dirais qu’ils ont fait une erreur, car la mesure a plus durement touché les élus du Fatah, alors que c’est la victoire du Hamas qui a entraîné l’application de la mesure de suspension. Il faudrait rapidement rétablir l’aide au gouvernement palestinien et de manière intelligente.

Que penser, alors, des taxes imposées aux Palestiniens ?

Cent millions de shekels ont été transmis aux Palestiniens par le gouvernement israélien, et ils demandent, bien entendu des comptes, mais il est important de régler en urgence le problème humanitaire des territoires palestiniens, cela doit être la priorité.

Intervention de Jacques Gevers, journaliste au Vif/L’Express, lors de la conférence du 29 mars 2007
 : rencontre entre Charles Enderlin et René Backmann
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Comme journaliste, je voudrais rebondir sur un thème qui vient d’être abordé tout précédemment, ma question était de savoir : "Est-ce que les journalistes font bien leur métier en Israël ? Est-ce qu’ils font bien leur métier en Europe occidentale aussi ?

Je pense que les journalistes et les médias, globalement, ne font pas très bien leur métier ici en Europe occidentale, en francophonie et en Belgique en particulier, mais que parmi les raisons pour lesquelles ils ne le font pas bien, il y a un facteur dont on n’a pas beaucoup parlé jusqu’à présent et qui est l’extraordinaire efficacité des lobbies pro israéliens dans la manière dont ils agissent auprès de la presse. A savoir auprès des journalistes directement impliqués par leurs connaissances, non pardon, plutôt par leur couverture du Proche-Orient : cela va des cascades d’e-mails, de courriers divers d’intimidations, de coups de téléphone en quantité. Et ça peut occuper beaucoup de temps.

C’est relayé de façon extrêmement efficace par les ambassades d’Israël en Europe occidentale, notamment en Belgique, et tout ce que je peux vous dire c’est que lorsque l’ambassade ou les conseillers de l’ambassade d’Israël en Belgique, viennent faire des démarches auprès d’un directeur ou d’un rédacteur en chef d’un média qui ne connaît pas très bien le dossier, les arguments sont très simples mais la posture est toujours identique, extrêmement victimaire : on fait appel à la référence de la Shoah, on demande au responsable du média de bien comprendre qu’Israël, dans cette affaire, lutte pour sa survie.

Les pressions qui peuvent s’ensuivre de la part des responsables de rédaction ou des directeurs de médias, sur les gens eux-mêmes, sont absolument redoutables et cela peut arriver à des situations dramatiques. La conséquence c’est que les journalistes finissent par se décourager de couvrir correctement et honnêtement un conflit qui finalement n’intéresse pas grand monde parce que c’est toujours la même chose : rien que du malheur.


René Backmann, rédacteur en chef du Nouvel Observateur

Israël est souvent présentée comme la seule démocratie au Moyen-Orient, qu’en pensez-vous ?

Je pense qu’Israël est une démocratie pour les Juifs. Je suis parfaitement conscient des différences de droits entre les citoyens arabes et juifs ; l’aménagement des routes ou les lois régissant le quotidien, mais on ne peut pas parler d’apartheid car ce mur sépare des Palestiniens d’autres Palestiniens, et c’est ce qui le particularise.

Peut-on parler d’apartheid pour les arabes israéliens ?

Non, je ne veux pas employer ce mot, je suis parfaitement conscient des différences de statuts, ils ont des droits différents, les crédits qui sont alloués aux uns et aux autres sont différents mais j’insiste sur le fait que le mur ne passe pas entre des Palestiniens et des Israéliens, comme les limites des bantoustans séparaient les Blancs des Noirs, mais passe au milieu des Palestiniens et les sépare de leurs familles, de leurs champs, les enfants de leur école, et que c’est en cela qu’il joue un rôle particulièrement dramatique.

Avez-vous subi des réactions négatives par rapport à la parution de votre livre ?

J’ai eu des réactions d’indifférence par rapport au livre de la part de certains médias qui auraient pu s’y intéresser mais qui ne l’ont pas fait pour ne pas être désagréable à Israël, mais je n’ai eu aucune menace, aucune pression.

Barrière de sécurité, mur de protection ou mur de l’apartheid ?

Non, cela n’assure pas la sécurité des israéliens, si le seul objectif avait été la sécurité, ils ne l’auraient pas construit de cette manière. Si c’était une barrière de sécurité, elle mesurerait 325 km et serait construite le long de la ligne verte. Or, ce mur mesurera entre 720 et 750 km quand il sera terminé, et il y a déjà plus de 500 km construits... Je me borne à constater des faits, il y a eu moins d’attentats mais impossible de savoir si c’est l’existence du mur ou la décision des organisations armées palestiniennes de ne plus commettre d’actions "terroristes" pendant un certain temps.

Si le mur avait été construit le long de la ligne verte, aurait-il été plus moralement admis ?

Si il avait été construit sur le territoire d’Israël, personne n’y aurait trouvé à redire. Chacun a le droit de concevoir sa sécurité comme bon lui semble, on peut penser que ce n’est pas un geste amical, une méthode antique, voire médiévale mais personne ne peut y trouver à redire. En revanche, il y a un problème lorsqu’un État prétend protéger sa population en construisant un mur sur le territoire d’une autre. Mais l’apartheid n’est pas le mot adéquat, en revanche, on peut parler de colonisation ; je ne pense pas qu’il faille entrer dans un registre de vocabulaire polémique...

Si on ne peut pas parler d’apartheid, dire qu’Israël est un État raciste a plus de sens ?

Je ne dirais pas que c’est un État raciste, mais que dans certaines circonstances, il a des pratiques racistes.


Interview : Nordine Saidi - rédaction : Sandrine Corten

Sinyweb, le 10 avril 2007


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