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Pourquoi Israël a-t-il tué Jabari ?

mercredi 5 décembre 2012 - 10h:21

Reuven Pedatzur - Ha’aretz

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A présent que les bombardements ont cessé, nous avons l’obligation
de rechercher la vérité derrière l’Opération Pilier de Défense

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Le chef militaire du Hamas à Gaza, Ahmed Jabari, escortant le soldat israélien Gilad Shalit, au centre, lors de sa libération de captivité, du côté égyptien de la frontière au passage de Rafah, 18 octobre 2011.
(photo : Reuters)




La véritable histoire derrière l’Opération Pilier de Défense à Gaza n’a pas encore été vérifiée, mais à présent que les bombardements ont cessé, nous avons l’obligation de rechercher la vérité. La décision de tuer le chef militaire du Hamas, Ahmed Jabari, qui donna le coup d’envoi à cette opération, fut prise alors qu’il était impliqué dans des négociations sur la signature d’un accord de cessez-le-feu à long terme.

Quelques heures avant son assassinat, il avait reçu un avant-projet d’accord pour un cessez-le-feu permanent avec Israël, et l’on s’attendait apparemment à ce qu’il y réponde favorablement. Les contacts indirects avec Jabari avaient eu lieu au cours de plusieurs mois par l’intermédiaire du ministre adjoint aux Affaires étrangères du Hamas, Ghazi Hamad, à la connaissance et avec le consentement du ministre [israélien] de la Défense Ehoud Barak.

Ces contacts avec le Hamas étaient menés par Gershon Baskin, qui avait servi d’intermédiaire dans l’accord pour le retour du soldat kidnappé Gilad Shalit. Baskin avait rapporté ses progrès vers un accord préliminaire aux membres d’une commission spéciale nommée par Barak en mai dernier, un groupe qui incluait également des représentants d’autres ministères du gouvernement [israélien].

Autrement dit, les décideurs politiques [israéliens], dont le ministre de la Défense et peut-être le Premier ministre Benjamin Netanyahou, connaissaient le rôle de Jabari pour faire avancer un accord de cessez-le-feu permanent. Jabari était l’homme fort de la Bande de Gaza - le « sous-contractant d’Israël », ainsi que le rédacteur en chef de , Aluf Benn, le représentait - et Hamad soumettait donc à l’approbation de Jabari chaque avant-projet préparé avec Baskin.

Des responsables des renseignements égyptiens faisaient également partie des négociations sur un cessez-le-feu permanent. Certaines réunions entre Baskin et Hamad se tinrent au Caire. Ces responsables des renseignements égyptiens étaient en contact constant avec les envoyés de Barak, ce qui laisse supposer qu’en plus de Baskin, ils informaient aussi Israël de leurs impressions sur les progrès dans les pourparlers sur un projet d’accord.

A aucun moment dans les négociations entre Baskin et Hamas, il ne fut dit au premier de les arrêter.

En outre, environ une semaine avant l’assassinat de Jabari, des responsables militaires israéliens ont demandé la permission à leurs commandants de rencontrer Baskin pour être briefés. Cela leur fut refusé.

Par conséquent, la décision de tuer Jabari montre que nos décideurs politiques ont décidé qu’un cessez-le-feu serait indésirable pour Israël à ce stade, et qu’attaquer le Hamas serait préférable. Il semble qu’un point de vue se soit développé selon lequel Israël avait besoin de renforcer sa dissuasion contre le Hamas plutôt que de parvenir à un accord avec lui sur une période de calme. Du point de vue des institutions [israéliennes] de défense et des cabinets du Premier ministre et du ministre de la Défense, un accord de cessez-le-feu aurait pu saper la dissuasion d’Israël et affaiblir son image de détermination. Vu sous cet angle, renforcer sa dissuasion serait accomplie en tuant Jabari, qui risquait de répondre favorablement à cette offre de cessez-le-feu à long terme.

De cette façon, les dirigeants d’Israël ont fait d’une pierre trois coups : Ils ont assassiné l’homme qui avait le pouvoir de passer un accord avec Israël ; ils se sont vengés de quelqu’un qui avait causé un grand nombre de pertes dans les rangs israéliens ; et ils ont signalé au Hamas que les communications avec lui ne seraient menées qu’a travers la force militaire.

En dehors du fait que les résultats de l’Opération Pilier de Défense n’ont pas rempli les attentes de ceux qui l’ont lancée, les décideurs politiques [israéliens] doivent répondre à une question importante : S’il savaient qu’il était possible, sans faire la guerre, de parvenir à un accord de cessez-le-feu (dont les conditions, soit dit en passant, étaient meilleures [pour Israël] que celles de l’accord obtenu après l’opération), pourquoi ont-ils assassiné Jabari et, par-là même, assassiné également les chances de parvenir au calme sans tirer un coup de feu ? Est-il possible, grands dieux, que Barak et Netanyahou aient eu peur que l’occasion de conduire une opération militaire à la fin du mandat de leur gouvernement leur échapperait, et que c’est la raison pour laquelle il ont ordonné la liquidation de Jabari ?

Pour nous éviter de porter des soupçons sur leurs motivations, le Premier ministre et le ministre de la Défense [israéliens] doivent expliquer leurs réflexions et leurs décisions dans l’affaire Jabari.

4 décembre 2012 - Ha’aretz - publié en français sur : Questions Critiques - Traduit de l’anglais par [JFG-QuestionsCritiques]


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