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Egypte : guerre non-déclarée pour abattre l’opposition radicale

dimanche 18 décembre 2011 - 09h:46

Serene Assir

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Avec plusieurs morts et des centaines de blessés dans la répression contre le sit-in organisé près du bâtiment du Cabinet ministériel, l’armée égyptienne semble déterminée à écraser un mouvement de contestation radicale de plus en plus isolé.

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La répression menée par la police et l’armée égyptienne a fait 10 morts et des centaines de blessés parmi les manifestants, en l’espace de quelques jours.

Trois semaines après avoir entamé un sit-in à l’entrée du bâtiment du Cabinet au centre du Caire, les manifestants égyptiens ont fait face vendredi à une répression militaire brutale où l’armée a utilisé des tirs à balles réelles, des armes électriques (Taser) et des bâtons, tandis que des cocktails Molotov et des pierres étaient jetés sur les manifestants depuis les toits de la rue Qasr al-Aini.

Au moins trois personnes ont été tuées, selon le ministère de la Santé. « Le bilan des morts pourrait être plus élevé, car l’utilisation de balles réelles se poursuit au moment où nous parlons », a déclaré un médecin sur le terrain, Melad Atef. Plusieurs centaines de personnes auraient été blessées.

Le Conseil suprême des Forces armées (SCAF) a publié une déclaration niant l’utilisation de balles réelles contre les manifestants. La déclaration a également dit que les gens en Egypte ont le droit de manifester pacifiquement. Dans une interview à la télévision d’Etat égyptienne, le directeur général de la sécurité au Caire, le général Mohsen Mourad, a fait porter la responsabilité de la poursuite de la violence sur les manifestants.

La dernière mise à jour de la page Facebook d’un des tués, Alaa Abdel Hadi, a fait des vagues dans les milieux de militantisme en ligne. « Je vais sortir pour voir ce qu’il se passe », écrit-il. " « Que Dieu nous protège. » Il n’est jamais revenu.

En attendant, des centaines de manifestants ont été blessés, avec une forte majorité de blessures à la tête, aux jambes et dans le dos. Le Ministère égyptien de la Santé a parlé de 257 blessés. Les appels à se rendre au centre-ville du Caire pour d’autres volontaires médicaux ont continué toute la soirée, tandis que le nombre de blessés continuait augmenter.

Alors que la police militaire avait été impliquée dans un grand nombre d’affrontements avec les manifestants, vendredi était l’une des premières descentes répressives exécutées directement par les forces armées égyptiennes.

« Nous ne savons pas exactement pourquoi l’armée a utilisé une force si excessive contre les manifestants », a déclaré l’avocat des droits humains Ahmed Seif Al-Islam, le père du blogueur Alaa Abdel Fattah. Les deux filles de Seif al-Islam, Mona et Sanaa, ont été tabassées vendredi par l’armée, dit-il, mais le soir elles étaient en sécurité chez elle.

« Il se peut que l’armée veuille pousser à bout les manifestants qui expriment leur opposition au régime militaire, tout en faisant son maximum pour tourner la population contre le mouvement de protestation », a déclaré Seif al-Islam. « Sinon, il n’y a vraiment aucune explication à l’extrême brutalité que nous avons vue vendredi. »

Qasr al-Aini, une des rues principales du Caire à proximité de la place Tahrir, a été bouclée vendredi matin, avant que les militaires ne tendent une embuscade aux deux extrémités de la rue latérale au bâtiment du Cabinet. Tandis que des pierres auraient été jetées dans le sit-in sur cette rue depuis les toits, la police a limité la circulation le long de la voie principale. « Les jeunes ont mis le feu à Tahrir », a affirmé un policier en faction à l’entrée de la rue Qasr al-Aini. « Ils ont commencé la violence », disait-il aux passants.

De même, selon le site web de nouvelles Bikya Masr, la télévision d’Etat a publié des communiqués affirmant que les « les hommes sur le bâtiment du Cabinet ne sont pas des services de sécurité, mais des manifestants qui tentent d’attaquer les militaires et les policiers » protégeant le cabinet. En réalité, les personnes blessées étaient des civils que l’on envoyait rapidement par moto vers des cliniques installées sur des terrains de fortune par des bénévoles.

Beaucoup des blessés avaient des blessures à la tête causées par des pierres lancées depuis les toits, dont des tout jeunes manifestants qui saignaient abondamment. La plupart de ceux qui jetaient des pierres sur la foule portaient des vêtements civils, mais les images publiées en ligne par les militants en fin de journée permettaient de voir quelques uniformes de l’armée parmi eux.

La violence se poursuit

La violence observée dans la rue Qasr al-Aini vendredi « devrait se poursuivre », a déclaré Ahmed Ezzat, le coordinateur des comités populaires pour la défense de la Révolution. « L’utilisation continue des balles réelles est particulièrement préoccupante. Nous n’imaginons pas laisser la place face à la répression, à moins que l’utilisation de balles réelles ne s’arrête », a déclaré Ezzat.

Le sit-in devant le Cabinet a comme objectif d’exiger que le Conseil suprême des Forces armées (SCAF) cède immédiatement le pouvoir à un gouvernement civil. Le lieu du sit-in a été repris vendredi par l’armée, et les tentes des manifestants auraient été incendiées. « J’ai été impliqué dans de nombreux affrontements avec les forces de sécurité », a déclaré Ahmed Fathi, âgé de 22 ans. « Nous ne voulons pas la violence. Mais si nous sommes attaqués, nous devons nous défendre, même si c’est juste avec des pierres. Chaque fois que le SCAF utilise la violence contre nous, il perd des points. »

Mais le centre-ville du Caire est relativement isolée ces dernières semaines et « il n’y a aucune couverture crédible dans la presse égyptienne, nous avons besoin de nous défendre et nous sommes même prêts à mourir », a déclaré Fathi. « Ce type de violence montre aux gens ce que le régime militaire est prêt à faire. »

Fathi a subi des blessures à la jambe, il et pensait qu’il avait besoin d’une radiographie pour son avant-bras enflé. « Mais je ne veux pas partir. Je veux rester aussi longtemps que je peux et soutenir mes amis. »

Ce n’étaient pas seulement les militants politiques et tous ceux qui demandent que le SCAF passe la main à un pouvoir à un régime civil qui se sentaient solidaires des manifestants. A proximité de la Mosquée Omar Makram, Kamel Sayid, un salarié, disait qu’il était difficile pour lui de constater comment la place Tahrir a de nouveau été transformée en un lieu de violence.

« Ces gens, tout ce qu’ils font, c’est défendre leur droit à une vie meilleure », a déclaré Sayid. Il expliquait que, 10 mois après la révolution du 25 janvier, peu de chose avait changé positivement dans sa vie.

« Je gagne 300 livres égyptiennes (50 dollars US) par mois. Pensez-vous que c’est suffisant pour vivre ? » demande-t-il. Sayid n’a pas critiqué les manifestants pour les malheurs économiques actuels en Egypte, mais les autorités. « Si seulement le régime avait donné aux manifestants ce qu’ils veulent, les choses iraient mieux. Nous avons tous le droit de vivre heureux, et pas seulement les riches. »

De la même auteure :

- Révolution égyptienne : le pouvoir au peuple - 27 novembre 2011
- 1948-2008 : la Nakba est encore à l’ ?uvre - 4 janvier 2008
- Attente désespérée à la porte de Gaza - 25 juillet 2007
- Chantage israélien à Rafah - 13 juillet 2007
- Réfugiés irakiens et palestiniens : la quête de la dignité - 23 mai 2007
- Liban : « Les cartes, il nous les faut ! » - 17 février 2007

17 décembre 2011 - Al Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction : Nazem


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