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Les Palestiniens vont bientôt boucler la boucle

mardi 9 août 2011 - 14h:38

Sam Bahour

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De nombreuses années ont été gaspillées à faire des concessions aux colonisateurs. Les Palestiniens ont eu raison d’appeler à la création d’un Etat laïc dès le début.

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L’ancien diplomate palestinien Afif Safieh a déclaré que les Palestiniens étaient « déraisonnablement raisonnables » au début des années 70.

Le Mouvement de Libération Nationale palestinien n’a pas atteint son but. Le leader palestinien - comme s’il y avait encore un leader palestinien aujourd’hui - se prépare à remettre au goût du jour la question d’un Etat palestinien aux Nations-Unies en septembre. Dans les semaines et les mois qui viennent, nous assisterons à une énième tentative désespérée pour obtenir de la communauté internationale qu’elle assume ses responsabilités et qu’elle garantisse la création d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967.

Les raisons de cet échec sont multiples. Avant tout, la Naqba issue de la création de l’Etat d’Israël n’a jamais vraiment quitté les esprits. La moitié de la population palestinienne de l’époque avait dû fuir les territoires.

Ceux qui ont refusé de fuir sont aujourd’hui citoyens israéliens - une citoyenneté qu’ils n’avaient pas demandée, mais qu’on leur a imposée - et ils représentent aujourd’hui plus d’1,2 million d’âmes, musulmanes et chrétiennes.

Et comme si la dépossession forcée de plus de 78% de leur territoire ne suffisait pas, les militaires israéliens occupent les morceaux de Palestine restants, seul héritage de 1967. Israël avait planifié cette occupation bien avant la guerre. L’occupation militaire est, par définition, une solution temporaire pour résoudre des problèmes entre Etats - alors que tous ont accepté de considérer la présence israélienne en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et à Jérusalem-Est toujours aussi temporaire 44 ans après.

La réalité se décrit en fait plus précisément comme un crime d’apartheid que par une occupation militaire.

Ayant débuté à l’aube des années 1970, les Palestiniens sont devenus, comme l’a dit l’ancien diplomate palestinien Afif Safieh, « déraisonnablement raisonnables » au point qu’année après année, les dirigeants palestiniens ont consenti concession sur concession, essayant d’atteindre une résolution équitable à leur dépossession et à l’occupation militaire.

On assiste apparemment à une série de concessions sans fin avec comme apogée ce qu’on appelle les accords de paix d’Oslo en 1993. Ces accords étaient issus de négociations profondément inégales entre l’OLP et Israël, qui visaient à amener les parties à trouver un « accord sur le statut final » dans un délai de cinq ans.

Les accords d’Oslo ont tout bonnement entériné le principe de l’occupation militaire et ont codifié l’incroyable déséquilibre entre la force occupante (Israël) et le peuple occupé (les Palestiniens). Les accords ont échoué lamentablement et à plusieurs reprises. Non seulement l’accord final n’a jamais vu le jour, mais les Palestiniens sont aujourd’hui plus que jamais favorables à une solution à deux Etats. Aucune des conditions avancées par Barack Obama et Benjamin Netanyahu pour relancer des négociations sur les frontières n’est acceptable. Les tergiversations du passé n’avaient engendré que des dommages irréparables sur le terrain, invitant à la capitulation palestinienne plutôt qu’à une reprise des négociations.

Après avoir lutté pour relancer le processus de négociation après deux décennies, les Palestiniens n’ont plus foi, ni en ce processus, ni en les organisations chargées de le superviser : le Quartet pour ne pas nommer les Etats-Unis, la Russie, l’Union Européenne et les Nations Unies. Pendant toute la période de ce processus, Israël a confisqué toujours plus de terres, construit toujours plus de bâtiments destinés aux colons, et est responsable de toujours plus de morts et de destructions.

N’importe quel observateur honnête arriverait à la conclusion qu’Israël n’a aucune intention de permettre aux Palestiniens de créer un Etat sur ces terres, seule solution viable à la résolution de la crise. Mêmes les puissances telles que les Etats-Unis ou l’Union Européenne n’ont engagé aucune action sérieuse pour mettre fin à ce conflit sur la base du droit international. L’excès de diplomatie a desservi les Palestiniens, leur laissant toujours moins de terres et d’eau potable, les laissant toujours plus désunis, toujours plus pauvres, avec un espoir toujours aussi fané.

Le drame vers lequel nous nous dirigeons en septembre tourne autour d’une équation simple. Ceux qui se prétendent être des leaders palestiniens n’ont plus aucun moyen de justifier leur présence dans les négociations avec la puissance occupante. Aussi prétextent-ils ce qu’ils décrivent comme une démarche stratégique pour effectuer une demande d’adhésion de l’Etat palestinien à l’ONU.

L’objectif politique sous-jacent qu’ils tentent de rétablir est que la résolution de ce conflit tend probablement vers la solution à deux Etats, Israël et la Palestine, basée sur la résolution 181 de l’Assemblée Générale des Nations Unies, qui a divisé la Palestine en 1947 (Ndlr. illégalement, pourrais-je ajouter).
On peut accorder à ce mouvement un 20/20 pour l’effort bien qu’il soit voué à l’échec, même si la Palestine était admise à l’ONU cette année, dans cinq ans ou même jamais. Les réalités du terrain ont drastiquement changé depuis 1947. Israël, grâce au soutien aveugle des Etats-Unis, est parvenu à retirer la solution à deux Etats des alternatives.

Les nouveaux dirigeants palestiniens, ceux que les négociateurs israéliens n’ont pas encore rencontrés, voient les choses différemment et refusent de croire qu’Israël désire vivre en paix quand les faits montrent le contraire depuis 64 ans. Ces nouveaux dirigeants palestiniens jugent l’Etat hébreu pour ce qu’il est : un Etat colonialiste, un mouvement d’apartheid puisant ses idées dans le racialisme, une idéologie exclusiviste qui refuse de permettre la création d’un Etat entre la Méditerranée et le Jourdain, sans parler du refus exprimé aux Palestiniens de les laisser rentrer chez eux et de les indemniser pour ce qu’ils ont subi, comme cela a été stipulé comme condition à l’admission d’Israël comme Etat membre de l’ONU le 11 mai 1949.

Une fois que le mouvement d’adhésion de la Palestine à l’ONU sera lancé, ce modèle prendra racine, et c’est ce que craint Israël car cela admet implicitement que Palestiniens et Israéliens sont égaux, co-citoyens, partenaires. Ces nouveaux dirigeants verront les Palestiniens abandonner l’envie d’un Etat indépendant dans une portion de la Palestine historique. Au lieu de ça, ils souhaiteront faire partie d’une structure politique représentative, défendant leur désir d’autodétermination dans leurs territoires historiques, même si ce pays est aujourd’hui appelé Israël.

Les Palestiniens vont bientôt boucler la boucle. Ils ont douloureusement souhaité un Etat laïc et démocratique à l’issue du conflit. Ils ont tristement perdu un temps précieux et des vies humaines en essayant d’accepter les conditions injustes pour une résolution du conflit.

En l’état actuel, plus tôt Palestiniens et Israéliens comprendront que leur destinée est de coexister et d’être égaux, plus tôt ils pourront réhabiliter leurs communautés et construire une société unique dont les citoyens seront égaux devant la loi et égaux en tant qu’êtres humains.

* Sam Bahour est un consultant américano-palestinien dans le monde des affaires et, jusqu’à récemment, conseiller à l’Université de Birzeit et l’Association Dalia. Il exerce actuellement les fonctions de directeur à la Banque arabe islamique. Son blog : //http://epalestine.blogspot.com

4 août 2011 - The Guardian - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.guardian.co.uk/commentis...
Traduction : Yazid Slaim


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