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Washington contre le droit international

mercredi 14 septembre 2011 - 09h:50

Rami G. Khouri - The Daily Star

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Si les États-Unis s’opposent à la demande palestinienne d’adhésion à l’ONU, c’est parce que cette initiative échappe à leur contrôle, estime l’intellectuel palestinien Rami G. Khouri.

Deux événements majeurs liés au Moyen-Orient ont eu lieu ce mois-ci à New York : la commémoration du 10e anniversaire des attentats du 11 septembre et la demande, à l’Assemblée générale qui se tient actuellement à l’ONU, de la reconnaissance d’un État palestinien sur les territoires occupés par Israël depuis 1967.

Nous serons prochainement fixés sur la reconnaissance que les Palestiniens cherchent à obtenir des Nations unies. La plupart des observateurs dignes de confiance s’attendent que cette demande obtienne le nombre de votes requis dans cette institution qui a toujours été juste avec la Palestine et qu’elle représente un autre gain symbolique pour la cause palestinienne. Cependant, même si un “État de Palestine” incluant la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est est officiellement proclamé ou reconnu par l’ONU, cela ne débouchera probablement sur aucun changement concret, car les réalités du terrain ne sont pas déterminées par les votes de l’Assemblée générale de l’ONU, mais par l’attitude des Palestiniens et des Israéliens et celle des gouvernements étrangers qui les soutiennent. C’est pourquoi, étant donné son impact essentiellement rhétorique et symbolique, je reste personnellement partagé sur la demande palestinienne d’adhésion à l’ONU.

Beaucoup plus intéressantes, en revanche, sont les réactions extrêmes d’Israël et des États-Unis face à cette demande.

Les pouvoirs législatif et exécutif américains l’ont fermement condamnée, allant même parfois jusqu’à menacer de suspendre leur aide par mesure de représailles. Le gouvernement israélien a usé de toutes ses armes diplomatiques pour tenter de la faire rejeter, mais il a fini par se résigner à ce qu’elle soit mise au vote. L’argument le plus souvent invoqué par les Israéliens et les Américains est qu’elle entraverait les tentatives de règlement du conflit israélo-palestinien par des négociations bilatérales directes. Ils affirment cela le plus sérieusement du monde, même si leurs propos sont démentis par les faits passés et actuels.

En réalité, depuis la conférence de Madrid de 1991 et les accords d’Oslo de 2003, les États-Unis et Israël ont largement orienté à leur guise le processus des négociations israélo-palestiniennes. Israël a pris en main les engagements diplomatiques, car le pays contrôle les événements sur le terrain avec son armée d’occupation, sa stratégie d’encerclement et ses colons, et qu’il tient les Palestiniens en otages en contrôlant leurs terres, leur espace aérien et maritime, leur commerce, leur sécurité et leurs ressources financières.

Les États-Unis, de leur côté, se sont attribué le rôle de médiateur dans les négociations bilatérales et ont provoqué une série d’échecs qui resteront probablement dans l’Histoire comme l’un des plus grands exemples d’incompétence diplomatique de l’humanité. Les historiens diront un jour s’il faut les imputer à de l’amateurisme ou au net parti pris en faveur d’Israël qui contrecarrait les efforts de médiation des États-Unis.

Dans un cas comme dans l’autre, avec le rapport de forces actuel et un médiateur américain si favorable à Israël, les négociations bilatérales n’ont aucune chance d’aboutir. Je soupçonne que la véritable raison pour laquelle les États-Unis et Israël s’opposent si violemment à la demande palestinienne d’adhésion à l’ONU, c’est parce qu’elle représente une rare initiative sollicitant une décision politique sur une question arabo-israélienne qu’ils ne contrôlent pas totalement mais pour laquelle les éléments de référence sont le droit international et le consensus mondial. Son acceptation serait un précédent si préoccupant pour les Israéliens et les Américains qu’ils utilisent toutes les armes et les menaces possibles pour faire rejeter la demande avant qu’elle n’aille plus loin.

C’est pour cette même raison que, l’an dernier, les deux pays ont réagi de manière tout aussi hystérique à la publication du rapport Goldstone [qui accusait Israël de crimes de guerre à Gaza]. Ils ne peuvent tout simplement pas accepter que des délibérations politiques ou des procédures diplomatiques relatives à Israël et à la Palestine aient lieu en dehors du cadre des priorités israéliennes et de la réponse servile des États-Unis à tous les souhaits d’Israël, grâce à la formidable puissance des lobbys pro-israéliens de Washington.

Ne nous laissons pas duper par ces débats - qui ne visent qu’à faire diversion - sur le vote essentiellement symbolique de la reconnaissance de l’État palestinien par l’ONU. La véritable question est de savoir si l’histoire de la Palestine et d’Israël sera façonnée par la loi et par la détermination de la communauté des nations à traiter les deux camps de manière équitable ou par la puissance du sionisme et de son partenaire diplomatique américain, qui ressemble bien plus à la marionnette d’un ventriloque qu’à un acteur indépendant, et à plus forte raison un médiateur impartial.

Rami G. Khouri écrit régulièrement pour The Daily Star

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