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L’Iran se bat contre la prolifération nucléaire

mardi 12 juillet 2011 - 03h:01

Kaveh L. Afrasiabi - Asia Times

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La deuxième conférence internationale sur le désarmement nucléaire, accueillie par Téhéran, n’a pratiquement pas été mentionnée dans les médias occidentaux, malgré [la participation] de délégués représentant 40 pays, ainsi que de représentants des Nations-Unies et de son chien de garde nucléaire, l’Agence Internationale à l’Energie Atomique (AIEA).

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Mahmoud Ahmadinejad, le président iranien

« Le message que nous voulons faire passer au monde entier est que l’Iran essaye de faire de son mieux dans ce débat sur la non-prolifération », a déclaré le ministre iranien des affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, dans son discours d’ouverture, dimanche dernier.

Quarante ans de conventions sur la non-prolifération n’ont produit aucun progrès dans le désarmement nucléaire et les puissances nucléaires n’ont pas mis en application leur obligation en vertu du Traité de Non-Prolifération (TNP), a-t-il dit, ajoutant que l’Iran était convaincu que l’utilisation des armes atomiques devrait être légalement interdite, alors que les armes chimiques et biologiques sont frappées de conventions obligatoires, a-t-il dit.

Tandis que l’Iran se prépare à assumer la direction du Mouvement des Non-Alignés (MNA), l’année prochaine, une telle initiative représente un pas dans la bonne direction, à la lumière des fortes craintes des pays du MNA quant au double langage des pays occidentaux et les restrictions croissantes sur le transfert de technologie nucléaire pour des objectifs pacifiques, conformément aux articles du TNP.

Comme prévu, certains experts occidentaux, comme David Frum, l’homme derrière le discours tristement célèbre de George W. Bush sur « l’axe du mal », lance un regard cynique sur la conférence de désarmement de Téhéran, la décrivant comme un « théâtre de l’absurde ».

Ce qui semble plus absurde à beaucoup est le simple fait qu’avec les dizaines de milliers de têtes nucléaires toujours existantes qui présentent un potentiel funeste pour l’existence humaine et la survie de la planète, aussi peu d’attention ait été portée à l’Ouest sur les mécanismes pratiques en vue d’atteindre l’objectif noble d’un « monde sans armes nucléaires ».

Des discussions préalables à cette conférence pour adopter une nouvelle convention sur le désarmement ne se sont pas matérialisées. Pourtant, cette réunion a aidé à servir un but dans ce que Salehi a dépeint comme entretenir une « culture populaire de désarmement ». Cette conférence représente un plus grand pas que les conférences traditionnelles sur le désarmement à l’Ouest, qui n’ont été que des parlottes creuses ; par exemple, sur un traité de réduction des matière fissiles qui n’est pas plus près d’être adopté aujourd’hui que lorsqu’il a été mis à l’ordre du jour il y a plus de vingt ans.

Un problème majeur pour se tourner vers le désarmement, ainsi que cela a été formulé dans les « 13 étapes pratiques » de la conférence de révision du TNP, est que de telles mesures pratiques sont tuées dans l’ ?uf par les mesures parallèles sur le contrôle des armements, qui sont souvent mal comprises comme un désarmement progressif.

Elles ne le sont pas, comme cela est reflété dans le dernier accord « new start » entre la Russie et les Etats-Unis. Tandis que cet accord réduit les stocks actifs des deux pays, il stabilise en même temps la parité approximative en termes de capacité d’armes nucléaires et, qui plus est, laisse les armes nucléaires tactiques - dont des centaines sont stationnées sur le sol européen - hors du champ.

Cet accord n’appelle pas non plus spécifiquement à la destruction d’une seule tête nucléaire. A la place, de tels accords sur le contrôle des armements ont simplement élargi le « deuxième niveau » de stock des têtes désarmées qui posent toujours une menace à l’humanité.

Se focalisant sur la doctrine nucléaire erronée des Etats-Unis et des autres puissances nucléaires, comme la France et le Royaume-Uni, qui comptent sur leurs arsenaux nucléaires pour exercer une puissance forte en rapport à leurs objectifs de politique étrangère, la conférence de Téhéran a donné aux hôtes iraniens l’occasion de jeter la lumière sur l’arsenal nucléaire clandestin d’Israël, son refus de rejoindre le TNP et son absence de soutien à une zone dépourvue d’armes nucléaires au Proche-Orient - une idée soutenue intégralement par l’Iran.

La communauté internationale devrait pousser Israël à rejoindre le TNP et à accepter les inspections de l’AIEA sur ses installations nucléaires, a dit Salehi. Il a aussi décrit les Etats-Unis comme le principal violateur du TNP, disant que son rôle actif dans la propagation d’armes nucléaires était surprenant avec sa défense de la non-prolifération.

Ces remarques ont été suivies, mercredi dernier, avec l’information que le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad avait une fois encore exprimé sa volonté d’engager le débat sur le programme nucléaire de Téhéran.

« Le président de la République Islamique d’Iran a une fois encore annoncé que l’Iran était prêt à [résoudre] la question nucléaire du pays au travers de négociations avec le « Groupe des six » [les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité plus l’Allemagne] », a-t-il déclaré à des journalistes à Téhéran. Il a aussi réitéré : « L’Iran a toujours eu une très bonne coopération avec l’Agence [internationale à l’énergie atomique] » et que cela prouvait la nature « pacifique » de son programme nucléaire.

Coïncidant avec des rapports fraîchement sortis aux Etats-Unis concernant l’absence de toute preuve que l’Iran est en train de construire des armes nucléaires, la conférence de Téhéran était importante pour intégrer un peu plus l’Iran dans le mouvement mondial sur le désarmement, en tandem avec l’intuition presciente du philosophe français, aujourd’hui décédé, Michel Foucault, qui décrivait autrefois la révolution islamique de 1979 comme destinée à « soulever le poids de l’ordre du monde entier ».[1]

L’intuition exceptionnelle de Foucault, qui reste encore à être comprise par la majorité des « experts sur l’Iran » à l’Ouest, lesquels écrivent habituellement sur « l’Iran après qu’il possèdera la bombe », fournit un bon prisme à travers lequel analyser la responsabilité que l’Iran s’est auto-imposé sur le désarmement. La révolution historique a donné à l’Etat post-révolutionnaire un caractère transnational et de « quasi-Etat » qui est profondément cosmopolite le long des lignes d’un « monde » husserlien [2] « révélant la subjectivité ».

Suivant ces lignes de pensée, on peut comprendre les contours de la politique nucléaire « borderline » de l’Iran, qui permet à Téhéran de s’insérer dans le « jeu nucléaire » mondial et, ainsi, exercer une pression sur les nations nucléarisées pour qu’elles se tournent vers le désarmement et qu’elles évitent les activités de prolifération. Cette politique provient essentiellement d’une vision mondialiste qui combine les considérations strictement nationales de sécurité à l’intérieur d’un réseau plus large de sécurité régionale et mondiale, qui, à son tour, autorise l’Iran à adopter un rôle nucléaire activiste.

Sans sa capacité potentielle d’être une puissance proto-nucléaire, l’Iran ne pourrait visiblement pas jouer ce rôle sur la scène mondiale et serait autrement ignoré, comme étant totalement hors sujet. Autrement dit, la valeur changeante, pour les objectifs de désarmement, du potentiel et/ou menace nucléaire latente de l’Iran a complètement dépassé les experts occidentaux qui se spécialisent sur l’Iran et qui réduisent souvent les ambitions nucléaires de l’Iran à une simple question de sécurité nationale. Leurs interprétations erronées proviennent d’une incompréhension basique des motivations mondialistes du « quasi-Etat » iranien qui ne sont pas réductibles au prisme étroit des intérêts nationaux.

Du point de vue du MNA et de sa priorité en matière de désarmement, l’approche « borderline » de l’Iran est parfaitement sensée, étant donné sa conscience des fils complexes qui relient la contre-prolifération au désarmement et l’échec plutôt flagrant du TNP à atteindre un progrès significatif sur le désarmement, comme il est stipulé dans son Article VI.

La conférence de Téhéran sur le désarmement reflète une mesure heureuse dans le jeu d’échec nucléaire iranien en cours, qui est naturellement lié à la mission mondialisée de l’Iran consistant à jouer de plus en plus un rôle proactif dans le mouvement mondial sur le désarmement, sans tenir compte des pressions extérieures s’affrontant à son programme nucléaire.

Dans le temps, [une telle conférence] ne peut que représenter une entrave effective, bien que secondaire, aux activités de prolifération des pays qui possèdent des armes nucléaires, reflétant ainsi une disposition vertueuse en tant que puissance régionale cosmopolite qui excède les limites que les puissances majeures lui ont assignées. Ces puissances ont peut-être lancé un piège de sanctions contre l’Iran, à propos des intentions sinistres supposées de son programme nucléaire, mais l’ironie est que l’Iran est à présent capable de jouer un rôle de plus en plus bruyant pour empêcher ces puissances de fuir leurs responsabilités vis-à-vis de leur obligations de désarmer en vertu du TNP.

Notes :

[1] On lira avec intérêt : ”Foucault et la révolution iranienne".

[2] Edmund Husserl (8 avril 1859 - 26 avril 1938), philosophe, logicien et mathématicien allemand, fondateur de la phénoménologie, qui eut une influence majeure sur l’ensemble de la philosophie du XXe siècle.

17 juin 2011 - Asia Times Online - Vous pouvez consulter cet article à :
http://atimes.com/atimes/Middle_Eas...
Traduction JFG-QuestionsCritiques


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