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Aucune faveur pour l’Autorité Palestinienne, pas de pause pour Israël

dimanche 25 mars 2007 - 08h:17

Akiva Eldar - Ha’aretz

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Akiva Eldar

L’automne dernier, j’ai eu la possibilité d’assister à la conférence donnée par Mustapha Barghouti lors d’un des colloques tenus en Europe. L’ex-communiste, à l’époque ferme opposant au Président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas (Abou Mazen), a inséré un DVD dans son ordinateur portable pour projeter sur grand écran une carte de la Cisjordanie.

Le médecin nous a montré la route envahissante de la barrière de séparation. Ensuite, il a enchaîné avec une carte des barrages routiers et une autre des routes interdites aux Palestiniens pour finir avec une carte des « enclaves ». Ses observations sévères ont été formulées dans un anglais qui pourrait rendre jaloux les diplomates israéliens, y compris la numéro Un actuelle, la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni, qui est en train de mener une bataille pour empêcher une reconnaissance internationale du gouvernement du Dr. Barghouti et pour continuer le boycotte de l’Aautorité Palestinienne [AP].

Ce boycotte a transformé la compétition pour l’opinion publique internationale entre le ministère israélien des Affaires étrangères et le ministère palestinien de l’Information en une course entre bateau à aubes et bateau à moteur. « Je commence presque tout à zéro », a déclaré Barghouti mardi. « J’ai un budget d’exploitation de 43 000 shekels par mois et 168 employés qui n’ont reçu que quatre salaires durant l’année dernière ».

Barghouti espère que la réunion entre le consul des Etats-Unis à Jérusalem et le ministre palestinien des Finances Salam Fayyad, ainsi que la visite du ministre norvégien des Affaires étrangères Raymond Johansen au bureau du Premier ministre palestinien Ismail Hanieh présageront la fin des sanctions internationales. Johansen, la première des victimes des sanctions israéliennes contre tous ceux qui ont brisé le boycott, a déclaré à Haaretz que selon lui, les autres Etats européens vont vite réaliser que s’ils espèrent qu’un gouvernement palestinien laïc gagne le soutien populaire, ils auront à attendre quelque temps de plus. Voire, très longtemps. L’homme d’Etat norvégien a ainsi promis aux Palestiniens qu’il va travailler, avec ses voisins de l’UE, pour l’établissement d’un mécanisme qui permettra de renouer avec les transfert financiers dans les territoires.

Sur le plan international, il est également important que Barghouti puisse transmettre un message au public israélien. Les barrières physiques, dit-il, non seulement privent les Palestiniens d’entrer en Israël, mais elles éloignent les Israéliens des territoires occupés et de la dure réalité qui y domine. « Les Israéliens méritent de connaître la vérité sur la vie sous occupation et de comprendre l’histoire palestinienne. Vous avez besoin de savoir que votre gouvernement détient 600$ millions de l’argent des impôts des travailleurs palestiniens. Cet argent est le fruit de la transpiration des travailleurs palestiniens. Il est destiné à financer les soins médicaux et à payer les salaires des professeurs. Jusqu’à présent, vous avez toujours prétendu que l’AP allait utiliser cet argent pour d’autres fins, mais aujourd’hui le ministère des Finances est entre les mains de Fayyad qui jouit de votre confiance totale ainsi que de celle des Américains. J’ai l’intention de demander au public israélien : de quel droit votre gouvernement détient-il cet argent » ?

Barghouti a rejeté les déclarations du vice Premier ministre Shimon Peres qui a prétendu que le ministère israélien des Finances transférait l’argent à des organisations de charité. « Ceci est tout simplement faux », a répondu Barghouti. « Seuls 100 $ millions ont été débloqués et donnés à Abu Mazen en une seule fois. Vous devez comprendre que 80% des Palestiniens vivent sous le seuil de la pauvreté, et ce n’est pas à cause de la suspension des dons internationaux. Cette très mauvaise situation dans laquelle nous nous retrouvons est avant tout la conséquence de la confiscation de l’argent de nos impôts et des barrières qui ont fait de Gaza la plus grande prison au monde. Gaza reste occupée jusqu’à son espace aérien et par tous les moyens électroniques imaginables. Mais Israël continue de contrôler le territoire. Expliquez-moi pourquoi nous ne pouvons pas aller de Rafah en Egypte ? J’espère pouvoir arriver à présenter ces éléments devant le public israélien pour qu’il comprenne enfin notre situation ».

Barghouti ne veut pas que les Israéliens « lui accordent la moindre faveur », et refusent de leur donner le moindre répis. Selon lui, le principe directeur réside dans la réciprocité. Si Israël n’emploie pas la violence, les Palestiniens se retiendront de l’utilisation de la violence. Si Israël ne concède pas Jérusalem-Est sur les bases d’un accord permanent avant le début des négociations, les Palestiniens n’auront pas à déclarer à l’avance qu’ils concèderaient le droit au retour. Tant que le ministère israélien de l’Education n’aura pas réinséré la Ligne verte (la frontière qui existait avant la guerre des Six jours) dans les manuels scolaires des enfants israéliens, le ministère palestinien de l’Education n’e modifiera pas ses manuels scolaires. Barghouti a souhaité annoncer qu’il proposait la création d’un comité professionnel neutre pour examiner les manuels scolaires des deux côtés, israélien et palestinien.

Barghouti a déclaré avoir informé les Américains qu’il n’y avait pas deux Etats palestiniens, et que, en ce qui le concerne, il n’y aura aucune discrimination entre un ministre et l’autre. En tant que fier porte-parole du gouvernement d’union, Barghouti qui ne vient pas du groupe des dirigeants des grands partis (Hamas et Fatah), fait un effort pour expliquer les positions des deux camps qui se sont retrouvés forcés de signer l’accord de la Mecque. Souvent ses efforts réussissent. « On a un gouvernement démocratique qui représente 95% de l’opinion, avec une plate-forme progressiste sur les questions sociales comme les droits de la femme et des handicapés, la prévention du népotisme et la lutte contre la corruption. Un gouvernement élu qui jouit d’un large soutien est une garantie que les accords de paix qu’il signe vont perdurer ».

Et qu’en est-il, dans les directives, de l’article « la continuation de la résistance » ? Barghouti est connu pour être un supporter enthousiaste de la résistance non-violente et d’ailleurs il a été blessé à deux reprises dans des manifestations contre le Mur organisées dans le village de Bil’in par des militants palestiniens, israéliens ou internationaux. La terreur, dit-il, « c’est d’agir contre des civils. Ceci est en contradiction avec le droit international. Je crois en une résistance non-violente. Nous tendons nos bras vers la tahida (le calme), mais ceci dépendra de l’arrêt des violences par Israël. Comme chaque nation, nous aussi nous avons le droit de résister à l’occupation, conformément au droit international et aux accords. Dans nos directives, il est précisé que nous devons respecter les deux. C’est Israël qui est en violation des conventions de Genève. »

Quand on en vient aux choses sérieuses, l’esquive d’une reconnaissance explicite d’Israël et le droit au retour, il est évidemment difficile pour le ministre palestinien de l’Information de défendre les directives du gouvernement d’union. Barghouti saute des accords de la Mecque, qui ont préparé le chemin à un accord d’unité directement au sommet de Riad, en contournant d’une façon élégante la question des directives du nouveau gouvernement. « La semaine prochaine le Premier ministre Hanieh se mettra en route avec le Président Abu Mazen pour le sommet de la Ligue arabe », dit le ministre de l’Information, « Hanieh sera présent quand les pays de la Ligue ratifieront l’initiative arabe, qui a été décidée il y a cinq ans ». Cette initiative, comme le remarque Barghouti, non seulement propose une reconnaissance d’Israël mais aussi une normalisation des rapports avec lui. Elle demande également qu’Israël accepte toute solution au problème des réfugiés.

Après le sommet, Barghouti a l’intention d’appeler les Israéliens qui veulent la paix d’exiger que leur gouvernement s’engage dans des négociations avec Abu Mazen sur les bases des décisions de la Ligue. Il précise que le gouvernement palestinien a autorisé le Président à mener des négociations en son nom et à soumettre les accords à un référendum ou au consentement du Conseil Nationale Palestinien (CNP). Barghouti affirme que le référendum inclura la diaspora palestinienne. Il n’est pas clair néanmoins comment un tel référendum sera tenu dans cinq continents, et il est difficile de savoir comment les représentants du Hamas au nouveau CNP accueilleront un accord de paix qui exclurait le droit au retour, mais Barghouti semble optimiste. Seul le temps nous le dira.

Seul Peres pourrait

Si la publication par le Comité Winograd d’une information officieuse qui affirme que le Premier ministre Ehud Olmert avait reconnu que la guerre au Liban était programmée des mois à l’avance, avait provoqué une telle tempête aux plus hauts niveaux politiques et militaires, il serait donc assez facile d’imaginer la tempête qui se déchaînerait si une version officielle et complète de cette déclaration venait à retentir dans les gros titres des journaux. Selon le procès-verbal que le Parquet [ State Prosecutor’s Office] a soumis au Haut Tribunal de Justice, en réponse à une poursuite enregistrée par le député Zahava, le dirigeant de la faction Merez à la Knesset, le Comité Winograd est en train d’examiner les déclarations d’Olmert (ainsi que celles du ministre de la défense Amir Peretz et de l’ancien chef d’état-major Dan Halutz), avec l’espoir d’avancer leur publication avant la parution du rapport intérimaire dans la deuxième quinzaine d’avril. Au début de cette semaine, des représentants du Département de la censure et de la sécurité de l’information [the Censor and the Information Security Department] ont commencé de lire les déclarations des trois concernés.

Il est possible, en tenant compte des vacances de Pâques, que ces déclarations soient publiées et que la tempête politique se déclenche dans les prochaines semaines. Quand les déclarations seront publiées, Olmert devra justifier de ce qu’il a fait pendant ces mois-là et répondre à la question de quand exactement en tant que Premier ministre il était supposé être sûr que dans l’armée et à l’intérieur du pays on était préparé à la guerre qu’il avait planifiée à l’avance.

Cela veut dire que l’officier supérieur à l’état-major qui se demandait comment se faisait-il que les forces israéliennes de défenses étaient prises par surprise le 12 juillet sans que le plan en vigueur ne puisse être ni achevé ni approuvé (Haaretz 9 mars), ne sera plus désormais le seul à se le demander. Sans doute, Le Premier ministre sera t-il également emmené à inventer des réponses à bien d’autres questions.

Même avant cette publication problématique, la vague de sympathie pour Olmert à la suite de son discours « je ne suis pas un Premier ministre populaire » est en train de s’évaporer. Et si, jusqu’à maintenant, il ne s’inquiétait pas de sa situation au sein de Kadima, après que Shimon Peretz soit devenu son principal soutien il aura toutes les raisons de s’inquiéter. Officiellement, Peres, comme il l’a toujours fait, ne se mouille pas avec ce qui est dégoûtant. Pourtant, il peine à cacher sa joie vis-à-vis des rapports dont on lui parle, non seulement parce qu’il est le candidat préféré pour remplacer le Président Moshe Katsav, mais aussi en tant que candidat potentiel pour remplacer Olmert lui-même. « Je voudrais être choisi pour remplacer la reine de beauté », plaisante-il joyeusement.

Après la démission de Amram Mitzna, certains des membres du Parti travailliste ont pensé que Peres était le candidat idéal, vu son âge avancé, pour remplir le vide au sommet du parti jusqu’à l’élection d’un dirigeant permanent. Dans le cas de Kadima également, Peres est le candidat idéal pour prendre la place du président. La ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni ne va pas bénéficier de cet hiatus grâce à son titre de Premier ministre en fonction. Meir Sheetrit, le ministre du logement et de la construction et Shaul Mofaz, le ministre des transports et de la sécurité routière n’ont pas l’intention de répéter la même erreur qu’ils avaient faite en nommant Olmert sans qu’il ait à concourir. Peres est susceptible d’être encore la bonne personne, avec l’âge qu’il faut et au bon moment. Les membres de Kadima feraient bien de demander à leurs partenaires de la coalition de la faction travailliste de se souvenir de la façon dont tout s’était terminé pour eux.

L’initiative d’éliminer le président par un scrutin secret étant gelée, la présidence évite encore plus de regarder du côté de Peres que du bureau du Premier ministre. Si ce scénario marche, le grand gagnant sera la députée travailliste et candidate à la présidentielle Colette Avital. Les partisans du Parti travailliste, ceux qui « ne se sentent pas à l’aise avec Shimon [Peres] » seront capables de se retourner avec enthousiasme vers leur collègue du parti.

23 mars 2007 - Ha’aretz - Version anglaise : No favors for the PA, no breaks for Israel
Traduction de l’anglais : Thouraya Ben Youssef

Par le même auteur :
- Comment Israël en est arrivé là


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