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Festival "Globe to Globe" : enchevêtrement des langues

mardi 1er mai 2012 - 06h:41

J.C. - The Economist

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« Le théâtre est un outil puissant pour développer les prises de conscience... Nous sommes les ambassadeurs de notre peuple et les ambassadeurs de notre culture et de l’histoire de notre peuple : comment il vie et comment il se bat pour son existence. »

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Théâtre du Globe de Shakespeare, à Londres.
Photo : Linda Nylind pour The Guardian




Voir l’origine de l’action BDS : Mark Rylance appelle le Théâtre du Globe de Londres à boycotter la compagnie de théâtre israélienne - Matt Trueman - The Gardian


Le 23 avril, anniversaire présumé de William Shakespeare, a été lancé à Londres le Festival mondial de Shakespeare, vaste programme international pour célébrer le Barde. Produit par la Royal Shakespeare Company, le festival est conçu pour donner une classe internationale à un trésor national, en complément des Jeux olympiques (27 juillet/12 août). Le moment dont on parle le plus est celui du festival Globe to Globe, au Théâtre du Globe de Shakespeare, où 37 compagnies d’à travers le monde vont jouer toutes les 37 pièces de Shakespeare, en différentes langues, au cours de six semaines intenses. C’est le plus ambitieux programme de travail que le théâtre n’ait jamais mis en scène.

L’équipe du Globe, dirigée par Dominique Dromgoole, directeur artistique, et Tom Bird, directeur du programme, a fait des choix courageux et inspirés. Les théâtres nationaux d’Albanie, Macédoine et Serbie, par exemple, vont jouer une trilogie balkanique des pièces d’Henri VI, marquant la première fois où les drames seront mis en scène au Globe de Shakespeare. Le Théâtre libre biélorusse, compagnie interdite en Biélorussie et gérée par des artistes ayant statut de réfugiés politiques en Grande-Bretagne, présentera le Roi Lear en biélorusse. La compagnie du Théâtre du Sud-Soudan, groupe spécialement créé pour le Globe to Globe, représentera l’État nation le plus récent du monde avec une production, en arabe du Juba, de Cymbeline ; ce sera la première pièce de Shakespeare à être jouée en arabe de Juba. Et la liste est longue.

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La compagnie du Théâtre de Ngakau Toa de Nouvelle-Zélande jouant "Troïlus et Cressida" hier soir, 23 avril.




C’est une entreprise indéniablement passionnante, tant pour les mordus de Shakespeare que pour les communautés migrantes à Londres qui ont rarement l’occasion de fêter leur culture à une tribune d’un tel niveau. Mais ce ne sont pas toutes les parties du programme qui ont été bien accueillies. Le Globe a reçu deux lettres ouvertes à propos de la participation de Habima, la compagnie du théâtre national israélien, qui est prévue pour jouer Le Marchand de Venise en hébreu, courant mai.

La première lettre, de l’organisation Boycott de l’intérieur, un groupe menant campagne et comprenant des « citoyens palestiniens et juifs d’Israël », met en avant que le théâtre se montre tolérant avec les colonies illégales d’Israël en Cisjordanie en incluant une troupe qui s’y est produite parfois. La seconde a été envoyée au journal The Guardian, fin mars, par un groupe de professionnels du théâtre, notamment Mark Rylance, acteur et directeur artistique, fondateur du Globe de Shakespeare. Elle appelle le théâtre à retirer complètement l’invitation à Habima.

Dans une déclaration publiée en réponse au groupe Boycott de l’intérieur en janvier, le Globe fait observer que le festival sera une « célébration des langues » et non une « célébration des nations ou des États ». Comme Habima est la compagnie de théâtre la plus connue en langue hébraïque au monde, poursuit la déclaration, l’implication de la compagnie dans Globe to Globe est jugée opportune. Et, ajoute-t-elle, une fois que l’on aura commencé à exclure réellement des compagnies, où s’arrêtera-t-on ? (Aucune nouvelle déclaration n’a été faite depuis que la lettre de Rylance a été publiée).

Il est facile de partager le sentiment du Globe que « la rencontre des personnes pour discuter et échanger des points de vue est préférable à l’isolement et au silence ». Mais il y a quelque chose de fallacieux - ou de naïf, ou les deux à la fois - dans cette façon dont le théâtre défend sa décision. Pour bon nombre de compagnies qui participent au Globe to Globe - notamment Habima, dont la directrice générale, Odelia Friedman, a qualifié l’invitation de sa compagnie de « réussite honorable pour l’État d’Israël » -, langue et identité nationale et culturelle sont inextricablement liées. Que l’équipe du Globe le veuille ou non, un festival de cette envergure est une approbation de ce qu’une culture projette sur elle-même.

Le Théâtre Ashtar, qui présentera Richard II en arabe de Palestine, en est un exemple frappant. Iman Aoun, directrice artistique de la compagnie, de Ramallah, souligne dans une interview que, « le théâtre est un outil puissant pour développer les prises de conscience... Nous sommes les ambassadeurs de notre peuple et les ambassadeurs de notre culture et de l’histoire de notre peuple : comment il vie et comment il se bat pour son existence ». Elle ajoute, « Peu importe combien c’est difficile ici pour nous en tant que Palestiniens sous occupation, le théâtre palestinien et la culture palestinienne sont vraiment capables de concourir sur la scène mondiale ».

Madame Aoun a d’abord été réticente pour discuter de Habima. Elle est fatiguée que certains considèrent Ashtar à titre de comparaison avec Habima, alors que c’est un groupe en lui-même à part entière. Mais depuis la publication de la lettre dans The Guardian, qui a contribué à susciter un débat plus large dans les médias, elle a accepté d’être citée : « C’est un soulagement de savoir que certains artistes britanniques soutiennent notre cause et la campagne de boycott. En fait, ils jouent un rôle important dans la montée de la sensibilisation des citoyens sur les atrocités commises par Israël et son régime d’apartheid ».

Bien sûr, le Globe a sérieusement inclus certaines compagnies, et en sérieusement exclu d’autres. La trilogie balkanique est une pièce fascinante dans une programmation en raison de la complexité de la région, de son passé tragique ; substituer une compagnie de théâtre nationale française à une compagne albanaise aurait provoqué une histoire beaucoup moins intéressante. Mettre Habima et le Théâtre Ashtar dans le même projet n’est pas différent.

La question est, pourquoi le Globe tente-t-il de prétendre que la politique et le théâtre n’ont rien à faire ensemble, alors qu’il est évident que pour tous les intéressés, ils sont liés.


Le Festival mondial de Shakespeare se déroule en novembre 2012 ; Globe to Globe se tient au Globe de Shakespeare jusqu’au 9 juin.

A suivre :

- Globe de Shakespeare : Israël n’est pas immunisé contre le boycott - Naomi Wimborne-Idrissi
Open Democracy - 27 avril 2012

24 avril 2012 - The Economist - traduction : JPP


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