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Mon journal de prison

samedi 23 avril 2011 - 09h:33

Rana Baker

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Je me tortillais en bredouillant quelques mots.

Ma mère, terrorisée, a fait irruption dans ma petite chambre et répétait les supplications que les femmes du village utilisent généralement pour apitoyer les soldats. Et pourtant, ils la terrorisaient encore davantage.

Ils m’ont frappé sur les jambes avec la crosse de leurs fusils jusqu’à ce que je m’effondre. Ils m’ont obligé à me traîner dehors, contusionné ; j’ai dû me ranger contre un des vieux murs de ma maison. J’avais les mains en l’air et ils ont cogné ma tête à plusieurs reprises contre le mur de brique pour s’assurer que je n’avais pas de bombes dans la tête. Ils ont fouillé mon pantalon et mes sous-vêtements pour le cas où j’y aurais caché des armes, là aussi.
Ma vieille mère voyait son fils subir ce type d’humiliation devant les « témoins » de notre voisinage ; mon visage saignait et elle se mit à implorer désespérément les soldats pour qu’ils s’en aillent en leur montrant mes livres de classe « pacifiques » qui « ne feraient pas de mal à une mouche ». Hélas, cela ne servit à rien.

Je n’étais pas le seul à avoir été sélectionné. Avec moi, Omar, mon ami d’enfance, et sept autres habitants de la même venelle dans laquelle j’ai grandi, nous avons tous étés emmenés, Dieu sait où. « Vous le saurez quand vous arriverez » répondait le soldat chaque fois que nous essayions de savoir ce qui allait nous arriver. Menottés, obligés de nous taire, les yeux bandés et entourés de gens armés, on nous a flanqués dans une jeep militaire et on nous a emmenés ailleurs, vers un lieu que « l’État d’Israël juge approprié pour des chiens gênants comme vous ».

Silence. Une voix sévère avec un accent étranger, un moteur rugissant et le silence. Je suis tombé endormi.

Un cri terrible m’a réveillé, suivi par une détonation et puis une autre. On nous a rudement expliqué ce qui s’était passé. « Que cela vous serve de leçon, ordures palestiniennes. C’est le sort que vous connaîtrez si vous essayez de vous évader ; on vous abattra et on vous jettera à nos chiens affamés » a fait un des soldats.

Je ne me rendais compte de rien. Je sentais une jambe collée à la mienne ; ce pouvait être celle d’un camarade ou peut-être d’un soldat israélien. Je me hasardais parfois à demander l’heure, et combien de temps s’était écoulé, mais qu’est-ce que cela pouvait changer ? Il faisait noir de toute façon.

Quelques heures ou quelques minutes plus tard, je ne sais pas trop, la jeep a ralenti et s’est finalement arrêtée. On nous a tirés pour nous faire descendre ; il y avait beaucoup de bruit et on parlait beaucoup l’hébreu. Je me souvenais de la sourate du Coran, celle qu’on m’a apprise à réciter dans les moments où la peur envahit nos c ?urs.

Une main m’a arraché le bandeau des yeux brutalement par derrière, m’écorchant la peau. Mes yeux brûlaient de douleur ; il faisait nuit. Un officier me braquait sa lampe torche dans les yeux. Et le drapeau israélien flottait au vent.

« Oh Omar ! » ai-je dit à mesure que je recouvrais la vue et je l’ai serré dans mes bras. Mais on nous a craché dessus et on nous a donné l’ordre de nous mettre dans les rangs comme les autres. « Les règles sont strictes et personne n’est au-dessus des règles, vous languirez dans nos prisons jusqu’à ce que vous méritiez d’être bien traités a expliqué l’officier.

On nous a forcés à marcher tout droit ; ceux qui résistaient étaient fouettés comme des animaux et je n’ai pas été épargné.

Le son de portes grinçantes retentit alors que nous descendions des escaliers. On nous a séparés et on nous a poussés dans des cellules ; sombres, puantes, un lit et pas de fenêtre si ce n’est l’ouverture dans la porte. Je me suis mis en boule et j’ai repensé au drapeau israélien battant dans le vent. J’étais dans « l’État d’Israël ».

Une lumière apparut. Celle du bourreau.

8 avril 2011 - Cet article peut être consulté ici :
http://ranabaker.wordpress.com/2011...
Traduction : Anne-Marie Goossens


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