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Libye : le moment n’est pas encore venu de parader

mercredi 24 août 2011 - 07h:32

Ali Younes - Palestine Chronicle

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Dans leur avance furtive et coordonnée vers la capitale libyenne de Tripoli, dimanche dernier, les rebelles libyens ont transformé leur soulèvement, datant de 8 mois, d’une guerre indécise de faible intensité en la possibilité d’une victoire imminente sur le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.

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Centre de Tripoli, 23 août - Photo : Reuters

Mais selon les rapports des agences, il est encore trop tôt pour que les rebelles puissent revendiquer un contrôle complet de la capitale et organiser des défilés et des rassemblements de victoire dans les rues de Tripoli. Au milieu du chaos et la confusion largement répandus qui ont suivi après qu’ils aient convergé sur la capitale dimanche dernier, il est très difficile de savoir qui contrôle la capitale. Il est en effet peu probable pour l’instant que Kadhafi et ses fils abandonnent le pouvoir et cesse la lutte.

Ce qui a permis à Kadhafi de survivre jusqu’ici et, éventuellement, lui permettra de faire durer ce combat dans les mois à venir est la nature hétéroclite de l’armée des rebelles, manquant d’expérience militaire et commandée par des responsables manquants d’expérience. Les capacités des rebelles au combat ont été assez désastreuses, malgré une rapide perfusion de formations pour leurs combattants par des forces spéciales de l’OTAN et des Etats-Unis dans les derniers mois.

Un Etat invertébré

Mais ce n’est pas de leur responsabilité. Les 40 ans de règne de Kadhafi ont transformé la Libye en un Etat où une constitution et des lois existaient, en un Etat invertébré n’existant que dans la fiction et non pas dans la réalité.

L’Etat de Kadhafi était veule, sans institutions, sans lois et sans responsables civils ni réels dirigeants politiques, sauf Kadhafi et ses fils. La confusion des rebelles et leur manque d’expérience étaient évidents lorsque leurs dirigeants ont annoncé avoir pris le contrôle d’une grande partie de la capitale et avoir fait prisonniers trois des fils de Kadhafi, pour découvrir seulement 2 jours plus tard que cette allégation était fausse.

Saif al-Islam Kadhafi s’est montré dans les rues de Tripoli lundi soir dans un acte de défiance, voulu plus pour embarrasser les dirigeants rebelles que pour démontrer une véritable force des partisans de Kadhafi.

En conséquence, les dirigeants rebelles en ont été réduits à compter sur le soutien militaire de l’OTAN pour pouvoir continuer à lutter contre les forces de Kadhafi, mieux équipées et mieux entraînées et pouvoir éviter que les territoires durement gagnés ne retombent aux mains des forces de Kadhafi. Les relations des rebelles avec l’OTAN et d’autres gouvernements occidentaux, cependant, sont celles d’une dépendance complète sans laquelle les rebelles n’auraient aucun espoir de chasser Kadhafi du pouvoir.

Le pétrole, toujours le pétrole...

Pour l’OTAN et les puissances occidentales, la vraie question n’est pas celle de la démocratie ou celle de la liberté du peuple libyen. Jusqu’à l’an dernier, les pays occidentaux accueillaient Kadhafi les bras ouverts dans leurs capitales. Le premier ministre italien Silvio Berlusconi, dont la vraie motivation était liée aux contrats pétroliers avec la Libye, traitait personnellement Kadhafi comme son cousin bien-aimé en lui accordant un traitement somptueux digne d’un empereur romain ressuscité.

Le président français Sarkozy a trempé sa main dans la tirelire inépuisable et généreuse de Kadhafi afin de financer sa campagne présidentielle. Même le populaire Premier ministre turc, Recep Tayyib Erdogan, dont la popularité s’étend dans de larges secteurs du monde arabe, ne fut pas très différent de ses voisins européens en maintenant des liens étroits et intimes avec Kadhafi. Tous ces dirigeants ont été prompts à sauter à l’eau après avoir compris que le navire Kadhafi commençait à couler.

Les nouveaux dirigeants libyens, cependant, n’ont pas d’autre choix que de se sentir redevables devant les puissances de l’OTAN et de l’Occident qui les ont aidés à arriver là où ils sont aujourd’hui.

Parmi ces dirigeants, nombre d’entre eux sont véritablement des patriotes libyens ; ils comprennent très bien que l’Occident n’aime que le pétrole libyen, et pas le peuple libyen, mais ils ont aussi le sentiment que l’OTAN est le seul instrument dont ils disposent pour réparer les dégâts que Kadhafi a produits dans leur pays depuis plus de 40 ans. Il est important pour les nouveaux dirigeants libyens d’éviter de trop s’illusionner sur l’OTAN et les puissances occidentales car ils pourraient se retrouver dans la position où se trouvait Kadhafi qui leur avait trop fait confiance et avait dépensé des milliards - de l’argent du peuple libyen - pour leur bénéfice.

Il est également important de tirer les leçons de l’Irak où les dirigeants actuels - mis en place par les troupes américaines après que celles-ci aient chassé Saddam Hussein du pouvoir - finissent par ressembler à Saddam Hussein, à quelques nuances près, par leurs échecs, leur brutalité et leur corruption.

Une Libye régie par la règle de droit ?

Mais l’avenir de la Libye dépendra probablement des actions engagées par les nouveaux dirigeants. Plusieurs nouveaux dirigeants libyens ont déclaré à Al Arabiya que la nouvelle Libye sera une démocratie et sera régie par la règle de droit. Cela est rassurant, et il est également important de savoir que l’issue de la révolte libyenne, quelle qu’elle soit, aura un effet et un impact moral considérable dans le monde arabe, en particulier en Syrie et au Yémen où deux autres Kadhafi sont en guerre contre leurs citoyens pour maintenir leur domination et celle de leurs familles.

* Ali Younes est un écrivain et un analyste politique basé à Washington DC. Il peut être contacté à : aliyounes98_AT_gmail.com.

23 août 2011 - Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinechronicle.com/
Traduction : Nazem


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