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Avant l’orage : des pourparlers déjà en faillite
samedi 2 octobre 2010 - Ramzy Baroud
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La mauvaise mise en scène à laquelle on assiste aujourd’hui est encore moins prometteuse que les discussions menées en juillet 2000.

C’était le statu quo à son maximum, un simple défilé de dirigeants régionaux et américains devant des cameramen affamés d’images. Ces dirigeants ont promis « de ne ménager aucun effort » et ont fait l’éloge de l’indéniable altruisme contenu dans le concept même de « paix ».

Le Premier ministre israélien a évoqué, sur le même ton de martyr utilisé dans le passé par les dirigeants israéliens, les compromis « douloureux » et les sacrifices nécessaires pour vaincre les nombreux obstacles qui leur font face.

Mahmoud Abbas - dont la présidence sur une Autorité palestinienne rongée par la corruption a expiré - sourit, serre des mains et parle de façon peu convaincante de ses espoirs et ses attentes.

Les dirigeants jordaniens et égyptiens sont également là. Leur présence n’est qu’une tentative de marquer une différence entre cet événement présent et la dernière tentative qui n’avait pu aboutir à un accord de paix. Lorsque le défunt leader palestinien Yasser Arafat et Ehud Barak d’Israël ont été confinés à Camp David sous l’égide du président Bill Clinton, Arafat s’était retrouvé seul à devoir se débrouiller, sans aucun soutien arabe. Ce fait avait laissé toutes les cartes dans les mains d’un Barak largement soutenu par les Etats-Unis. La discussion avait été alors une parodie, comme c’est le cas aujourd’hui.

Les discussions laborieusement mises en scène aujourd’hui sont en réalité encore beaucoup moins prometteuses que celles de juillet 2000. Barak disposait d’un réel mandat [de son gouvernement], tandis que Netanyahu dirige une coalition de mécontents largement issus d’une extrême-droite fanatisée. Arafat, bien que sa popularité avait déjà diminué, représentait une autorité morale et une figure qui pouvait rassembler toutes les factions palestiniennes, y compris le mouvement Hamas.

Abbas quant à lui, se trouve à la tête d’une clique extrêmement discréditée et inefficace d’hommes d’affaires et de politiciens ne pensant qu’à leurs propres intérêts. De plus, le mandat [présidentiel] d’Abbas a expiré, et les membres de son cabinet ont été triés sur le volet pour usurper la place du gouvernement démocratiquement élu du Hamas, dont les membres sont soit sous état de siège à Gaza, soit détenus dans les geôles israéliennes.

Inutile de dire que cette dernière série de pourparlers manque sérieusement de légitimité et de bonne volonté.

Tout d’abord, Israël n’a aucun intérêt à garantir une issue positive [à ces discussions]. Il est totalement investi dans ses projets de colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est déjà déconnectés l’un de l’autre. Le gouvernement de Netanyahu a l’intention d’accélérer ses travaux une fois que le gel temporaire de la colonisation aura expiré, quelques jours à peine après le second tour de discussions le 14 et 15 septembre. Le premier jour des pourparlers, les troupes israéliennes ont envahi toute une zone au nord de Gaza et ont élargi la zone dite « tampon » d’environ 300 mètres...

Quant à Abbas, sa situation est pire que jamais. Son pouvoir est extrêmement faible par rapport à la suprématie politique d’Israël à Tel Aviv comme à Washington, ainsi que face au contrôle israélien quasi total du propre secteur géré par Abbas en Cisjordanie. Sachant cela, quelqu’un ne peut pas à la fois être réaliste et à la fois espérer quelque chose des « douloureuses » concessions israéliennes. Abbas continue donc de traîner les pieds. Il se peut qu’il estime n’avoir pas d’autre choix, que son absence le priverait de toute valeur politique et lui ferait courir le risque d’attirer les foudres de Washington, son plus grand pourvoyeur de fonds et de moyens.

Mais même si les discussions d’une durée d’un an aboutissaient miraculeusement à un accord, Abbas ne sera pas en mesure de vendre cet accord à son propre peuple. Le vieux dirigeant usé est à peine capable de garder uni son propre parti, lequel n’est plus le principal acteur dans la politique palestinienne. Le Fatah d’aujourd’hui est un Fatah différent de celui d’Arafat en 1993. Sa corruption a empiré dans la mesure où il agit désormais comme un organisme protégeant les affairistes et dont les membres s’enrichissent grâce à la charité internationale et au monopole exercé par Israël sur les affaires.

Tout aussi significatif est le fait que les « ennemis de la paix » d’hier sont devenus les partis légitimes qui devraient être réellement impliquée dans des discussions substantielles avec Israël. Ils sont rejetés parce qu’ils insistent sur un changement de paradigme dans la façon dont les négociations avec Israël sont menées. Ils soutiennent que toute discussion de fond - surtout entre des pouvoirs profondément inégaux - doit avoir lieu avec un cadre de référence clair, impliquant une tierce-partie impartiale, et basé sur le concept de « justice » - et non pas sur celui d’un « processus de paix » trompeur à la sauce Kissinger.

Les pourparlers doivent également garantir le bien-être et la sécurité du peuple palestinien dans le même intervalle, par le biais d’une trêve à long terme supervisée par les Nations Unies. Des pourparlers de paix menés sous la menace des armes tandis que la population est affamée et assiégée ne promettent guère de résultats positifs.

Ce dont nous pouvons être sûrs, c’est que que cette tentative de paix si peu enthousiasmante n’amènera rien de bon. Si un accord est d’une façon ou d’une autre fabriqué, il est voué à l’échec. Le peuple palestinien, la partie absente mais réelle pour toute solution durable, ne le permettra tout simplement pas. Les Palestinien ont tendance à écouter les charades jusqu’à leur fin, et ils réagissent alors au moment opportun pour les résoudre. Presque chaque révolte palestinienne dans le passé est issue de processus similaires, le second soulèvement palestinien [Intifada] de l’année 2000 étant l’exemple le plus pertinent. Lorsque Arafat a été humilié et contraint de se soumettre aux diktats américano-israéliens, les Palestiniens de tous les partis et de tous les secteurs de la société ont laissé exploser leur colère. Israël a interprété cette révolte comme une tentative de la part des Palestiniens d’imposer des concessions et son recours à la violence pour réprimer la révolte a été d’un niveau sans précédent. Plusieurs milliers de Palestiniens ont été tués et blessés, et le reste appartient maintenant à l’histoire.

Si une spirale de violence explose cette fois-ci, elle promet d’être bien pire qu’auparavant. Ceux qui s’accrochent à la résistance en Palestine ont été encouragés par le succès du Hezbollah au Liban et du Hamas à Gaza. De plus, ils sont encouragés par leur légitimité politique, suite aux élections démocratiques de 2006. On peut s’attendre à ce que Netanyahu n’hésite pas à interpréter les protestations palestiniennes comme un complot visant à intimider Israël. Le problème avec la violence, c’est qu’une fois qu’elle a atteint un nouveau seuil, il est rare qu’elle se retire dans ses anciennes limites. Ce qui s’est passé à Gaza sous les coups de l’armée israélienne en 2008-09 a été terriblement de nature vraiment génocidaire. La violence à venir est susceptible d’appartenir à la même catégorie.

Pour éviter cela, les stratèges de Washington ont vraiment besoin de reconsidérer les conséquences à long terme des politiques suivies par leur gouvernement. Les metteurs en scène travaillant pour Obama sont capables d’aligner une poignée de dirigeants dans un ordre parfait devant une foule de journalistes, mais ils seront incapables de refréner le chaos politique qui s’en suivra lorsque les négociations échoueront, car elles vont échouer.

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international syndiqué et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.

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6 septembre 2010 - Communiqué par l’auteur
Traduction de l’anglais : Nazem