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Un entraînement militaire israélien ensanglante un bourg palestinien

samedi 2 juin 2012 - 08h:32

L’Orient-le-Jour/AFP

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Des exercices grandeur nature sont régulièrement dénoncés par des ONG.

Cette nuit-là, quand les frères Chawakha se sont levés pour apostropher deux intrus rôdant devant leur maison, ils étaient loin d’imaginer se retrouver grièvement blessés, le plus jeune mortellement, victimes d’un exercice de l’armée israélienne.

« C’était le 27 mars à 01h30 du matin », raconte Akram Chawakha, 36 ans, qui guettait du dernier étage de la modeste demeure familiale à flanc de colline, à l’est de Ramallah en Cisjordanie, un peu à l’écart de la bourgade cossue de Rammoun, dont la plupart des habitants ont émigré aux Amériques. «  J’ai aperçu deux hommes portant des vêtements ordinaires, près de l’entrée », précise cet employé d’une cimenterie. Comme chaque nuit, il se relayait avec ses frères, Anouar, 39 ans, et Rachad, 28 ans, par crainte des cambriolages, pour surveiller leurs possessions : dix moutons et une voiture. Il les réveille aussitôt et, pendant que ses frères s’habillent et se munissent de couteaux, Akram descend, un bâton à la main, interpeller les inconnus « en arabe, qu’ils parlaient parfaitement ». « Je leur ai demandé qui ils étaient, poursuit-il. L’un d’entre eux nous a répondu : “Calmez-vous, on connaît tout le monde à Rammoun”. Nous avons insisté pour voir leurs papiers d’identité, ils ont mis la main dans leur poche et en ont retiré un pistolet, pas pour nous menacer, mais avec l’intention de tirer. »

Éclate alors une mêlée confuse. Les trois frères, blessés par balles, parviennent à porter quelques coups. « Tout s’est passé en moins d’une minute, se souvient Akram, puis des soldats israéliens en uniforme sont arrivés et nous ont ordonné d’arrêter. Mes frères étaient couchés, blessés, j’ai appelé les soldats à l’aide. » Les deux intrus sont emmenés dans un véhicule militaire tandis que les trois frères sont obligés de rester à terre. Pendant ce temps, « un soldat tire une rafale vers le sol, blessant de nouveau Rachad », affirme Akram. Les trois frères sont finalement conduits dans un hôpital israélien, où ils seront soignés pendant une dizaine de jours. Rachad succombe le 2 avril.

Les médias israéliens révéleront ensuite que les deux rôdeurs appartenaient à un groupe en mission d’entraînement de l’unité « Douvdevan », spécialisée dans l’infiltration en zones palestiniennes. Le 24 avril, le procureur militaire avise l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem de l’ouverture d’une enquête, presque un mois plus tard.

Depuis, sollicitée à de multiples reprises, l’armée israélienne renvoie invariablement aux futures conclusions de l’enquête.

« Ce n’est qu’à l’hôpital que j’ai compris que nous avions eu affaire à des militaires. Quand l’officier du service de sécurité qui m’interrogeait, nommé Adam, me l’a dit », explique le frère aîné, Anouar. « Leur vie n’a jamais été en danger. Nous voulions simplement connaître leur identité, mais leur identité, c’était leurs pistolets », lâche-t-il. « Nous les avons pris pour des voleurs. À aucun moment ils n’ont mentionné Israël ni l’armée, ni demandé à rentrer chez nous, sinon rien de tout cela ne serait arrivé », soupire-t-il, ajoutant que « Rammoun est un village paisible ».

En 2007, des ONG avaient reproché à l’armée de se servir de villages palestiniens parfaitement tranquilles comme champ de man ?uvres. « Plus la Cisjordanie devient sûre, plus il y a d’exercices grandeur nature sur les Palestiniens », remarque Yehuda Shaoul, fondateur de Breaking the Silence (Briser le silence), fédérant d’ex-soldats critiques des pratiques de l’armée israélienne, qui cite l’exemple des « arrestations factices ». Dans ce cas de figure, « quand une unité a fini sa formation, on choisit une maison au hasard dans un village tranquille, explique-t-il. On y va au milieu de la nuit, on arrête un type, puis au bout de cinq minutes ou une heure, quelqu’un annonce à la radio : “Fin de l’exercice”. » « Lorsqu’on contrôle des gens sous occupation militaire depuis si longtemps, déplore Yehuda Shaoul, on finit par prendre ça comme un grand jeu... »

2 juin 2012 - L’Orient-le-Jour


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