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Gouvernement d’union palestinien : essayer de changer le jeu

mardi 20 mars 2007 - 20h:23

Phil Zabriskie - Time Magazine

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« Nous sommes optimistes, ce gouvernement va ouvrir une ère nouvelle » a déclaré jeudi le Premier ministre palestinien, Ismail Haniyeh, après avoir annoncé que le Président Mahmoud Abbas avait finalement donné son accord sur la composition du nouveau gouvernement palestinien.

Que les Palestiniens aspirent à une ère nouvelle n’est pas surprenant : ce fut une année longue, dure et souvent sanglante pour les Territoires palestiniens, avec les spasmes récents d’une violence interne menaçant de passer à l’anarchie générale. Mais Haniyeh du Hamas et Abbas qui dirige l’organisation du Fatah sont ressortis de l’agitation finale des réunions à Gaza ville avec un accord pour un nouveau cabinet, dans lequel le Hamas aura 12 fauteuils, le Fatah 6 et les 7 restant allant à des indépendants et à des plus petits partis. Ils ont aussi réussi à se mettre d’accord sur une plate-forme politique pour la nouvelle administration.

Si d’arriver à un accord relevait d’un véritable défi, le faire partager à une opinion lasse et à des membres sceptiques de la communauté internationale sera encore plus difficile. Le Conseil législatif palestinien devrait ratifier (a ratifié - ndt) samedi le nouveau gouvernement par un vote. Ce sera le plus simple. Le ministre de l’Intérieur nouvellement désigné, Hani Kawasmi, un fonctionnaire civil chevronné et sans étiquette, devra trouver la façon pour contrôler les nombreuses forces de sécurité palestiniennes et inculquer le sens de l’ordre dans les rues. Ziad Abu Amr, le ministre désigné pour les Affaires étrangères, et Salam Fayyad qui a pris le ministère des Finances sont tous deux des indépendants modérés avec une bonne réputation en Occident. Leur travail sera de persuader les gouvernements arabes et européens de lever le blocus financier imposé lors de la prise de direction par le Hamas, il y a un an.

La condition pour la levée du blocus, pour le nouveau gouvernement, est d’accepter les exigences du Quartet - Russie, Union européenne, Nations unies et Etats-Unis -, qu’il reconnaisse l’Etat d’Israël, qu’il renonce à la violence et remplisse les engagements antérieurs. Mais la plate-forme du nouveau gouvernement esquive le problème. Le gouvernement promet de poursuivre « l’union nationale » palestinienne, de promouvoir la transparence et de combattre la corruption, de « mettre fin à toutes sortes de désordre » et d’établir le Conseil national de la Sécurité pour veiller à la sécurité intérieure. Il promet de « respecter » les accords passés ainsi que l’initiative de paix saoudienne adoptée par la Ligue arabe en 2002 (qui propose la pleine reconnaissance d’Israël et la normalisation des relations en échange d’un retrait de l’Etat juif sur les frontières de 1967 et d’une « réponse juste » à la question des réfugiés palestiniens). Mais il n’offre aucune reconnaissance explicite d’Israël. Et pendant qu’il soulève la possibilité d’étendre la trêve, il ne renonce pas actuellement à la violence - en fait, il rappelle explicitement le droit de « résister » jusqu’à ce que l’occupation israélienne ait pris fin. Tous les Palestiniens ne prennent pas cela comme un appel aux armes, mais ce n’est pas ce que Washington et Israël ont voulu comprendre. « C’est un retour en arrière » dit le porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien, Mark Regev. « S’il y a eu un espoir pour que le nouveau gouvernement apporte du nouveau, cet espoir s’est envolé. »

Le Hamas se sent confiant, ayant obtenu presque tout ce qu’il voulait sans donner beaucoup dans les négociations avec le Fatah. Mais Haniyeh comprend bien que le Hamas doit soulager les problèmes financiers dans les Territoires. « Nous ferons ce qu’on attend de nous en tant que Palestiniens, pour l’union et le renforcement des liens avec la communauté internationale », indique le Premier ministre. Dans un entretien avec un quotidien arabe londonien, le Dr Ahmed Youssuf, chef-conseiller d’Haniyeh, dit que l’idéologie radicale du Hamas pourrait changer avec le temps, ou au moins évoluer quelque peu. « La réalité politique fait évoluer certaines idées dans le mouvement ». Par la suite, Youssef dira au Time : « au sein du Hamas, nous discutons pour plus de souplesse et travaillons à travers le processus politique à une organisation que nous avons rejetée par le passé. » Le Hamas semble jouer à un jeu subtil faisant seulement les concessions indirectes qui lui permet de conserver sa crédibilité dans la rue et auprès de ses propres militants à la ligne dure, dont certains sont irrités par toute idée de compromis avec l’ennemi juré. Selon Youssuf, le mouvement pourrait aussi répondre positivement à l’initiative saoudienne ; une allusion, à peine une promesse cependant, à la reconnaissance implicite d’Israël.

Si le Hamas essaie d’adoucir son image, ses adversaires de jadis au Fatah apprécient son effort : « Nous appelons toutes les parties, notamment les Arabes, à travailler et à vivre avec ce gouvernement et à lui donner toutes ses chances » dit Nabil Abu Rudeineh, un assistant d’Abbas. L’objectif semble de vouloir briser le front uni du Quartet, de persuader les Européens et les Nations unies de commencer à travailler avec le gouvernement - probablement par l’intermédiaire de ministres qui ne seraient pas du Hamas - pendant que les Saoudiennes et les Egyptiens, conscients de la nécessité d’empêcher l’Iran de devenir le principal protecteur de la cause palestinienne, proposeraient des soutiens financiers et diplomatiques et convaincraient les Etats-Unis de modifier leurs positions. Le texte de la plate-forme remercie l’Arabie saoudite, l’Egypte et l’Union européenne de leur soutien - ainsi que la Syrie - et souhaite une amélioration des relations avec la Chine, le Japon et la Russie. (« il prie aussi l’administration des Etats-Unis de reconsidérer ses positions injustes à l’égard de la cause palestinienne ».) En réponse, Regev, porte-parole des Affaires étrangères israéliennes, demande à la communauté internationale « de rester immuable sur ses principes », de ne pas faiblir ni se faire prendre au jeu qu’Israël considère comme des fausses promesses et des demi-mesures.

Si le nouveau gouvernement et sa plate-forme sont peu susceptibles d’influencer les Etats-Unis et Israël, ils peuvent encore gagner des adhésions en raison des doutes chez d’autres partipants à ce jeu pour lesquels poursuivre le blocus ne donnerait pas de résultat positif. Et le fait que cela soit lié à un processus de paix renouvelé et conduit par l’Arabie saoudite, sur lequel les Etats-Unis et Israël pensent pousser leur réflexion, pourrait renforcer les tentations de s’engager avec le nouveau gouvernement palestinien, si imparfait soit-il, en surveillant de près son comportement et son évolution.

Jérusalem, le 15 mars 2007, Time Magazine ; Publié le 19 mars sur le site du Mifath - trad. : JPP

Lire aussi :
- Programme du gouvernement palestinien d’union nationale (extraits)


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