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De la Syrie à Gaza

mardi 14 octobre 2014 - 22h:16

Lina Alsaafin

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La famille de Mohammad Farid Yousef a été retenue à l’aéroport du Caire depuis près d’un mois. Ils ont quitté la bande de Gaza à la suite de la récente agression israélienne de 51 jours l’été dernier, qui a tué plus de 2000 Palestiniens et en a blessé plus de 11000, tout en provoquant des destructions massives.

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Réfugiés syriens en Égypte

Depuis le début du soulèvement en Syrie en mars 2011, on estime que 191 000 personnes ont été tuées, dont plus de 2000 réfugiés palestiniens. Trois millions de personnes ont été déplacées, des camps de réfugiés ont essaimé dans les pays voisins de Jordanie, du Liban et de la Turquie. Une autre proportion de la population, soit 6,5 millions de personnes, sont déplacées à l’intérieur, ce qui signifie que la moitié de la population syrienne au total a fui ses maisons.

Avant l’éviction de l’ancien président égyptien Mohammad Al-Morsi, les Syriens et les Syriens Palestiniens pouvaient obtenir un visa à l’aéroport en Égypte, ce qui a encouragé un certain nombre d’entre eux à vouloir reconstruire leur vie là-bas jusqu’à ce que la Syrie soit à nouveau suffisamment sûre pour y retourner. Mais le coup d’État militaire du 30 juin, la xénophobie et l’incitation haineuse et croissante des médias mettent en danger la vie des Syriens et des Palestiniens qui y vivent, obligeant un grand nombre d’entre eux à fuir à nouveau ailleurs.

Mohammad et sa famille ont fui le camp de réfugiés de Yarmouk à Damas en 2013, puis ils sont arrivés à Gaza par le poste frontière de Rafah en avril de la même année après une brève escale en Égypte, où ils décidèrent qu’ils pourraient à tout le moins mener une vie plus digne dans l’enclave côtière.

« Nous n’avions nulle part où aller, » nous dit Mohammad, âgé de 29 ans. « Je suis venu en Égypte avec une relative facilité alors qu’elle était gouvernée par Morsi, mais l’attitude négative du peuple égyptien envers nous et la façon dont on nous exploitait nous a incité à repenser nos options. Nous avons constaté que nous n’avions nulle part où aller, sauf la bande de Gaza, d’autant plus que les voyages par bateau à partir d’Égypte pour demander l’asile en Europe n’existaient pas à ce moment-là. Ils ont commencé en mai, un mois après que nous nous soyons installés dans la bande de Gaza. »

La population des Palestiniens réfugiés en Syrie était d’environ 600 000. Maintenant, près de la moitié ont voulu échapper aux combats, à la recherche de la sécurité et de la stabilité, mais ils font face à de lourdes restrictions par les différents gouvernements arabes, comme le Liban qui a annoncé qu’il n’accordera plus de visa d’entrée aux Syriens palestiniens.

Selon Atef Alamawi, le directeur de la commission de suivi pour les réfugiés de Syrie à Gaza, plus de 350 familles syriennes palestiniennes ont fui vers la bande de Gaza. Ce sont des familles de réfugiés syriens et palestiniens en Syrie, certains d’entre eux étant originaires de la bande de Gaza mais ayant passé les dernières décennies en Syrie.

« Ce qui nous lie, c’est que nous sommes tous des réfugiés de guerre qui ont laissé derrière eux tous leurs biens », a déclaré Alamawi. Il a gagné la bande de Gaza avec sa famille après avoir fui le camp de Yarmouk il y a deux ans. « Nous sommes arrivés à Gaza à la recherche de la sécurité, de la stabilité et d’une vie décente parmi nos frères palestiniens, malgré le siège. En plus de ne pas avoir les moyens de commencer une nouvelle vie, la majorité d’entre nous n’a pas d’autre solution que Gaza, car les pays voisins ne nous acceptent pas. »

Le gouvernement du Hamas ont donné quelques avantages à ces familles, comme la suppression des frais de scolarité pour les étudiants dans les universités, le paiement du loyer pour ceux qui n’ont aucun moyen, et l’attribution de bourses d’État - le tout sans les exigences bureaucratiques de visas ou documents de résidence. Le Hamas a également employé une personne par famille. Pourtant, depuis la signature de l’accord d’unité avec le Fatah en avril 2014, les salaires (qui sont maintenant sous la responsabilité de l’Autorité palestinienne à Ramallah) n’ont pas été versés aux employés.

L’écrivain et poète Shafiq Taluli souligne que l’aide de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA) n’est pas au niveau requis. « Ils ne couvrent pas les loyers et donnent à la plupart des réfugiés des colis de vivres et une somme d’argent qui est à peine égale à 100 dollars pour chaque famille », a-t-il expliqué, « et ce n’est pas suffisant à cause du coût élevé de la vie ».

Un certain nombre de Syriens et de Syriens palestiniens ont quitté la bande de Gaza après la dernière attaque israélienne, que ce soit pour retourner en Syrie ou tenter d’aller en Europe par des bateaux de migrants, mais les raison du choix de la bande de Gaza comme première destination étaient variées. « Certains ont été encouragés par les membres de la famille déjà installés dans la bande de Gaza », a déclaré Taluli, « tandis que d’autres ont été abandonnés à leur sort et n’avaient pas d’autre endroit où aller. Et d’autres sont arrivés en estimant qu’ils revenaient dans ce qui est une parcelle de leur pays d’origine. »

Récemment, le gouvernement suédois a accepté d’accorder l’asile à la famille de Mohammad Yousef, et ils sont en attente de prendre l’avion à l’aéroport du Caire. Quand Mohammad a tenté de rejoindre sa famille au Caire, les autorités frontalières égyptiennes à Rafah l’ont humilié et lui ont tourné le dos, prolongeant ainsi sa séparation forcée.

Quatre-vingt pour cent de la population de Gaza est composée de réfugiés, et Mohammad saisit bien l’ironie de son sort, puisqu’il est devenu un réfugié en Palestine après avoir passé toute sa vie comme réfugié palestinien en Syrie.

« C’est un sentiment terrible de se retrouver réfugié à l’intérieur de son propre pays », a-t-il dit. « En Syrie, nous sommes Palestiniens et à Gaza, nous sommes appelés Syriens. Les amis ici enregistrent mon nom sur leurs téléphones portables en me nommant Mohammad Al-Soori (le Syrien). Mais Gaza reste mieux que le reste des pays de la région pour un simple raison : personne ne comprend votre douleur à l’exception de ceux qui l’ont vécue. »

Il termine actuellement ses études en communication à l’Université islamique de Gaza, mais il a une seule chose à l’esprit.

« Je veux immigrer, » dit-il. « Les gens de Gaza ont été chaleureux et accueillant avec nous. Ils nous traitent comme des anges tombés du ciel, mais je ne peux pas continuer à vivre ici parce que l’avenir est inconnu et je ne veux pas perdre encore plus que je ne l’ai déjà fait. Je sais que je ne vais pas mourir de faim ici, mais je ne peux pas continuer à vivre grâce à des aides alors que les possibilités d’emploi sont si rares. »

* Linah Alsaafin, diplômée de l’université de Birzeit en Cisjordanie, est née à Cardiff au pays de Galles et a été élevée en Angleterre, aux États-Unis et en Palestine. Jeune palestinienne , elle écrit pour plusieurs médias palestiniens et arabes - Twitter :@LinahAlsaafin

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11 octobre 2014 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
https://www.middleeastmonitor.com/a...
Traduction : Info-Palestine.eu


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