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L’attaque d’Israël contre l’Egypte en 67 n’était pas « préventive »
samedi 17 juillet 2010 - Jeremy R. Hammond - CounterPunch
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Rabin, au centre sur la photo, a plus tard reconnu que c’était l’état sioniste qui avait délibérément lancé les hostilités.

Le président de l’Egypte, connue alors comme la République Arabe Unie (RAU), Gamal Abdel Nasser, a plus tard informé le président américain Lyndon Johnson que ses troupes s’étaient postées dans la Péninsule du Sinaï, lieu d’une précédente guerre, pour se défendre dans la crainte d’une attaque israélienne.

Au cours d’une rencontre avec Nasser, l’envoyé spécial de Johnson à la RAU, Robert B. Anderson, a exprimé le scepticisme des Etats-Unis concernant l’installation de troupes égyptiennes dans le Sinaï, ce à quoi Nasser a répondu, « Que vous le croyiez ou non, nous craignions une attaque israélienne. Nous avions été informés que les Israéliens avaient massé leurs troupes à la frontière syrienne avec l’idée d’une première attaque contre la Syrie, où ils ne s’attendaient pas à rencontrer une telle résistance, et ont alors lancé une attaque sur la RAU. »

Anderson a alors dit à Nasser « qu’il était malheureux que la RAU ait cru de telles choses, qui n’étaient simplement pas probables au vu des faits », ce à quoi Nasser a rétorqué que ses informations étaient issues de sources sûres (informations vraisemblablement issues des services secrets soviétiques).

Nasser a ajouté : « votre propre Département d’Etat a appelé mon ambassadeur (égyptien ndlr) aux Etats-Unis en avril ou en mai et l’a prévenu qu’il y avait des rumeurs d’un possible conflit entre Israël et la RAU. »

Les services de renseignements américains avaient en effet prévu la guerre à venir. « La CIA avait raison à propos de la chronologie, de la durée et du résultat de la guerre » remarque David S. Robarge dans un article disponible sur le site Internet de la CIA.

Le 23 mai [1967], le directeur de la CIA, Richard Helms, a exposé à Johnson l’évaluation de la CIA disant qu’Israël pourrait « se défendre victorieusement contre des attaques arabes simultanée sur tous les fronts... ou maintenir ses positions sur trois fronts pendant le lancement d’une offensive majeure sur le quatrième. »

Dans un document intitulé « Les Capacités Militaires d’Israël et les Etats Arabes », la CIA estimait qu’ « Israël pourrait, avec quasi certitude, atteindre la suprématie aérienne sur la péninsule du Sinaï en moins de 24 heures après en avoir pris l’initiative ou en deux ou trois jours si la RAU attaque en premier. »

En plus de cela, la CIA jugeait la présence militaire de Nasser dans le Sinaï défensive, établissant que « des forces blindées pourraient percer la double ligne de défense de la RAU dans le Sinaï en trois ou quatre jours et repousser les Egyptiens à l’ouest du Canal de Suez en sept à neuf jours. Israël pourrait contenir toute attaque de la Syrie ou de la Jordanie pendant cette période. »

Bien que les Arabes aient une supériorité numérique en termes d’équipements militaires, « la Force de Défense Israélienne (FDI) a néanmoins une supériorité qualitative sur les forces armées arabes dans presque tous les aspects des opérations de combats. »

Johnson lui-même avait dit au ministre des affaires étrangères israélien Abba Ebain, « toutes nos équipes de renseignements disent unanimement que si la RAU attaque, vous les enverrez en enfer. »

Pendant ce temps, Israël déclare être « mal armé », présumant avec justesse, écrit Robarge , « que Washington donnerait suffisament de crédit à ce type d’affirmation et que les dirigeants américains reprendraient l’opinion d’Israël sur la question israélo-arabe plutôt que celle de leurs propres services de renseignement. »

Pourtant Helms avait connaissance que « l’Office of National Estimates (ONE) avait préparé une évaluation des prévisions du Mossad », estimant : « Nous ne croyons pas » que les affirmations des Israéliens selon lesquelles ils seraient en position de faiblesse « soient une estimation sérieuse qu’ils voudraient présenter à leurs propres dirigeants. »

Ni les renseignements américains, ni les renseignements israéliens n’ont pu établir qu’existaient de sérieuses menaces d’une attaque égyptienne. Au contraire, les deux ont considéré la possibilité que Nasser puisse lancer les hostilités en premier comme extrêmement mince.

L’actuel ambassadeur israélien aux Etats-Unis, Michael B. Oren, a reconnu dans son livre « Six Jours de Guerre », largement considéré comme le compte-rendu définitif de la guerre, que « compte tenu de tous les rapports qu’Israël a reçu des Etats-Unis, et selon ses propres informations, Nasser n’avait aucun intérêt à faire couler le sang ».

Du point de vue israélien, « Nasser aurait été cinglé » d’attaquer Israël en premier, et la guerre « ne serait survenue que si Nasser estimait qu’il avait une supériorité militaire totale sur la FDI, qu’Israël était miné par une crise nationale, et, le plus important, que l’Etat hébreu était isolé d’un point de vue international - conjecture très improbable » (pp 59 - 60).

Quatre jours avant l’attaque israélienne sur l’Egypte, Helms a rencontré un officiel israélien qui a exprimé l’intention d’Israël d’entrer en guerre, et que la seule raison du retard appliquée à cette décision était les efforts de l’administration Johnson de freiner les deux camps pour empêcher un conflit violent.

« Helms a interprété ces confessions comme laissant entendre une très prochaine attaque venant d’Israël », écrit Robarge. Il a rapporté à Johnson « qu’Israël lancerait la guerre dans quelques jours ».

« Helms a été réveillé à trois heures du matin le 5 juin par un appel du Centre des Opérations de la CIA », qui a reçu l’information « qu’Israël avait lancé son attaque » et que, contrairement à la déclaration israélienne disant que l’Egypte était l’agresseur, Israël avait frappé en premier.

Yitzhak Rabin, qui deviendra plus tard premier ministre, a déclaré au Monde l’année suivant la guerre de 67 : « Je ne pense pas que Nasser voulait la guerre. Les deux divisions qu’il a envoyées au Sinaï n’auraient pas été suffisantes pour lancer une attaque. Il le savait ou nous le savions. »

Le premier ministre israélien Menachem Begin a admis lors d’un discours en 1982 que cette guerre contre l’Egypte en 1956 était une guerre « voulue » et que, « en juin 1967, nous avions aussi le choix. L’approche de l’armée égyptienne dans le Sinaï ne prouve pas que Nasser était vraiment sur le point de nous attaquer. Nous devons être honnêtes avec nous-mêmes. Nous avons décidé de l’attaquer ».
En dépit de l’absence totale de documents [étayant la thèse de l’attaque préventive], et en dépit de ces aveux officiels israéliens, il est quasi obligatoire pour les analystes parlant aujourd’hui de la guerre de 67 de décrire l’attaque israélienne sur l’Egypte comme « préventive ».

* Jeremy R. Hammond est un journaliste indépendant et un éditeur pour le Foreign Policy Journal. Il était candidat pour recevoir le Trophée du Projet Censuré pour un remarquable article d’investigation, et il est l’auteur de The Rejection of Palestinian Self-Determination, disponible sur Amazon.com. Il a rédigé cet article pour PalestineChronicle.com.

4 juillet 2007 - CounterPunch - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinechronicle.com/view_...
Traduction de l’anglais : Yazid Slaim