16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Mali : L’option politique en recul, un enchaînement d’événements qui étaient prévisibles

samedi 12 janvier 2013 - 08h:55

M. Saadoune/K.Habib - Le Quotidien d’Oran

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


L’intervention française - à moins de jouer sur les mots - ne se contentera pas d’un soutien logistique ou aérien. C’est une intervention au sens plein pour sauver un Etat malien réduit à sa plus simple expression. Elle risque d’être longue et coûteuse.

L’option politique en recul

par M. Saadoune

La France peut désormais intervenir au Mali avec l’aval du Conseil de sécurité qui a demandé aux Etats membres de l’Onu de soutenir les forces maliennes. L’appel à l’aide formulé par le président par intérim malien en direction de la France a été saisi au vol par François Hollande. Les Américains - qui n’ont confiance ni dans l’armée malienne ni dans les forces de la Cédéao - en ont profité pour donner un coup de pouce à Paris.

L’ambassadrice US au Conseil de sécurité, Susan Rice, connue pour parler sans tergiverser, a expliqué que l’aide militaire demandée par Dioncounda Traoré, dans deux lettres adressées au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et au président François Hollande, se résume à ces mots : « Au secours la France !  ». Mme Rice a souligné qu’au sein du Conseil de sécurité, il y avait un « consensus clair sur la gravité de la situation et le droit des autorités maliennes de rechercher toute l’assistance possible ». La France a donc l’onction de la Maison-Blanche. Le président français a immédiatement annoncé la couleur. L’intervention militaire est déjà engagée. La France est bien en « première ligne » contrairement à ce qu’annonçait le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Des précautions de langage de pure forme car Paris a depuis longtemps défendu l’option d’une intervention militaire.

C’est désormais une « victoire » totale de cette option. A relativiser bien entendu. Car ce qui vient de se passer montre qu’au-delà du discours guerrier qui sévit à Bamako et des fanfaronnades du capitaine Sanogo, l’armée malienne n’est pas en mesure de se lancer à la « reconquête » du Nord. Elle ne semble même pas en mesure de tenir le Sud. L’intervention française - à moins de jouer sur les mots - ne se contentera pas d’un soutien logistique ou aérien. C’est une intervention au sens plein pour sauver un Etat malien réduit à sa plus simple expression. Elle risque d’être longue et coûteuse. Quid alors des négociations politiques entre « Maliens » prévues à Ouagadougou et renvoyées à plus tard, si tant est qu’elles se tiennent ? Quand les armes parlent, cela signifie que l’on a cessé de faire de la politique. Encore que les terroristes d’Aqmi et du Mujao ne sont pas sur ce registre.

La seule vraie question - ou mystère - se rapporte à l’attitude d’Ançar Eddine. L’offensive vers le Sud se fait en son nom, ce qui lui fait déjà perdre auprès des membres du Conseil de sécurité son statut d’interlocuteur légitime pour les négociations inter-maliennes. Iyad Ag Ghaly qui a retiré la proposition de stopper les opérations de guerre avait laissé la voie ouverte aux discussions. Mais il est clair qu’une offensive vers le sud du Mali ferme plutôt cette option. D’où des interrogations sur ce qui se passe vraiment au sein d’Ançar Eddine. Iyad Ag Ghaly est-il entré dans une partie - très risquée - pour améliorer ses cartes pour de futures négociations ? Dans ce cas, l’effet est raté puisque « l’offensive » a eu pour effet d’accélérer l’intervention étrangère et notamment celle de la France.

Une autre explication - qui n’est pas sans fondement - expliquerait ce qui se passe par des profondes divisions au sein d’Ançar Eddine. Une partie des dirigeants islamistes targuis refusent, comme l’exige le Conseil de sécurité et comme le demande l’Algérie, de se désolidariser des groupes terroristes. L’option politique est en train de perdre au Mali et la guerre tant redoutée avance à grands pas.

Éditorial



Mali : un enchaînement d’événements qui étaient prévisibles

par Kharroubi Habib

L’agenda des autorités de la transition au Mali que préside Diancounda Traoré exclut l’option d’une solution politique à la crise dont le Mali est le théâtre. C’est par tactique qu’elles ont accepté de prendre part au processus de dialogue incluant des groupes armés de la rébellion touareg du nord du Mali, proposé par les médiations burkinabé et algérienne. Processus qu’elles ont bloqué par leurs atermoiements à s’engager franchement dans des négociations de paix avec cette rébellion malgré la renonciation par elle à la création de l’Etat azawad au nord du Mali et à toute alliance avec les groupes terroristes et narcotrafiquants qui sévissent dans la région. Elles n’ont fait acte de présence à Ouagadougou qu’avec l’espoir qu’en faisant traîner l’entame véritable du dialogue politique, le temps serait donné aux préparatifs de l’intervention militaire internationale, qui est la seule qu’elles envisagent pour le règlement du conflit malien.

Ansar Eddine, l’un des groupes armés du nord du Mali à avoir accepté d’entamer le dialogue avec ces autorités, avait pourtant averti celles-ci que le temps du dialogue ne saurait s’éterniser et qu’il n’était pas dupe de ce que cachait leur valse-hésitation à ouvrir de vraies négociations avec la rébellion touareg. Il avait clairement menacé de cesser de prendre part au dialogue si celui-ci n’a pour objectif que de maintenir le statu quo dans la crise malienne qui offre aux partisans de la solution militaire l’avantage de préparer et de peaufiner leur plan d’intervention au nord du Mali.

Avertissement et menace qui ont rendu prévisibles des initiatives de la part de la rébellion du nord du Mali destinées à briser le statu quo en train de jouer en faveur des partisans de l’intervention militaire internationale dont les autorités de transition à Bamako. L’attaque jeudi par des groupes armés du Nord des dernières localités de cette zone sous contrôle de l’armée régulière malienne a incontestablement fait voler en éclats le statu quo. Depuis jeudi, les événements se précipitent dans la crise malienne. Le vent de panique provoqué à Bamako par l’offensive de la rébellion et la débandade de ce qui reste d’armée malienne a permis aux partisans de la militarisation de la crise de se départir du faux-semblant de ne pas être fondamentalement réfractaires à une solution politique. Le président Dioncounda Traoré a ouvertement appelé à une intervention militaire internationale au plus vite, immédiatement si possible, et officiellement invité la France à venir au secours des autorités maliennes.

L’enchaînement des événements depuis l’ouverture à Ouagadougou du processus de dialogue inter-malien se produit comme ont dû l’espérer les officines et les milieux qui au Mali et ailleurs ont travaillé à rendre impossible l’aboutissement de ce processus. Paris obtient tout ce que la France voulait. Les autorités françaises sont officiellement saisies d’une demande malienne d’intervention directe de leurs forces militaires. Le Conseil de sécurité de l’ONU n’aura pas à redire si François Hollande décide d’engager l’armée française au Mali, car il a donné jeudi son aval à une intervention internationale rapide au Mali qu’il sait n’être possible que si la France en assure militairement l’essentiel.

Mais Dioncounda Traoré dont les revirements et les reniements sont cause pour une grande part de l’impasse dans laquelle a été remisée la solution politique, peut-il légitimement faire prévaloir l’option militaire alors qu’il est très fortement contesté au sein de la classe politique et de la société malienne ? A preuve les manifestations qui ont éclaté jeudi à Bamako et ailleurs au Mali exigeant son destitution et l’ouverture d’un véritable dialogue national pour la paix et l’unité du pays.

Analyse

12 janvier 2013 - Le Quotidien d’Oran


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.