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Que va penser le monde arabe de ses dirigeants ?
vendredi 3 décembre 2010 - Lamis Andoni
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Le roi d’Arabie Saoudite - Les révélations de Wikileaks concernant l’étroite collaboration entre les dictatures monarchiques du Golf et l’impérialisme occidental ne sont pas vraiment un scoop... Juste une confirmation claire et nette de la profonde corruption de ces pilleurs de rente pétrolière.

Les câbles [diplomatiques] confidentiels envoyés par des diplomates américains dans la région et révélée par Wikileaks, mettent à nus des dirigeants arabes faibles et craintifs, qui dépendent de la protection américaine face à leurs craintes réelles et supposées d’un Iran pouvant potentiellement disposer d’armes nucléaires. Ils craigent également l’influence de l’Iran dans le monde arabe.

Bien que l’hostilité des dirigeants arabes envers l’Iran n’est pas un secret, les documents publiés par un certain nombre de journaux occidentaux montrent que certains gouvernements arabes semblent plus préoccupés par l’Iran que par Israël. Tandis qu’Israël est considéré comme un ennemi qui occupe des terres arabes et peut causer de l’instabilité dans la région, l’Iran est vu comme un pays qui pourrait mobiliser le monde arabe contre ses dirigeants [dictateurs - N.d.T].

Dans leurs conversations avec des responsables américains, les dirigeants arabes se réfèrent à l’Iran comme à « un serpent », « un démon » et « une pieuvre dont les tentacules ont besoin d’être coupées » - on peut présumer qu’ils sont beaucoup plus réservés dans leurs qualificatifs concernant Israël lorsqu’ils en parlent à des diplomates des États-Unis.

La mise en place des « émirats » iraniens

La crainte que l’Iran puisse attiser les dissensions internes et même créer des centres insurrections viennet de deux éléments : tout d’abord son rôle dans la lutte contre Israël, principalement à travers son soutien au Hezbollah [mouvement de la résistance libanaise] et le Hamas [mouvement de la résistance palestinienne], et d’autre part, son influence sur les communautés chiites dans certains Etats du Golfe.

Dans les documents divulgués plusieurs dirigeants arabes font part de leur doute et de leur manque de confiance en eux-mêmes car ils craignent que l’implication actuelle des États-Unis avec l’Iran ne parviennent pas à contenir « la menace iranienne » et ils exhortent les Etats-Unis à stopper l’Iran « à tout prix ». Le plus frappant est que certains responsables arabes semblent croire que le coût de la guerre contre l’Iran, en termes d’instabilité régionale, est inférieur au coût qu’ils auraient à payer, si l’Iran « n’est pas stoppé ».

« Bombardez l’Iran, ou vivez avec une bombe iranienne. Les sanctions, les carottes, les incitations ne seront d’aucun effet, » rapport un câble citant Zaid Al Rifai, le responsable du sénat jordanien et père de l’actuel Premier ministre jordanien. Bien que Rifai, toujours selon le document, estime qu’une frappe militaire aurait un « impact catastrophique sur la région », il a néanmoins estimé qu’en empêchant l’Iran d’acquérir des armes nucléaires, les dividendes obtenus feraient que le risque en vaut la peine.

Alors que les dirigeants arabes semblent beaucoup plus préoccupés par un Iran nucléaire que par les armes nucléaires d’Israël, il est difficile d’en tirer des comparaisons car il y a une absence marquante de toute mention de vues des dirigeants arabes par rapport à Israël dans les documents publiés à ce jour.

En fait, cela a entraîné des spéculations dans le monde arabe que ces fuites pouvaient être une tentative délibérée de pression sur les chefs arabes pour qu’ils se joignent à une alliance avec Israël contre l’Iran. Et bien que les documents révèlent que les dirigeants arabes sont plus préoccupés par l’Iran que par Israël, aucun d’entre eux n’indiquent une acceptation officielle de former un pacte anti-iranienne avec Israël.

Néanmoins, et même en tenant compte des réserves quant à la nature de la fuite, l’image qui en ressort est celle de dirigeants arabes faibles à la merci des États-Unis, et pleurant pour bénéficier de la protection de l’Oncle Sam.

Les documents révèlent que les dirigeants du Golfe en particulier craignent que l’Iran n’exploite son influence sur leurs électeurs chiites et son soutien pour le Hamas et le Hezbollah pour établir des bastions à l’intérieur des pays arabes. Un chef de file des Emirats Arabes Unis est cité comme disant que « l’Iran met en place des ’émirats’ dans le monde musulman, y compris au sud du Liban et à Gaza, des ’émirats’ en sommeil au Koweït, dans le Bahreïn et la province orientale de l’Arabie saoudite, le principal de ses ’émirats’ dans sud de l’Irak, et maintenant à Saada [au Yémen] ».

Ils ne semblent pas craindre la possibilité que l’Iran n’utilise des armes nucléaires - une fois qu’il les aurait développées - mais la façon dont la capacité nucléaire a déjà enhardi la république d’Iran, et continuera à l’enhardir à agir comme « une superpuissance dans le région ».

Mais, surtout, ce que les documents ne révèlent pas, c’est la pression que les Etats-Unis exerce sur les gouvernements arabes pour qu’ils s’engagent contre l’Iran. En excluant ces informations, les documents offrent une image quelque peu trompeuse des Etats-Unis comme étant en faveur « de discussions », tandis que les chefs arabes poussent au recours à la force.

La superpuissance régionale

La vérité peut être plus complexe que les documents publiés ne le suggèrent, puisque les dirigeants arabes sont vulnérables aux pressions venant des États-Unis. Cependant, ce qui est évident, comme c’est dit le plus clairement par les autorités jordaniennes, c’est que la plupart des gouvernements arabes pro-occidentaux craignent une entente irano-américaine qui soit à leurs frais. A l’origine de ce sentiment est la crainte que les Etats-Unis finissent par accepter l’Iran comme la principale puissance régionale et, éventuellement, tolèrent des bouleversements soutenus par l’Iran dans les pays arabes.

Les Etats du Golfe comme le Bahreïn, le Koweït et l’Arabie saoudite ont peur que leur électorat chiite, avec le soutien iranien, se retourne contre leurs gouvernements, alors que la peur de la Jordanie et de l’Egypte que l’Iran ne soutienne les Frères musulmans sunnites ou au moins n’encourage la radicalisation du public arabe - en particulier si aucune solution à la crise palestinienne n’est en perspective.

Les documents ne présentent pas une tableau complète, mais ils révèlent le fossé entre les dirigeants arabes et leur public.

L’influence tant redoutée de l’Iran est dans une large mesure le résultat de l’occupation continue par Israël de terres arabes et l’absence de progrès dans les négociations israélo-arabes. Le soutien iranien au Hamas et, plus encore, au Hezbollah - le seul mouvement qui a su imposer un retrait israélien de territoires arabes occupés - jette un lumière crue sur les gouvernements arabes en exposant leur impuissance vis-à-vis d’Israël.

Les révélations de Wikileaks vont éroder davantage l’image des dirigeants arabes dans l’opinion publique arabe et rendre plus difficile pour eux la défense publique d’une guerre contre l’Iran. Même si certaines des craintes exprimées par les dirigeants arabes sont partagées par des secteurs de la population arabe, toute tentative officielle arabe, au-delà des portes closes de réunions avec des responsables américains, de faire de l’Iran l’ennemi, plutôt qu’Israël, va se retourner contre eux.

* Lamis Andoni est une analyste et une commentatrice des affaires du Moyen-Orient et de la Palestine.

Du même auteur :

- Israël veut sous-traiter l’occupation de Gaza à l’Union Européenne - 9 août 2010
- Calme précaire à Gaza et temps des soupçons - 21 mars 2008
- Les Palestiniens aspirent à l’unité - 18 janvier 2008
- Financer l’occupation - 19 décembre 2007

29 novembre 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/indept...
Traduction : Info-Palestine.net