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"Je suis surpris et impressionné par la vitesse de la transformation du Hamas"

mardi 3 avril 2007 - 06h:37

Ziyad Abou Amr - Le Monde

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Ziyad Abou Amr, ministre palestinien des Affaires étrangères.

Espérez-vous, en France et en Europe, un soutien politique ou financier ?

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Ziyad Abou Amr

Les deux. De notre point de vue, nous avons souscrit presque entièrement aux conditions de la communauté internationale, y compris la reconnaissance d’Israël et la renonciation à la violence.

Le gouvernement s’engage à honorer les accords signés entre l’OLP et Israël. De quels accords s’agit-il ? En premier, la lettre de reconnaissance mutuelle signée entre l’OLP et Israël.

En second, les accords d’Oslo qui contiennent la renonciation à la violence et l’engagement à trouver une solution négociée. Il n’y a rien de plus explicite. Le gouvernement n’est pas celui du Hamas, ce dernier n’en est qu’une partie, au même titre que le Fatah, les autres factions et les indépendants. Le programme de ce gouvernement, auquel j’ai contribué, n’est pas le programme d’une seule faction, il reflète un consensus national. Si vous le lisez dans le détail, vous verrez même qu’il s’agit d’un programme plutôt libéral et démocratique.

Il n’empêche, de nombreux pays attendent toujours du premier ministre Ismaël Haniyeh les mots "je reconnais Israël".

Haniyeh appartient au Hamas et le Hamas ne reconnaît pas Israël, mais il faut justement faire la part des choses entre le programme du Hamas et celui de ce gouvernement. J’attends beaucoup de la France, c’est l’un des premiers pays qui a soutenu le gouvernement d’union et qui peut peser en faveur d’une normalisation complète entre l’Europe et les Palestiniens. Je le répète, ce qui compte est le gouvernement d’union, pas une faction particulière. L’Europe a été toujours le premier soutien des Palestiniens. Sans les Européens, l’Autorité palestinienne n’aurait pas pu survivre.

La France et l’Europe considèrent ce gouvernement comme un premier pas, et seulement cela.

Ce qui faut aujourd’hui, c’est un encouragement, de la réciprocité, une approche constructive. L’Europe doit être plus logique que les Etats-Unis et Israël. Au cours des derniers mois, les Palestiniens ont beaucoup avancé, la réponse doit être de les soutenir pour parvenir à de nouveaux pas en avant et non la répétition des anciennes positions, le maintien de l’embargo et des mesures punitives. Israël et les Etats-Unis font comme si rien n’était arrivé.

Vous étiez au sommet de la Ligue arabe à Riyad, l’initiative de paix qui y a été réaffirmée a-t-elle vocation à remplacer la "feuille de route" (un plan international qui aurait dû conduire à un Etat palestinien en 2005) ?

La "feuille de route" comporte trop de lacunes. Avec l’initiative arabe (qui prévoit la normalisation avec Israël en échange, notamment, de son retrait des territoires occupés depuis 1967), la fin du processus est claire, le mécanisme l’est tout autant et on peut aller très vite. Cette initiative semble désormais plus attractive. Les Arabes sont sérieux et ils sont disposés à s’engager dans des négociations avec Israël. Le problème aujourd’hui, et de plus en plus de gens le découvrent, en Europe et peut-être même aux Etats-Unis, c’est, en revanche, que les Israéliens ne semblent pas prêts à négocier un statut permanent avec les Palestiniens et avec les Arabes.

Vous êtes depuis longtemps, de par votre travail universitaire et votre carrière politique, l’un des meilleurs connaisseurs du Hamas, quel regard portez-vous sur lui, aujourd’hui ? Peut-il changer ?

Je dois avouer que je suis à la fois surpris et impressionné par la vitesse et la magnitude de la transformation du Hamas. Il y a un an, ce mouvement n’aurait jamais accepté un Etat palestinien dans les frontières de 1967. Il n’aurait jamais accepté que l’OLP soit officiellement le seul représentant des Palestiniens habilité à négocier. Le Hamas reconnaît aujourd’hui des résolutions internationales, des résolutions arabes...

Quand on va à cette vitesse en un an, cela m’amène à penser que ce mouvement est prêt à évoluer. Le Hamas a compris les règles de la politique, qu’elle a ses impératifs, et il est prêt à en payer le prix, en connaissance de cause, pour être partie prenante du système. Il aurait pu se retirer, il ne l’a pas fait.

N’est-ce pas une tactique pour évincer le Fatah ?

Aucun des deux, le Hamas ni le Fatah, ne pourra évincer l’autre, ni politiquement ni par la violence. La dernière confrontation les a d’ailleurs directement conduits à un système de partage de pouvoir et à des compromis. L’un et l’autre ont beaucoup perdu dans les affrontements. Ils ont compris que c’est un jeu perdant-perdant.

Il pourra rester des problèmes ici ou là, mais je ne redoute pas aujourd’hui une reprise de la violence, d’autant que les réponses positives (à l’extérieur) au gouvernement d’union vont permettre d’améliorer la situation sur le terrain.
Ne vous inquiétez pas, nous arriverons a nous illustrer sur le plan international, il nous faut attendre "l’affaire".


* Eléments de biographie

Membre de PLC pour la ville de Gaza, ancien ministre de la Culture de l’Autorité Palestinienne. Né en 1950 ; diplômé en langue anglaise à l’université de Damas ; a travaillé en comme professeur au Bahrain, en Oman, en Syrie ; diplômé en 1986 à l’université de Georgetown en politique comparative.
Enseigne les sciences politiques à l’université de Birzeit (Ramallah) ; ouvrages sur les mouvements islamistes et la politique dans Gaza de 1948 à 1967. Collabore au Centre d’analyse politique sur la Palestine (Washington) et au Centre pour la recherche de la Palestine et les études (Naplouse). Appartient au Comité Central de l’Organisation de Libération de la Palestine.
S’est opposé à la modification de la charte Nationale Palestinienne en avril 1996 PNC, jusqu’à ce qu’Israël reconnaisse réciproquement les droits nationaux palestiniens ; a critqiué l’Autorité Palestiniene lorsqu’elle arrêtait des militants de gauche. Très respecté, il a organisé les entretiens entre les 12 principales organisations palestiniennes pour déterminer l’orientation de l’Intifada en juillet et août 2002. Fortement critique du cabinet de l’Autorité Palestinienne formé le 29 octobre 2002.

Ziyad Abou Amr - Le Monde, le 2 avril 2007


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