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Pourquoi Israël est-il revenu à Gaza ?

dimanche 23 juillet 2006 - 10h:37

Ramzy Baroud

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" Les buts de cette expérience israélienne ne sont pas clairs. Mais ce qui est quasiment sûr, c’est qu’en entretenant une guerre larvée sur Gaza, Israël donne une couverture idéale aux bulldozers de son armée qui sont en train de découper le reste de la Cisjordanie et Jérusalem, conformément à la seconde phase du plan de désengagement d’Olmert. "

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Ce qui est sûr, c’est que les bulldozers israéliens continuent de découper la Cisjordanie et Jérusalem-Est conformément à la seconde phase du plan de désengagement d’Olmert.

La disparité entre le discours officiel d’Israël et ses intentions réelles n’a jamais été aussi palpable que dans le cas de cette agression actuelle contre Gaza après la capture, par les Palestiniens, d’un soldat israélien près de Gaza, à l’aube du 25 juin, sur un poste militaire.

« Ceux qui qualifient cette opération de disproportionnée n’ont aucune idée de ce qui se passe sur le terrain. Nous avons été attaqués et bombardés pendant des mois et des semaines », a déclaré Yitzhak Herzog, secrétaire du cabinet israélien, en réponse aux médias qui évoquent « un souci international croissant » en raison de la réoccupation d’une partie de la Bande de Gaza et d’un nombre important de morts. Peu après ce commentaire, le nombre de morts palestiniens consécutifs à l’action d’Israël, était porté à 52, la plupart étant des civils. Pourtant, les chiffres peuvent à peine exprimer la réalité de la crise humanitaire provoquée par le siège et les bombardements israéliens.

Les officiels israéliens reprennent ainsi une nouvelle formule adoptée par le gouvernement israélien pour faire taire les critiques sérieuses contre l’armée israélienne et ses actions meurtrières à Gaza. Mais cette réfutation est en fait excessive au regard de l’absence de critique internationale sérieuse et même réelle à propos des raids israéliens sur Gaza, des raids enrobés par l’armée israélienne, toujours poétique, du joli nom de « Pluies d’été ». Cette guerre israélienne, unilatérale, est ressentie plus profondément en raison du long siège économique auquel on a soumis les Palestiniens et qui s’est resserré encore avec l’élection du Hamas en janvier dernier.

La Bande de Gaza, cette étendue de terre qui dépasse à peine quelques kilomètres en longueur et qui est très peu large, a toujours abrité les plus pauvres des Palestiniens, ils y vivent dans des conditions qui relèvent d’une misère totale et peuvent être comparées à celles des pays les plus pauvres au monde, malgré sa population de haut niveau d’instruction.

Israël répète toujours que cette opération ne cherche pas à nuire à la population civile mais à déloger pour de bon les éléments désignés sous le nom de terroristes qui se servent des infrastructures civiles pour attaquer les villes israéliennes limitrophes avec leurs roquettes. Il répète aussi qu’il n’arrêtera pas ses « actions militaires » sur le territoire tant que le soldat capturé ne sera pas libéré, sain et sauf et sans conditions.

Les demandes d’Israël, mises hors de leur contexte, semblent raisonnables, pour le moins. Les commentateurs de la presse israélienne et états-unienne en conviennent ; globalement, leur analyse c’est qu’Israël ne veut pas créer un précédent qui encouragerait les terroristes à poursuivre de tels actes de terreur et - là est la formule préférée d’Israël -, tout pays démocratique ferait exactement ce qu’Israël fait pour protéger ses citoyens.
De plus, la presse continue de tenir son rôle traditionnel - celui de considérer et de partager les soucis d’Israël et de négliger à chaque fois ceux des Palestiniens jugés indignes - avec toujours la même force et la même ténacité. Ainsi, le seul contexte pertinent, pour les médias occidentaux, est celui défini par Israël qui, tour à tour, veut convaincre chacun que ses demandes sont les vrais mobiles de l’attaque sanglante sur Gaza.

Si les intentions de l’armée étaient en effet « de déloger les terroristes » comme le prétend inlassablement Israël, alors pourquoi continuer toujours cette politique nuisible - ce siège, cet isolement et ce militarisme déclaré - qui prive les Palestiniens de tout espoir de voir un jour Gaza devenir économiquement viable et vraiment indépendant ? Pourquoi pousser les Palestiniens au désespoir avec ces assassinats incessants et ces ciblages de civils, en plein jour, pour nourrir les idées vengeresses et les réactions de violence ?

Je dis, « les idées » parce que les prétendues roquettes palestiniennes, aussi menaçantes qu’elles puissent paraître à la télévision, n’ont fait qu’une seule victime israélienne en plus d’un an, alors que l’armée israélienne a tué plus de 150 Palestiniens dans les seuls deux derniers mois.

Mais que faites-vous du soldat capturé ? N’ont-ils pas là un grief légitime ?... Ce serait vrai si ce n’était Israël qui créait les circonstances dangereuses où se retrouvent non seulement ses soldats mais aussi ses civils. Par exemple, Gilat Shalit - présenté en photo volontairement comme inoffensif par Israël dans les médias - Shalit participait une mission meurtrière qui visait exactement à ça, tuer des Palestiniens. Durant les sept semaines qui ont précédé sa capture, le nombre de tués palestiniens par les militaires israéliens - c’est-à-dire lui et ses collègues tout aussi inoffensifs - est monté à 100.

Shalit néanmoins était un soldat, donc entraîné à supporter mentalement et physiquement des moments difficiles. Mais quelqu’un peut-il expliquer le transfert de près d’un demi million de civils israéliens en Cisjordanie et Jérusalem-Est occupées, en violation de la Quatrième Convention de Genève ? Comment une « démocratie » responsable peut-elle exposer ainsi sa propre population au danger, en l’installant en zones de guerre, et fournissant en même temps aux Palestiniens quelque moyen de vengeance et de représailles pour les lourdes pertes qu’ils subissent par l’armée israélienne ?

Il est plutôt étrange que le gouvernement israélien veuille donner cette image plaisante d’Israël, celle d’une nation qui se donne beaucoup de mal pour sauver la vie d’un homme, alors qu’elle met la vie de centaines de milliers de ses citoyens en grand danger, sans parler de son mépris absolu pour la vie de tous les Palestiniens. Si on peut, à partir des actions d’Israël tirer quelque message, il en est un, celui-ci, qui est rempli d’hypocrisie et de racisme.

Mais que veut Israël exactement ? Sa démonstration sanglante à Gaza vise-t-elle exclusivement à renverser le gouvernement palestinien dirigé par le Hamas ? Ou est-elle dirigée vers la communauté internationale pour démontrer plus tard que les Palestiniens ne sont pas des partenaires pour la paix ? Ou peut-être, est-ce un message à l’attention des Israéliens eux-mêmes, de ceux qui doutent qu’un gouvernement de civils, avec peu d’expérience militaire - surtout s’agissant du Premier ministre, Ehud Olmert, et son ministre de la Défense, Amir Peretz - puisse être lui aussi impitoyable ?

Les buts de cette expérience israélienne ne sont pas clairs. Mais ce qui est quasiment sûr, c’est qu’en entretenant une guerre larvée sur Gaza, Israël donne une couverture idéale aux bulldozers de son armée qui sont en train de découper le reste de la Cisjordanie et Jérusalem, conformément à la seconde phase du plan de désengagement d’Olmert. Celle-ci prévoit de séparer la Cisjordanie en différentes enclaves sans lien physique entre elles, d’y mettre sa population en détention collective, effective et pour une longue durée, comme dans des bantoustans ; ses déplacements seront soumis à la fantaisie d ?un soldat israélien. Ce plan est en train de se mettre en place en un temps record, bien peu semble le remarquer, c’est une réalité qu’Israël s’efforce de faire durer.

Malgré les évènements tragiques qui se déroulent dans Gaza, la vérité est que Gaza n’a jamais été et ne sera jamais stratégiquement intéressant pour les objectifs expansionnistes d’Israël. Gaza, au mieux - comme c’est le cas depuis des générations - est simplement un terrain d’expérimentation pour l’armée israélienne, et au pire, un champ de massacre de pure routine. En effet, l’ « opération » militaire israélienne en cours, dans Gaza, garde sous le coude ses vérités.

Ramzy Baroud est écrivain et journaliste américain, actuellement basé à Londres. Son dernier livre La seconde Intifada palestinienne : une chronique du combat populaire (aux éditions Pluto, Londres) est disponible à Amazon.com. Il est aussi rédacteur en chef à Palestine Chronicle.

PalestineChronicle.com - Samedi, 22 juillet 2006
http://www.imemc.org/index.php?opti...
Traduction : JPP


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