Mort ou coma du processus de paix ?
samedi 24 mars 2007 - 07h:26
Fériel Berraies Guigny
Organisée par l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques, en partenariat avec le journal Le Monde, Témoignage chrétien, la Tribune juive, Radio Orient et le Forum de Paris, la 12e Conférence annuelle stratégique de l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) s’est tenue à Paris, les 6 et 7 mars 2007. Deux jours de débats passionnés et contradictoires.
Avec plus de 1000 auditeurs inscrits, le Colloque a réuni tout un panel d’intervenants venus de tous bords : universitaires, chercheurs, écrivains, académiques, politiques, diplomates. Des représentants de la société civile et de diverses ONG, ont également apporté leur vision du problème. Toute une floraison d’experts reconnus et émérites, pour tenter de débattre d’une question qui jusqu’à notre jour, interpelle conscience collective et politique.
Jacques Boyon, ancien Ministre, Président du Conseil d’administration de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques, a ouvert la Conférence, rappelant encore une fois, la pérennité d’un sujet qui n’a de cesse de grandir en gravité et qui pourtant même après 60 ans d’actualité, est toujours en situation d’impasse. Un sujet dont la solution est encore plus complexe aujourd’hui, car il implique un curieux mélange de rationnel et d’irrationnel, de conscient et d’inconscient.
Avec des acteurs qui n’ont cessé de grandir en nombre et de se diversifier et au regard de l’hétérogénéité de l’espace politique actuel, le sens et le contenu même du Processus de Paix ont évolué. Les diversités économiques, et financières rendant par ailleurs, la compréhension du politique et de ses implications encore plus aléatoire.
En Occident, il semblerait toutefois qu’il y ait un large consensus dans les finalités de cette question. S’agissant de la France particulièrement, on peut reprocher à cette dernière, une certaine inertie, un trop plein de paroles, sans de véritables initiatives. On se pose aussi la question de savoir si la France a eu raison de se retrancher derrière l’Europe. Une Europe qui est de plus en plus considérée comme un maillon faible au regard de l’échiquier décisionnaire politique actuel.
Mais ce conflit est le plus ancien de la planète, et il divise toujours autant les Etats. Il suscite, haine, violence et clivages idéologiques. Aujourd’hui, face à l’échec des politiques, il faut chercher une écoute, une compréhension, des tentatives de résolution ailleurs. La société civile, la coopération décentralisée, les collectivités territoriales, tentent de prendre le relais. Dans l’espoir de relancer un nouveau dialogue, de permettre de nouveaux échanges. Afin que cesse la spirale infernale des langages hermétiques et promesses creuses. En refusant la polémique, et la langue de bois, peut être que ce processus aurait un jour la chance de renaître.
L’ouverture des débats a accueilli, Mme Hind Khoury Représentante de la Palestine, et son excellence l’Ambassadeur d’Israël, Daniel Sheck. Tous deux ont présenté leur vision de la situation actuelle.
Pour Mme Khoury, la question cruciale reste pourtant simple et fondamentale « la Nation de la Paix a-t-elle un sens au Proche Orient ? » ; « Est-ce que le droit international doit s’appliquer partout sauf dans un seul pays ? » Voilà en résumé, ce que subit la Palestine depuis Oslo. Ce pays vit au rythme de promesses non tenues et de Sommets qui ne font que reporter à plus tard, une solution qui n’a aucune chance d’être. Aujourd’hui la Palestine est en pleine déliquescence, avec un taux de chômage qui touche 45% de la population active, un bouclage des territoires qui paralyse l’économie, sans compter les constantes violations des droits de l’homme et du droit international dans la région.
La Palestine a, à l’heure actuelle, plusieurs des ses Ministres, et militaires, détenus dans des prisons israéliennes, ceci constituant de graves atteintes aux droits de l’homme. Avec près de 60 ans d’occupation, et une colonisation sauvage en constante évolution, de graves abus humanitaires, la situation ne fait que se dégrader.
Par ailleurs, la non reconnaissance de la gouvernance actuelle, bien qu’élue démocratiquement, est un autre frein, à une éventuelle amorce de dialogue. Comment dés lors, penser qu’il y ait véritablement du côté israélien, un réel désir ou une volonté de paix ?
Le calendrier de la feuille de route, n’ayant jamais été respecté, la colonisation sauvage qui se poursuit ( on compte 3000 constructions inégales sur les collines), la construction du mur qui se poursuit sur 21% du territoire, sont autant de facteurs qui éloignent toute perspective de dialogue. In fine, pour Hind Khoury « Jamais, les Palestiniens ne pourront envisager un Etat avec comme Capitale, Jérusalem ».
Partis de ces constats, il est cependant encore temps d’envisager, un avenir de paix, juste et équitable pour les deux peuples. Mais pour qu’il y ait un véritable dialogue, il faut renoncer aux promesses creuses. La Communauté Internationale, doit dés lors réagir et faire respecter le droit international. La politique américaine ayant perdu de sa crédibilité dans cette région, même après la rencontre tripartite avec Condolezza Rice.
Pour Mme Khoury « ...on attend beaucoup de la France » Et « l’Europe peut beaucoup, même si elle ne peut pas tout », car « 2007, est l’année de toutes les possibilités ».
Un message d’espoir est toujours possible, « l’humanité 2007 peut être l’année de l’histoire humaine » à condition qu’il y ait une véritable mobilisation en France, pour faire que les hommes de paix soient entendus.
La Représentante de la Palestine, conclura en ajoutant que Mahmoud Abbas, reste le seul acteur crédible pour négocier avec Israël, et le Fatah, restera aussi le partenaire historique de tous les Accords. Néanmoins, Un Etat palestinien, restera la seule garantie et la seule solution pour une paix en Israël.
L’Ambassadeur israélien Daniel Sheck, a repris le cours du débat, par un intéressant jeu de métaphores, en introduction il a maintes fois parlé du « couloir de la paix, qui s’est ouvert,puis qui s’est refermé » à différentes étapes de l’histoire. Au préalable, il a commencé son récit en faisant allusion à sa femme juive tunisienne qui a du fuir son pays d’origine, la Tunisie.
Nous laissant perplexe et sur notre faim, quant aux raisons « de cette fuite », il a repris son discours sur l’importance du timing ou « moment historique » qui modèle somme toute les chances et les lueurs d’espoir, quand il s’agit d’apprécier les avancées du dialogue de la paix.
Pour résumer ce qui s’est dit en longueur diplomatique, le nombre « d’occasions ratées » semble t-il serait plus important que les occasions de facto. Camp David les négociations de Taba, le retrait militaire de Gaza, ont été « les portes de l’espoir » pour un temps. Mais aujourd’hui, ces portes sont fermées alors que le rejet de la création d’un Etat israélien et sa non reconnaissance, ont tôt fait de « les sceller » irrémédiablement. Pour l’Ambassadeur israélien, la plus belle occasion de « couloir ou porte ouverte » a été 1947, avec la résolution de partage. Mais « l’offre » s’est détériorée avec le temps. Et la violence, l’insécurité, la souffrance des peuples ont mis le processus en berne.
Avec Réalisme, Daniel Sheck ajoutera « qu’il est temps de part et d’autre, d’ôter certains tabous, pour laisser ses rêves dehors ». Pour le diplomate israélien, il faut arriver à un véritable sens du compromis. Les Israéliens ont appris à accepter une réalité : celle de la construction d’un Etat palestinien. Ce qui est une grande avancée en soi, « car le Grand Israël au sens biblique, n’est plus ». Même si ajoute-t-il, une certaine minorité, y croit encore.
Ceci constituerait, un grand retour à la reconnaissance du droit palestinien, tel que défini depuis 1947-48. Si la majorité des Israéliens a reconnu « les limites de sa force », il faut encore parvenir à établir les meilleurs conditions pour une négociation politique diplomatique. Pour Daniel Sheck le plus grand tabou que constituait le démantèlement des implantations israéliennes, devait augurer d’une belle reprise. Mais l’intifadha en a décidé autrement et depuis « nous vivons un déficit d’espoir de paix ».
Mais il n’est pas encore trop tard, pour le diplomate israélien du moment que « l’on accepte le concept de deux Etats pour deux peuples dans une Nation ». Pour lui, on ne doit pas oublier que la création de l’Etat Nation d’Israël est une solution au problème juif et celui des réfugiés juifs à travers le monde. La même chose, pour le peuple palestinien qui a autant droit à un Etat Nation en Palestine. Cet état de fait, est l’espoir central pour briser le cercle vicieux de la violence et pour désembourber un dialogue en pleine impasse.
L’Accord de la Mecque fut un moment important pour les arabes et les Palestiniens, car il met fin à un chaos indescriptible et à des heurts militaires sans fin. Mais l’Ambassadeur n’a pas caché ses réserves, ajoutant « . J’ai de forts doutes sur la portée de l’Accord. » car Israël ne connaît pas véritablement le projet politique du nouveau gouvernement palestinien. Et d’ajouter, « qu’il n’est pas question de légitimité s’agissant de la gouvernance actuelle palestinienne. Mais Israël et la Communauté internationale, ont tout de même le droit de choisir leur interlocuteur, d’autant qu’ « il n’y a pas de principe israélien qui dise que l’on doive négocier avec une entité qui cherche la perte d’Israël ».
Face aux réalités politiques actuelles palestiniennes, et malgré toutes les nuances d’analyses des Accords sur la Mecque, le fait de ne pas figurer ou être mentionné par le seul terme d’Israël, une seule fois, dans les termes de cet Accord, reste inacceptable pour Israël. Cette omission rend le document caduc. Par ailleurs, autre composant qui rend la lecture de ce document difficilement acceptable pour Israël ; « on ne peut pas accepter le concept de retour des réfugiés si on exige le droit du retour des Palestiniens dans l’Etat palestinien et israélien ». C’est une problématique insurmontable pour les Israéliens.
A l’heure actuelle, pour Daniel Sheck, « Israël n’a aucun intérêt à voir perdurer la crise palestinienne », « je reconnais la souffrance des Palestiniens, ce que nous recherchons ; c’est une solution qui nous permette de ne pas mettre en doute le droit des Israéliens à vivre honorablement et en sécurité ». Et de conclure : « L’on ne peut éternellement, verser des larmes sur le passé, ni se disputer le rôle de celui qui a le plus souffert, dans ce concours il n’y a pas de gagnants ».
Il faut regarder vers l’Avenir qui peut être porteur d’espoir, car « les sentiers battus ne suffisent plus et il va falloir être créatif, courageux, montrer de la vision et du leadership. Enfin, « la balle se trouve dans le camp de la paix » et dans le camp palestinien ou israélien. S’agissant de l’implication des sociétés civile et du rôle des médias dans le conflit palestinien, la question était de tenter de savoir comment le citoyen moyen percevait la crise actuelle ?
Bernard Ravenel, Président de la plate forme des ONG françaises pour la Palestine, Président de France Palestine Solidarité, a expliqué que les réponses pouvaient se trouver dans la société civile, qui se sentait de plus en plus impliquée. Car les personnes de bonne volonté ne manquent pas, et peuvent contribuer de l’extérieur sans pour autant être impliquée dans des appareils d’Etat. En fait, « le rapport avec l’Etat doit être un rapport de pression et d’interpellation ». Et « si la paix passe le droit », la question est de savoir comment parvenir à faire appliquer ce droit.
Pour Bernard Ravenel, la politique israélienne actuelle continu de jouir « d’une impunité éhontée ».
Et seules les pressions diplomatiques, économiques et politiques et la société civile pourraient mener le combat à terme. Aujourd’hui, un véritable mouvement de solidarité est né en France, à travers ce mouvement, il faut arriver à imposer une politique européenne, il faut aussi donner aux partis et à l’Etat français les moyens d’y jouer un rôle significatif. Et ultérieurement, il faut aboutir à une Conférence internationale pour discuter de la paix.
Marc Lefèvre, citoyen israélien et français, Porte Parole pour la France, du mouvement « La Paix maintenant »ajoute dans cet ordre d’idée que « dans toute démocratie, il est normal que des citoyens se regroupent pour faire valoir leur opinion ». S’agissant de La Paix Maintenant, il explique que c’est une organisation citoyenne qui n’est pas inscrite dans un quelconque parti politique. Pour lui, il est claire que les Israéliens continuent d’ignorer avec mépris la souffrance des Palestiniens alors que ces derniers, continuent d’ ?uvrer dans un contexte de radicalisation et de résignation. Dans ce contexte précis, seule la société civile pourrait encore faire la différence. Et d’ajouter : « Nous saluons le courage du côté palestinien, compte tenu de la situation ». Pour lui, il est claire que pour les Palestiniens il faut faire preuve d’un véritable courage physique, tant ceux qui essayent de jouer les médiateurs, sont menacés dans leur propre vie. Pour un Israélien, dans une société démocratique, il est plus facile de s’engager dans cette voie. Marc Lefèvre déplore par ailleurs le rôle des médias qui a tendance à « diffuser des images de haine et de mépris » grossissant et stigmatisant encore plus les faits. Globalement, selon lui, le rôle des médias est extrêmement négatif.
Dans une logique de communication marchande, le sensationnalisme aurait plus tendance à nuire aux tentatives de médiations citoyennes.
Traugott Schoefthaler, Directeur de la Fondation euro méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures, Alexandrie, a présenté son institution comme étant la plus jeune, crée suite au partenariat euroméditeranéen, depuis la Conférence d’Helsinki. Dans ce cadre précis, il explique qu’il est important de promouvoir la diversité culturelle et religieuse. Afin d’échapper, aux dangers de la récupération politique et la stigmatisation. S’agissant de l’Islam, selon lui, il est primordial de l’assimiler à l’identité européenne, car nous sommes « tous différents et tous égaux ».
Mais les médias à l’heure actuelle, ont eu tendance à créer des stéréotypes, et la religion est devenue une étiquette idéologique dans laquelle on enferme des communautés entières. Alors que les conflits économiques et politiques sont le plus souvent fondés sur des revendications territoriales ou politiques, on continue de se cacher derrière les arguments culturels et religieux. Et aujourd’hui, la grande majorité pense que la grande cause de tous les maux actuels, reste l’Islam. Et de l’autre côté, on pense également que l’Islam est victime d’une conspiration américano sioniste. Aujourd’hui, il faut aboutir à un langage commun pour ne plus avoir de vision partisane.
Si le politique et les médias faussent le débat, qu’en est il de l’économique ? Les acteurs économiques pourraient ils alors répondre aux limites des acteurs politiques ?
Mais peut-on raisonnablement penser à de l’économique dans un environnement aussi dégradé ?
Et peut on croire que l’économique puisse réellement rapprocher les peuples, s’agissant du processus de Paix ?
Question très difficile, car aujourd’hui les coûts sociaux du conflit sont exorbitants et les institutions financières depuis 15 ans sont dans un processus d’implosion. Et la politique israélienne actuelle dans les Territoires palestiniens, freine irrémédiablement toute perspective de vie ou de développement économique. La décision israélienne de stopper le transfert de revenu a contribué à un gouffre fiscal, le revenu domestique a chuté, créant aussi une absence de liquidité. Les salaires sont impayés depuis les 10 derniers mois. Les réformes des revenus financiers publiques restent stagnantes. Les banques palestiniennes ne veulent plus travailler avec le Hamas. En l’absence d’un budget en 2006 et 2007, la situation fiscale est devenue intenable. Les limites du transfert de biens et de personnes imposées par Israël, ont fait perdre plusieurs marchés extérieurs traditionnels. L’investissement en Palestine est essoufflé. La Banque Mondiale, estime par ailleurs, que les Territoires palestiniens sont une zone de haut risque pour l’investissement étranger.
José Leandro Chef d’Unité Affaires Economiques des pays tiers medditteranéens, explique pour sa part qu’il faut imposer des mesures drastiques pour redresser la situation.
D’une part créer des mécanismes de résolution des conflits commerciaux, réintroduire dans l’espace, des contrats à court terme, faire accéder les crédits de facilité en vue de booster les micro et petites entreprises. Par ailleurs, il faut aussi appliquer des procédures pour permettre la libre circulation des biens et personnes. Et enfin, permettre un accès facilité aux marchés et notamment le marché israélien.
Jérôme Cazes, Directeur général, COFACE, estime pour sa part que quand il y a un intérêt national, son institution peut prendre des risques et jouer le rôle d’assureur.
Il ne cache pas néanmoins, que l’Europe ne joue pas de tout son poids pour faire en sorte que les pays de la région présentant le profil de pays à haut risque, soit intégré dans la région. L’Egypte, la Syrie, le Liban, la Jordanie et la Palestine sont des pays à haut risque. Aujourd’hui, cette région est délaissée au profit du Golfe et des pays comme Dubaï retiennent toutes les attentions.
Stéphane Fouks, Directeur général de Havas, Président de Euro RSGC Worldwide n’a pas caché que le monde des affaires tenait compte de divers paramètres dont la sécurité, la stabilité politique et l’environnement juridique. Aujourd’hui dans la région, le climat n’est pas favorable à l’investissement. Même « si l’on essaye d’être rationnel dans un monde qui ne l’est pas ». Car il faut d’abord jeter les bases d’un environnement politique stable pour pouvoir établir des relations économiques. Avec l’Intifada, bon nombre de travailleurs palestiniens ont été remplacés par une main d’ ?uvre philippine. Ceci a contribué à la paupérisation de la main d’ ?uvre. Et il y a par conséquent beaucoup de raisons d’être pessimiste car cette région n’a aucun poids économique dans l’échiquier international.
Par ailleurs, la construction du tramway de Jérusalem par l’entreprise française Veolia, autre élément qui n’arrange en rien la situation, vient contrevenir au droit international. S.E. Joachim Bitterlich, Directeur des Affaires internationales, Veolia Environnement, a tenté d’expliquer pour sa part, que
l’objectif de ce tramway était de transporter tout le monde et qu’en l’occurrence, Veolia était habilitée par le Quai D’Orsay et par les experts en Droit international. Une explication qui reste très discutable, car ici les intérêts économiques vont à l’encontre de certains droits les plus élémentaires. L’Association France Palestine Solidarité, a par ailleurs engagé une action judiciaire devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre à l’encontre des sociétés Veolia Transport et Alstom, en annulation d’un contrat passé par ces sociétés avec Israël pour la construction et l’exploitation d’un tramway en Cisjordanie. Pour beaucoup de personnes, ce tramway qui permettrait de relier Jérusalem-Ouest aux colonies de Cisjordanie, constitue, pour le moins, un facteur d’expansion de la colonisation de Jérusalem-Est, par l’Etat d’Israël. Illicite au regard du droit international, la convention entre le gouvernement israélien et Alstom et Veolia Transport, l’est également au regard du droit français (art 6,1131 et 1133 du Code Civil) qui décide qu’est dépourvu de tout effet toute convention dont la cause est contraire à l’ordre public ou aux bonnes m ?urs.
Alors si l’économique est en panne, qu’il dessert parfois certains intérêts humains, qu’en est il de tous ces Accords politiques et diplomatiques en stand by ?
Pour Pascal Boniface, la liste des tentatives est longue, alors que la solution à la crise peine toujours.
« Il faut un sursaut de réalisme et de lucidité pour trouver les mécanismes porteurs ».
Les Accords « de bonne volonté politique » ne manquent pas : Accords de Taba, Feuille de route, Plan Abdallah, Accords de Genève et maintenant ?
Hervé de Charette, ancien Ministre, Député, Vice-président de la Commission des Affaires étrangères, Assemblée nationale, nous dresse une vision réaliste du scénario actuel. « Nous vivons actuellement, une situation des plus angoissante. » Et c’est peu dire. Aujourd’hui il est impératif de comprendre les causes du blocage, pour tenter de trouver les possibilités de rebondissements et surtout adopter la bonne méthode de travail. Beaucoup parlent d’une relance, mais c’est trompeur. Comme le citait Charles Enderlein dans son dernier livre, il faut se pencher sur les causes des années perdues. De l’assassinat de Rabin, au virage des néo conservateurs américains. Car nul doute que l’âge d’or qu’avait constituait la présidence Clinton, mais également celle de Bush Senior, n’est plus.
La tentative de Sharon qui incarnait l’idée qu’il n’y avait pas de part pour la paix pour les Israéliens en Palestine, et l’idée qu’il fallait pour Israël se débrouiller toute seule et par la force, perdurant, reste très pernicieuse. Aujourd’hui, l’échec du leadership palestinien à reconnaître Israël et son droit d’exister en sécurité, divise aussi les principaux acteurs internationaux. Européens et américains ne sont pas du même avis, et les européens entre eux sont de plus en plus divisés depuis les cinq dernières années. Quant à la Chine et la Russie, ils ne sont pas de la même ligne que les européens et américains.
Néanmoins, pour de Charrette, il y a des points de rebondissements qui pourraient prédire une éventuelle relance :
l’idée d’une coexistence entre deux Etats, qui fait désormais consensus
la définition concrète d’un arrangement final qui semblerait progresser, vient ensuite le programme de Clinton, les négociations de Taba, les initiatives de Genève. Tous ces éléments réunis peuvent dessiner le contenu d’un hypothétique scénario de sortie de crise. De plus aujourd’hui, les Etats-Unis seraient à l’aube d’un nouveau virage stratégique. Le rapport Baker Hamilton donnerait aujourd’hui une vision plus pragmatique des choses, reléguant aux oubliettes la stratégie des néo conservateurs à Washington.
Avec la victoire des démocrates, il est à prévoir peut être que les Etats-Unis joueront un rôle plus important dans la recherche d’une solution.
Israël de plus, semblerait peu à peu prendre conscience de l’échec de la politique unilatérale de Sharon et l’initiative échouée au Liban, cet été, conforte les électeurs israéliens sur la nécessité de faire certains choix.
Dans l’expérience Sharon, l’aspect positif est la levée du plus grand tabou qui consistait à démanteler les colonies israéliennes de Gaza.
De plus les efforts de rapprochement entre le Hamas et la Fatah, augurent de nouveaux espoirs.
La stratégie du Processus de Paix étant dépassée, il faut néanmoins se fixer un nouveau calendrier. Cela justifie plus que jamais, la tenue d’une Conférence Internationale pour la paix. Il faudra une longue préparation et il faudra négocier globalement les sujets les plus différents, mais « le choix restera aux Palestiniens, car il ne faudra pas décider pour eux ».
Il faudra par ailleurs que le Hamas et le Fatah parviennent à s’entendre pour la gouvernance. La Communauté internationale devra respecter le choix gouvernemental de la Palestine et « il nous faut arrêter de les affamer » ! « même si les problèmes de sécurité persistent ». Car « je trouve qu’aujourd’hui, la balance est déséquilibrée ». Et s’agissant de l’Europe, il est temps qu’elle joue un vrai rôle et non pas se limiter à celui d’accompagnateur du quartet avec les Etats-Unis. « On attend de l’Europe, qu’elle puisse dessiner les lignes de la paix au Moyen Orient ». La situation entre Israël et la Palestine est un enjeux vital pour l’Europe qui est concernée à maints égards, s’agissant des questions liées à la sécurité, la stabilité dans l’espace euromed, mais plus que cela, il s’agit d’enjeux de civilisation et de valeurs humanitaires. Il est primordial de permettre aux peuples de vivre ensembles.
Ilan Halevi, ancien Ministre des Affaires étrangères de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Responsable des Relations internationales du Fatah, estime pour sa part que la véritable question est de savoir ce qu’Israël veut amener au processus de paix ?
Du plan Abdallah aux résolutions du Sommet arabe de Beyrouth, il y a certes des solutions diplomatiques mais le fond du problème est autre. La guerre n’est pas une alternative à l’échec du processus de paix, mais il faut au contraire amener une autre proposition de paix.
Dans ce sens, toute initiative pour relancer le processus de paix, en dehors de l’alliance américano-israélienne est la bienvenue. « Le processus de paix n’est pas mort, mais il n’y a pas eu autre chose ».
« La philosophie de l’unilatéralisme a subi une grande défaite » en attendant, et pourtant elle continue de dominer la pensée des leaders israéliens et américains. Or la paix au Moyen Orient, ne peut se faire sans « ... les quatre » de la Syrie, à l’Iran, au Hamas et Fatah.
« Le meurtre, ne saurait devenir un substitut de la pensée politique » ; « il faut arrêter le meurtre d’Etat systématique ».
Par ailleurs, pour Halevi, l’Accord tant attendu entre le Fatah et le Hamas ne pourra se concrétiser si la Communauté internationale attend de cette dernière, des déclarations idéologiques qui sont contraires à ses principes : « Veut-on une capitulation idéologique ou un résultat par un Accord qui signifierait effectivement l’arrêt de la violence » ?
A l’heure actuelle, on estime quelque soixantaine de parlementaires et ministres palestiniens qui sont dans des prisons israéliennes. 50 Palestiniens ont été arrêtés par ailleurs car membres de la sécurité de la présidence de Mahmoud Abbas. Est-ce une provocation politique ? Ou un fait isolé d’un policier ?
Le futur le dira peut être... Il reste que c’est au gouvernement israélien de décider de l’ordre des choses. Pour Ilan Halevi, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a pas de guerre civile qui se trame en Palestine car il y a une réelle volonté d’unité au sein de la population palestinienne. Et le peuple condamne jusqu’à aujourd’hui ; tous ceux qui sont auteurs de violence.
Volker Perthes, Directeur, Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP) estime qu’il est temps d’élargir le quartet, à la Syrie, le Liban, c Israël et la Palestine. Il y aurait alors une véritable chance pour le dialogue. Il faudrait également établir un calendrier d’objectifs « goal map ». Y seraient évoqués les intérêts nationaux des quatre pays : la sécurité d’Israël, la reconnaissance d’une Etat palestinien, la souveraineté du Liban, et l’intégrité territoriale de la Syrie. Il faudrait rétablir la possibilité d’un dialogue entre les quatre et régler les conflits de voisinage. Dés lors, la négociation avec le Hamas reste aussi primordiale. La Syrie devrait démontrer sa bonne volonté à l’égard de la Palestine, de l’Iran et des Etats Unies. Mais il faudrait également qu’elle change d’attitude vis-à-vis du Liban.
Il faudrait aussi mettre un terme à l’isolement politique et économique de La Palestine dont le peuple est devenu un « assisté » plus qu’un peuple capable de décider de son propre sort. Il est donc à espérer que le futur gouvernement d’unité nationale parviendra à construire un pont vers l’Union Européenne. Et la tenue de la Conférence internationale devrait déboucher sur l’édification d’un calendrier d’objectifs.
Nacif Hitti, Ambassadeur de la Ligue des États arabes et auprès de l’Unesco en France, estime qu’il est temps de mettre fin à « la science de la prétextologie » dans la région.
Au Moyen Orient, il y a plus d’oppositions que d’action. Depuis bien avant le 11 septembre, l’administration Bush est influencée par un anti Clintonisme manifeste. Pour les américains il n’y a pas de « problème palestinien », ce qui a résulté en une véritable marginalisation du conflit arabo-israélien. Et le sens de cette politique a viré de la Méditerranée au Golfe. Comme s’il y avait eu un véritable transfert de gravité, alors que les néo conservateurs continuent de nier la question palestinienne. Une atomisation de la question palestinienne qui a défiguré le conflit. La crise est avant tout un problème d’occupation et d’absence d’autonomie. A l’heure actuelle, la politique de la droite américaine, entretient une logique « de stabilisation active ». Pour gérer l’impasse et justifier la désescalade. Il n’y a aucune logique de règlement. Or il faut parvenir à une logique de règlement.
Le plan de paix arabe, constitue l’approche la plus globale pour gérer la crise, elle pourrait parvenir à créer une paix régionale. Il faudra parvenir à établir un principe de simultanéité et de réciprocité entre Israël et la Palestine.
La Conférence internationale est nécessaire, car il y a une interdépendance entre les différents enjeux et volets de ce conflit. Il faudra de ce fait, multilatéraliser l’approche, internationaliser la responsabilité, pour tenter de sortir de la logique intelligente.
Hubert Védrine, ancien Ministre des Affaires étrangères, Associé-Gérant de Hubert Védrine Conseil, ajoute que la situation est paradoxale, car tout le monde connaît les contours de ce règlement, et tout le monde sait bien que ces différences ne sont pas incontournables. Mais ce qui parait aujourd’hui, c’est une véritable agitation diplomatique internationale pour feindre une recherche de solution. Le processus de paix est vital pour tous aujourd’hui, éloigné de toutes considérations humanitaires. La Palestine pour l’heure, est incapable d’appliquer les résolutions et cela constitue un gros problème politique préalable. Le parrainage américain reste donc important, car il faut aider les Palestiniens à se comporter comme un Etat responsable. La société palestinienne doit se reconstruire politiquement, et l’Europe doit aider à la réhabilitation économique et sociale. « Le droit international est un concept beau mais creux, car personne ne peut garantir son application » ; « il faut cesser la machine à illusion politique ». Pour Védrine pas de langue de bois, « la déclaration du millénaire aux Nations Unies, est une lettre gigantesque au Père Noël ».
Mais la ligne dure sans langue de bois se trouvera dans le dernier panel, réunissant Marek Halter, romancier et essayiste, et Ivan Levaï, Directeur de la publication, La Tribune Juive, qui reviennent à la thèse du grand Israël. Un discours plus modéré s’est ensuivi avec Noël Bouttier, directeur de la publication Témoignage chrétien qui rappelle à la nécessité de solutions justes et équitables pour les peuples palestinien et israélien. Mais pour Marek Halter, « si Israël venait à tomber », alors la démocratie dans le monde n’aura plus sa raison d’être. Il ne sera plus qu’une question de temps avant que le reste des démocraties occidentales ne disparaissent.
Insinuations très pernicieuses, qui n’auront le mérite que d’agrandir le clivage ancestral entre judaïsme et islam.
Des propos très forts et controversés, dans une conférence qui a quand même respecté les usages de la courtoisie diplomatique. Pour beaucoup de spectateurs, ces discours aux intonations sionistes ont quelque peu échauffé les esprits. Ces affirmations controversées qui ont provoqué un tollé dans l’assemblée. « Israël est le grand perdant de l’histoire, et son peuple souffre depuis 60 ans », mais l’heure et le sujet de la conférence ne devaient théoriquement pas amener des appréciations ou des études comparatives ou quantitatives de l’économie des souffrances des peuples. L’heure était uniquement à la recherche d’une reprise du dialogue pour des solutions futures.
Fériel Berraies Guigny, Paris - Babnet Tunisie, le 23 mars 2007