Mars 2010 - Hillary Clinton rencontre à Moscou, son homologue Sergueï Lavrov. Les dirigeants russes doivent être aujourd’hui ravis d’apprendre ce qui se dit sur leur compte dans les coulisses...

Il s’agit d’une collection de plus de 250 000 messages du Département d’État des États-Unis, obtenus par le site Web de Wikileaks, qui sont tirés d’épisodes inédits depuis les points chauds du monde. Beaucoup traitent d’autres grands événements et de faits qui mettent entièrement à nu la politique étrangère américaine, mettent en lumière ses mécanismes et ses sources d’inspiration, soulignent ses faiblesses et ses obsessions, et facilitent dans le même temps la compréhension par les citoyens des circonstances, du côté obscur, dans lesquelles les relations internationales se développent.

Ces documents contiennent des commentaires et des rapports faits par les responsables américains, avec un langage très franc sur des personnalités des quatre coins du monde. Ils révèlent le contenu d’entretiens au plus haut niveau, permettent de découvrir des activités d’espionnage insoupçonnées et exposent en détail les opinions exprimées et les données fournies par différents sources en contact avec les ambassadeurs des États-Unis et avec des diplomates de nombreux pays, dont l’Espagne.

Il est évident, par exemple, que les États-Unis soupçonnent que la politique russe est entre les mains de Vladimir Poutine, qui est jugé comme un homme politique dont le style autoritaire et macho lui permet de communiquer de façon transparente avec Silvio Berlusconi.

Du Premier ministre italien, sont détaillées les « fêtes sauvages » et est décrite la profonde méfiance de Washington à son égard. La diplomatie américaine n’apprécie guère Sarkozy, qui est très méticuleusement surveillé au cas où il prenne une initiative visant à contrecarrer la politique étrangère américaine.

Les documents révèlent l’activité intense du même Sarkozy pour s’en prendre à l’Iran, le grand jeu qui tourne autour de la Chine, dont la position dominante en Asie est presque acceptée, ou des efforts pour courtiser les pays d’Amérique latine de façon à isoler Hugo Chávez, le président du Venezuela.

Parfois, les expressions utilisées dans ces documents sont de nature telle que cela peut faire exploser les relations des États-Unis avec certains de ses principaux alliés, et peut mettre en danger certains projets importants de sa politique étrangère, comme le rapprochement avec la Russie ou l’appui à certains gouvernements arabes.

La portée de ces informations est d’une telle ampleur que l’on va sûrement pouvoir parler d’un avant et d’un après dans le domaine des pratiques diplomatiques. Cette fuite peut mettre fin à l’ère d’une certaine politique étrangère : les méthodes de communication traditionnelles et les pratiques employées pour collecter des informations sont contestées dès à présent.

Tous les services diplomatiques du monde, et surtout ceux des États-Unis, où ces fuites succèdent à celles relatives à l’Irak et à l’Afghanistan, seront maintenant réexaminés et devront probablement modifier radicalement leurs méthodes.

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Radicalisme islamique et terrorisme

Les documents mettent aussi à jour les actions entre les États-Unis et leurs alliés pour lutter contre le terrorisme et le radicalisme islamique, tout en révélant des détails sur ces événements importants comme le boycott par la Chine de la société Google ou les affaires conjointes de Poutine et de Berlusconi dans le secteur du pétrole. D’un intérêt tout à fait particulier sont les preuves de l’ampleur de la corruption à l’échelle mondiale, et des pressions permanentes sur les différents gouvernements, du Brésil jusqu’à la Turquie, pour promouvoir les intérêts commerciaux ou militaires des États-Unis.

Parmi les premiers documents rendus publics aujourd’hui, se dévoile la peur panique des plans militaires de l’Iran - et de son programme nucléaire - suscitée parmi les pays arabes, certains dirigeants suggérant même qu’il est préférable de lancer une guerre conventionnelle aujourd’hui que d’avoir demain un Iran nucléarisé. Ils montrent la grande préoccupation des États-Unis concernant les développements en Turquie et la surveillance étroite à laquelle est soumis le Premier ministre Erdogan.

Et surtout, cette première édition révèle les instructions que le Département d’Etat a données à ses diplomates aux Nations Unies et dans certains pays pour développer un véritable travail d’espionnage concernant le secrétaire général des Nations Unies, ses principaux collaborateurs et ses missions les plus sensibles.

Les lecteurs trouveront en accédant aux chroniques successives des détails inattendus sur la personnalité de certains dirigeants de premier plan, et comprendront le rôle que peuvent jouer les aspects les plus intimes de certains dirigeants dans les relations politiques. Cela est particulièrement évident en Amérique latine, où l’on découvre les jugements de diplomates américains sur le caractère, les loisirs et les faiblesses des figures les plus controversées.

Demain, El Païs fournira les détails, par exemple, sur les soupçons que la présidente de l’Argentine, Cristina Fernandez de Kirchner, a éveillées à Washington, puisque la Secrétaire d’Etat [Clinton] a cherché à en savoir davantage sur sa santé mentale. Le même jour seront connues certaines des mesures que la diplomatie américaine a prises pour rapatrier les prisonniers de Guantanamo, et l’intense activité en Asie pour endiguer la Corée du Nord.

Documents controversés

Certains documents sont extrêmement controversés, comme des messages de l’ambassadeur américain à Tripoli selon lesquels le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi utilise du botox [injections sous-cutanées anti-rides] et qu’il est un hypocondriaque qui fait filmer tous ses examens médicaux pour en faire une analyse ultérieure avec ses médecins. Sont également controversés des récits avec des descriptions minutieuses de pratiques locales, comme celui fait par un diplomate américain invité à un mariage au Daghestan et illustrant le degré de corruption dans la région.

Des documents sont une grande valeur historique, comme ceux révélant l’engagement de la diplomatie américaine pour le renversement du général panaméen Manuel Antonio Noriega, ou ceux qui détaillent certaines actions des États-Unis en faveur du coup d’Etat qui a renversé Manuel Zelaya au Honduras. D’autres documents sont d’un grand intérêt dans l’actualité, comme ceux illustrant la pression exercée sur le président afghan Hamid Karzaï pour qu’il contienne la violence de ses proches et facilite la gouvernance.

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