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L’art, formule de résistance pour les enfants de Gaza
jeudi 20 janvier 2011 - Mel Frykberg - E.I
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L’espoir exprimé par un enfant de Gaza

Du haut de ses 9 ans, Islam Mqat, originaire du quartier Al-Zarqa de Gaza City ainsi que 150 autres personnes, entre membres de sa famille, des amis et des voisins ont passé des semaines recroquevillés dans l’immeuble de la famille. Pendant tout ce temps, la construction avait été secouée et endommagée par les avions israéliens qui bombardaient et grondaient au dessus des têtes des civils pris au piège.

Retour en arrière, pour rappel, l’opération israélienne « Plomb Durci » qui a commencé en décembre 2008 pour prendre fin en janvier 2009 a causé la mort de plus de 1400 Palestiniens, majoritairement des civils et plus de 300 enfants.

De sa fenêtre, Islam et les proches enfermés avec elle ont pu témoigner des horreurs produites dehors, notamment les images d’individus morts et blessés. En effet, des centaines d’habitants du quartier Al-Zarqa avaient péri sous les bombardements aériens.

Les souvenirs et flashbacks hantent encore l’esprit d’Islam. Elle a déclaré à l’IPS : « Le bruit des avions qui planent dans le ciel me fait très peur. Je crains que les israéliens ne commencent à nous bombarder et j’ai peur de revoir des gens morts dans la rue ».

Toutefois, la petite et des milliers d’enfants de l’enclave côtière font preuve de résistance et osent rêver d’un lendemain meilleur ; un lendemain où Islam ambitionne à devenir médecin. Elle révèle : « Je veux devenir médecin pour pouvoir aider les gens et sauver leurs vies. Je rêve de vivre en paix. Dans ma tête, j’imagine la paix instaurée dans chaque coin de Gaza où tous les enfants jouent et étudient. Je peux également voir un zoo et de magnifiques parcs et cinémas ».

Et ces rêves, Islam les a traduits en dessins. Plusieurs enfants gazaouis participent à une exposition d’art organisée par Oxfam et grâce à laquelle, ils dessinent et dépeignent leurs rêves et décrivent leurs aspirations. Les dix meilleurs dessins seront reproduits et publiés sur une carte postale qui sera envoyée aux enfants et politiciens à l’étranger.

S’agissant du quartier Al-Zarqa, il convient de souligner que c’est l’un des quartiers les plus pauvres et les plus négligés de Gaza City où Islam vit avec ses parents et ses sept frères et s ?urs. Le quartier présente de sérieux problèmes et une menace constante à ses habitants, liés à l’absence et à la pénurie d’eau et d’infrastructures pour les eaux usées.

Dans une enquête d’Oxfam établie sur 200 foyers, 57% ont été rapportés vivant en dessous du seuil de la pauvreté puisqu’ils gagnent moins de 1.000 shekels par mois, soit $300 US.

Toujours selon le rapport, 38% des pères de famille sont au chômage, 61% des familles ont au moins un enfant souffrant d’une infection parasitaire, 59% atteint de maladies de la peau et 51% ayant souffert de diarrhée.
En dépit des dessins véhiculant l’espoir d’Islam, d’autres enfants dessinent des troubles de stress post-traumatique qui affectent beaucoup d’enfants de Gaza. En effet, Karl Schembri d’Oxfam a informé l’IPS que plusieurs d’entre eux ont dessiné des cadavres, des soldats, des avions et du sang.

Il faut reconnaitre que pendant la guerre, plus de la moitié des enfants gazaouis avaient vécu un évènement violent et effroyable : environ 25% ont perdu un être cher et 30% ont été forcés à s’installer ailleurs.

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Des enfants palestiniens jouent au milieu des ruines d’une école de Rafah, au sud de Gaza, le 7 janvier 2009 - Photo : Saïd Khatib/AFP

Dans cette perspective, à l’occasion de la tenue à Gaza d’une conférence du Programme de Gaza pour la santé mentale Gaza Community Mental Health Program Conferenc’ intitulée « Vingt mois après la guerre israélienne sur Gaza », Dr Jameel Tahrawi de l’Université Islamique de Gaza a conduit une étude qui a interrogé 445 enfants dans le nord de la Bande. Intitulée « Dessins des enfants palestiniens après la guerre sur Gaza », l’étude révèle que plus de 82% des enfants ont dessiné la guerre et les évènements y afférant. 56%, de peur que le dessin ne suffise pour faire parvenir le message escompté, préfèrent insérer des écrits pour mieux expliquer leurs pensées.

Mais l’espoir existe toujours. Dr Tahrawi a expliqué comment l’art-thérapie pourrait servir à ouvrir une porte sur un avenir meilleur et que, malgré le contenu macabre de la plupart des images et des dessins, cela aiderait les enfants à surmonter leur chagrin et à aller de l’avant.

« Les enfants - poursuit Dr Tahrawi - peuvent soulager leur stress en exprimant leur sentiments au lieu de les étouffer. Je ne peux cacher ma surprise en voyant les couleurs vives et gaies utilisées par certains enfants car je m’attendais à les voir utiliser des couleurs plutôt sombres comme le noir et le marron. Ces enfants donnent tout simplement la preuve de leur résilience à travers un arc-en-ciel de couleurs ».

Mais Dr Tahrawi dresse un autre constat où il déplore l’insuffisance de compétences en matière d’art-thérapie à Gaza car, si les enfants de Gaza jouissaient des mêmes chances et opportunités offertes aux autres enfants, ils pourront sans aucun doute surmonter l’histoire et les évènements tragiques de la Bande.

Par ailleurs, Dr Suhail Diab de l’Université Ouverte d’Al-Quds partage la même vision et reconnait que le fait d’assister les enfants à comprendre leurs expériences et les impliquer dans des activités positives comme le sport, la musique, l’écriture et l’art les aiderait à faire face à leurs expériences post-traumatiques.

Selon Medical Art therapy with Children (l’Art-thérapie médical avec les enfants), une étude réalisée par Cathy Malchiodi sur de jeunes patients, participer à un travail de création dans le milieu médical peut aider à reconstruire chez les jeunes patients le sens de l’espoir, l’estime de soi, l’autonomie et la compétence tout en offrant une expression sûre et contenue des sentiments.

L’exemple d’Islam n’est pas le seul dans le quartier Al-Zarqa. La petite Rahma Elesie, elle aussi âgée de 9 ans, est membre d’une fratrie de 15 éléments. Il est vrai qu’elle passe son temps libre à jouer sur son ordinateur ou avec ses amis, mais elle préfère dessiner et peindre.

Rahma fait part à l’IPS de ses rêves innocents et raconte : « Quand je peins je deviens très heureuse et je me sens très détendue. J’aime dessiner ce qui occupe mon imagination, notamment des familles heureuses faisant du pique-nique au bord de la mer. Je rêve aussi de pouvoir faire de la marche et cueillir de jolies fleurs ».

Du même auteur :

- Fouiller les décombres entraîne les Gazaouis vers la dangereuse « zone tampon » - 29 octobre 2010
- La discrimination israélienne éloigne les enfants palestiniens de l ’école - 28 septembre 2010
- Multiplication des dépôts de plainte contre les criminels de guerre israéliens - 3 novembre 2009
- La cassure entre la Turquie et Israël sert la Palestine - 18 octobre 2009
- Les manuels scolaires ne sont plus qu’un rêve - 30 septembre 2009

12 janvier 2011 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Niha