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Voyage au coeur du lobby pro-israélien à Washington

lundi 19 mars 2007 - 16h:00

Gregory Levey - Salon.com

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Retour sur la convention de l’AIPAC qui vient d’avoir lieu à Washington. Le reporter de Salon décrit l’étonnante alliance entre droite religieuse US et sionisme extrême réunis par une même détestation de l’Iran, et l’empressement de la classe politique américaine à apparaitre au côté de « l’organisation la plus importante influençant les rapports de l’Amérique avec Israël. »






À la conférence politique annuelle de l’American Israel Public Affairs Committee [AIPAC] cette semaine à Washington, un couple de chrétiens conservateurs de l’ouest du Tennessee m’a annoncé que leur fils avait décidé de rejoindre l’armée israélienne.

C’était l’un des nombreux moments surréalistes de ce rassemblement de trois jours organisé par l’AIPAC, le groupe de lobbying qui s’emploie à tisser des liens étroits entre les États-Unis et Israël et qui reste extraordinairement influent à Washington. « Nous aimons tout simplement Dieu, et nous aimons tout simplement Israël, » déclara, rayonnant, le couple, quand j’ai demandé pourquoi ils étaient venus à la conférence.

Dans une atmosphère surchauffée et parfois proche de celle du cirque, toute l’assistance partageait deux préoccupations principales : les élections présidentielles américaines de 2008 et la confrontation avec l’Iran. Et la conférence de cette année a connu un record d’assistance : plus de 6.000 personnes, venant de tous les états du pays et dépassant en nombre les participants de l’année dernière qui étaient environ 5.000.

Bon nombre d’entre eux étaient des juifs américains, naturellement, mais la communauté chrétienne évangélique a également fait une forte apparition. Quant à ceux qui ont un pressentiment apocalyptique au sujet de la crise du Moyen-Orient, le pasteur John Hagee était là pour les rassurer. Parmi les nombreux intervenants renommés de la conférence, Hagee a obtenu une des réceptions les plus enthousiastes.

« Le géant endormi du sionisme chrétien s’est réveillé ! » a proclamé Hagee, en prenant le microphone à la réception du dîner d’ouverture dimanche. La foule électrifiée, en majorité juive, criait d’enthousisasme, en martelant sur les tables. Hagee a continué en déclarant que les Nations Unies sont « un bordel politique » et affirmé qu’Israël ne doit jamais abandonner de territoires. Il était d’accord avec l’écrivain israélien Dore Gold sur le fait que l’octroi d’une partie de Jérusalem aux Palestiniens serait « comme la remettre aux Talibans. » Et, après blâmé le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad, il a amené la foule a chanter « Israël vit ! » les invitant « à le crier des sommets des montagnes ! » Pendant le discours de Hagee, un délégué de l’AIPAC assis près de moi m’a confié, « je vais voter pour lui au lieu de McCain. »

L’AIPAC, dont les publications précisent qu’elle est décrite par le New York Times comme l’« organisation la plus importante influençant les rapports de l’Amérique avec Israël, » a réellement réussi a établir des liens puissants avec les deux partis politiques des États-Unis.

La conférence de cette année a été suivie par tout le monde, du vice-président Dick Cheney à Hillary Clinton et Barack Obama (et d’autres compétiteurs présidentiels des élections de 2008), aussi bien que l’ancien directeur de la de CIA James Woolsey. Des leaders du Congrès étaient là, de même que de nombreux officiels du Département d’Etat et de la Maison Blanche.

Lundi matin, Cheney a été chaudement accueilli et a reçu des applaudissements soutenus pour ses discours a la tonalité familière, telle son affirmation que la « seule option » contre les terroristes est « l’offensive. » Bien des membres de l’AIPAC semblent en faveur de l’action militaire contre l’Iran - « Nous devons leur faire ce que nous avons fait à Saddam, » m’a dit un délégué - mais la direction de l’AIPAC demeurait étonnamment circonspecte à ce sujet.

Aucun des leaders de l’AIPAC n’a mentionné la guerre avec l’Iran dans les discours, les réceptions ou les discussions de groupe auxquels j’ai assisté, de même que fort peu le firent parmi les éminents orateurs invités. Ceci les a parfois mis en désaccord avec les délégués de base ; Marvin Feuer, le directeur pour les questions politiques et gouvernementales de l’AIPAC, a été attaqué oralement par un participant de la conférence lui reprochant d’être « faible » quand il a minimisé la valeur des options militaires contre l’Iran pendant une session de Questions Réponses.

Mais les leaders de l’AIPAC encouragent à un genre d’offensive différent contre l’Iran : un nouveau programme de sanctions beaucoup plus dures que toutes celles précédemment imposées par les Nations Unies. Le plan, qu’un membre du panel a appelé « une campagne tranquille » pour frapper l’Iran sur le champ de bataille financier, inclurait des pressions accrues sur les alliés étrangers qui font des affaires avec l’Iran, une vaste campagne américaine de désinvestissement, ainsi que d’autres mesures prévues pour créer une pression économique pénalisante sur la république islamique.

Sarah Steelman, la trésorière d’état du Missouri, décrit comment elle a travaillé pour limiter les investissements de l’état dans les compagnies qui font des affaires avec l’Iran, et inciter les membres de l’AIPAC a faire du lobbying auprès de leurs propres gouvernements d’état afin qu’ils adoptent des politiques semblables. Steven Perles, un avocat, a expliqué comment il était possible de paralyser les capitaux du gouvernement iranien et des institutions financières en engageant contre eux des procès pour financement de groupes terroristes.

L’ancien premier ministre israélien Benjamin Netanyahou recommande depuis un certain temps de tels efforts, et dans un briefing à huis clos tenu pendant la conférence il a déclaré qu’ils pourraient se révéler fatals a l’Iran : « De moins en moins de compagnies entreront en Iran. Elles partiront de plus en plus. Les dollars des investissements et la technologie qu’ils achètent se tariront. La base fondatrice d’un régime détesté sera détruite, son futur mis en danger. »

En plus des nombreux panélistes de la conférence, qui se sont souvent sentis au diapason du dynamisme des rassemblements, des délégués ont aussi assisté à des « laboratoires de lobbying, » où les membres de l’AIPAC les ont instruit sur la façon de persuader efficacement leurs représentants au Congrès de suivre les politiques de l’AIPAC. Ces sessions n’étaient pas ouvertes aux médias, ni même mentionnées sur le programme des événements distribué aux membres de la presse. Mais les leaders de l’AIPAC ont à plusieurs reprises invité des délégués à les rejoindre. Et mardi, l’organisation a déployé son armée de lobbyistes pour oeuvrer en faveur de nouvelles sanctions contre l’Iran, qui sont contenues dans une nouvelle proposition de loi appelée l’acte de Contre-Prolifération de l’Iran [Iran Counter-Proliferation Act], présentée par le Démocrate Tom Lantos et la Républicaine Ileana ROS-Lehtinen, qui sont les plus hauts membres du House Committee on Foreign Affairs.

Quand les milliers de lobbyistes se sont rendus au Congrès, ils ont été salués par presque chaque sénateur des États-Unis et plus de la moitié des membres de la chambre des représentants [House of Representatives] - approximativement 500 réunions ont été tenues entre les représentants de l’AIPAC et les membres du congrès, seulement pour la journée de mardi. En plus des pressions en faveur du plan des sanctions, le but était d’exhiber la force de l’AIPAC et d’établir plus de liens pour les futures communications et lobbying.

Les activistes de l’AIPAC étaient aidés dans leur mission par certains membres mêmes du Congrès, qui les ont conseillé sur la manière d’atteindre leurs collègues. « Notre engagement envers Israël nous définit comme nation, » a affirmé le républicain Norm Coleman du Minnesota, un membre du Comité des relations étrangères du sénat, ajoutant que les lobbyistes de l’AIPAC « aident à s’assurer que nous n’oublions pas. »

Nita Lowey, une élue Démocrate de New York, a indiqué que la meilleure stratégie pour atteindre ce but était de continuer à préciser aux législateurs que le rapport avec Israël « est dans l’intérêt des États-Unis. »

« Je ne m’assieds pas derrière mon bureau a attendre, » déclare Coleman, soulignant qu’il a souvent consulté le directeur exécutif de l’AIPAC Howard Kohr pour des conseils politiques. Barbara Mikulski, une démocrate du Maryland, indique, qu’elle aussi, a souvent parlé à Kohr et à d’autres leaders de l’AIPAC. « Ce sont comme des appels téléphoniques quotidiens, » a-t-elle dit, pendant que d’autres membres démocratiques et républicains du congrès approuvaient d’un hochement de tête.

Les démonstrations de soutien bipartisanes étaient légions pendant cette conférence. Même si les démocrates et les républicains se querellent sur toute autre question, les leaders de l’AIPAC ont semblé constamment désireux de souligner qu’une chose sur laquelle les partis peuvent s’accorder, c’est un dévouement ferme envers Israël. Par exemple Mardi matin, juste avant que les activistes de l’AIPAC se préparent a descendre sur le Capitol Hill avec leurs sujets de discussions en mains, le Président Démocrate de la Chambre Nancy Pelosi et le Leader républicain John Boehner se sont adressés aux délégués, les assurant d’un engagement dévoué en faveur de la sécurité d’Israël. À un certain moment, quand Pelosi a saisi l’occasion de critiquer le plan de renforcement de l’administration Bush, elle a été huée par certains des délégués rassemblés. Alors que Boehner a obtenu une ovation debout, après avoir dit, « qui ne croit pas qu’un échec en Irak serait une menace directe pour l’état d’Israël ? Les conséquences d’un échec en Irak sont si sinistres pour les Etats-Unis que vous ne pouvez même pas commencer a y penser. »

Le dîner de gala de clôture, dans la soirée du lundi, a eu pour participants la crème du who’s who de Washington. À cet événement, les dirigeants de l’AIPAC - accompagnés par une musique adaptée pour un film de super héros de Hollywood - ont lu avec enthousiasme la liste des participants - qu’ils ont qualifiée de « rouleau de l’appel » [1]. Cela a pris 13 minutes et incluait la majeure partie du Congrès, des officiels de haut rang de la Maison Blanche, du Département d’Etat et du Conseil de Sécurité Nationale. Pendant ce temps, le premier ministre israélien Ehoud Olmert - s’adressant à la foule par téléconférence a partir de Jérusalem - est entré dans le débat américain sur l’Irak d’une manière que le leadership israélien avait évité jusqu’ici. Il a ouvertement invité les délégués de l’AIPAC à pousser le congrès à soutenir la stratégie actuelle de l’administration Bush en Irak. Dans les jours qui ont suivi, Olmert a été vivement critiqué par la presse israélienne et d’autres membres de son propre gouvernement. (Nombreux sont ceux qui en Israël croient qu’il est inadéquat pour le chef de l’Etat d’essayer d’influencer ouvertement un débat américain.)

Une grande partie des discussions concernait le fait de savoir qui allait occuper prochainement le bureau ovale. Avant et après le dîner, les candidats présidentiels et leurs collègues du congrès plaisantaient avec les délégués de l’AIPAC. Circulant parmi la foule, Joe Biden s’est assuré que sa présence soit enregistrée. « Bonjour, je suis Joe Biden ! » a-t-il dit à plusieurs reprises, ajoutant plusieurs fois, « je fréquente l’AIPAC depuis des années ! »

Quand un journaliste européen a vu la foule autour de Biden, il a accouru vers eux, demandant, « est ce Hillary ? » Quelques moments plus tard, il est réapparu semblant déçu. « Non, » m’a-t-il dit, le plus sérieusement du monde, « je ne sais pas qui c’est, mais je pense que ce pourrait être Charlton Heston. »

Après le dîner, Clinton et Obama se sont exprimés chacun de leur coté au centre de conférence - dans des salles distantes d’environ 25 mètres - tous deux très désireux de mettre en avant leurs lettres de créances pro-israéliennes. Des discussions s’en sont suivies sur le choix à faire. « Je ne peux pas décider, » a dit un délégué de l’AIPAC. « Je voudrais vraiment voir Obama en tant que personne, mais Hillary est meilleure pour Israël. »

Environ 1.000 personnes ont assisté au discours d’Obama, mais l’assistance de Clinton était si nombreuse qu’elle débordait dans le vestibule.

Dans leur souci de maintenir leur image bipartisane, les membres de la direction de l’AIPAC sont restés fermement à l’écart du débat en pensant aux futures élections de 2008. En apparence, au moins, ils donnent l’impression que tous les candidats seraient aussi bons pour les intérêts d’Israël. Quand je me suis renseigné au sujet de Barack Obama et sur la question souvent soulevée de son inexpérience en matière de politique étrangère, le porte-parole de l’AIPAC, Josh Block, a rapidement rejeté cette objection, disant qu’Obama « passe une grande partie de son temps au Sénat. » Il y avait, cependant, certains membres de la conférence qui s’étaient donné pour mission de s’assurer que d’autres délégués savaient qu’Obama avait récemment déclaré que « personne ne souffre davantage que les palestiniens » lors d’un voyage récent dans l’Iowa - une déclaration qui a provoqué l’irritation de certain délégués de l’AIPAC.

On ne pouvait cependant qu’être frappé, par l’état d’esprit qui régnait à cette conférence en ce qui concerne l’administration encore au pouvoir. Pendant la cérémonie d’ouverture, les grands écrans vidéos derrière l’estrade ont projeté une série de diapositives retraçant la chronologique des présidents américains et des premiers ministres israéliens qui étaient leurs contemporains. Quand la projection en est arrivée à George W. Bush, la salle a éclaté en applaudissements - bien plus d’applaudissements que la foule n’en avait donné pour Reagan, Kennedy ou même Truman. Et quand Cheney est apparu la première fois sur la scène lundi matin, la foule s’est immédiatement levée et a rempli la salle d’applaudissements sonores, qui ont continué par intermittence lors de son discours, belliciste comme prévu.

Cela contrastait remarquablement avec les mauvais résultats actuels des sondages d’opinion publique concernant Bush et Cheney. Comme un délégué se tenant a mes cotés l’a dit pendant le discours du vice-président, « ceci doit être la dernière fois qu’une foule le salue de cette façon. »


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Gregory Levey - Salon. com, le 16 mars 2007 : Inside America’s powerful Israel lobby
Traduit de l’anglais par Karim Loubnani, Contre Info


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