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À Gaza, une comédie satirique interpelle les chefs palestiniens affairistes
mardi 16 mars 2010 - L’Orient-le-Jour
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Intitulée "Cordon ombilical", cette comédie grinçante épingle le Hamas islamiste
et son rival laïc du Fateh, les deux principales factions palestiniennes.
(AFP)




Narrant les épreuves des Palestiniens ordinaires, elle se déroule dans un camp de réfugiés comme ceux où vivent une grande partie des quelque 1,5 million de Gazaouis.

L’un des personnages, Oum Zakariya, une réfugiée, raconte comment sa fille a réussi à revenir à Gaza en profitant d’une des rares ouvertures du terminal de Rafah, à la frontière égyptienne, afin d’épouser son fiancé sur le point de la quitter.

La vie quotidienne à Gaza est d’autant plus dure que l’enclave est en état de siège, soumise à un strict blocus de la part d’Israël, mais aussi de l’Égypte, seul autre pays -arabe qui plus est- ayant une frontière commune avec le territoire palestinien.

Si tous les groupes en prennent pour leur grade, il est remarquable que la pièce soit jouée à Gaza, sous la coupe du Hamas qui en a chassé le Fatah par la force en 2007.

Car la satire est féroce. Lorsqu’un acteur jouant un représentant du Hamas ose affirmer que le mouvement a libéré Gaza (en fait Israël s’en est retiré en 2005), il suscite la colère d’une foule de figurants : "Gaza est en état de siège et chaque jour les chars (israéliens) font des incursions", lui lance un personnage, "la résistance au blocus se fait grâce à nos enfants martyrs" !

"Mais nous vous apportons de l’argent en échange de vos enfants martyrs", argue le cadre du Fateh. "J’emmerde le fric !" rétorque Oum Zakariya, qui a perdu son fils dans une incursion israélienne.

"Prenez ma vie et rendez-moi celle de mon fils. C’est une vie de chien, sans électricité, sans farine, sans emploi", dit-elle.

Un autre personnage se plaint de la rivalité entre le Hamas et l’Autorité palestinienne qui gouverne en Cisjordanie, et de leur incapacité à obtenir la levée du blocus. "Nous avons deux ministères de la Santé (un à Gaza et l’autre en Cisjordanie) mais pas d’électricité, pas de farine et pas de ciment".

Au cours de l’intrigue, apparaissent quatre cadres portant costume et attachés-cases avec un cordon à la couleur de leur allégeance politique, d’où le titre de la comédie : vert pour le Hamas, jaune pour le Fateh, noir pour le Jihad islamique et rouge pour la gauche.

"Créer une faction est plus facile qu’ouvrir un magasin", ironise le bouffon de la pièce, prénommé Lafi al-Ahbal ("imbécile" en arabe). "Si vous voulez créer une faction, vous n’avez qu’à hurler des slogans sur Jérusalem, les colonies (juives), le Mur de séparation (en Cisjordanie). Vous allez faire fortune", se gausse-t-il.

L’Autorité palestinienne subsiste grâce aux centaines de millions de dollars d’aide qu’elle reçoit de l’Union européenne et des États-Unis. Le Hamas est largement financé par l’Iran.

Le ton de la pièce a provoqué un certain émoi à Gaza.

"Je craignais qu’elle ne fut interdite", affirme son metteur en scène Hazem Abou Hamid, qui s’est bien gardé de révéler les passages les plus mordants avant la première. Elle a été jouée trois soirs cette semaine devant 1 500 spectateurs chaque fois.

"C’est une soupape qui traduit ce que les gens disent entre eux, leur exaspération face à la division des Palestiniens et leur colère devant le fait que l’aide étrangère interfère avec les décisions" politiques, souligne-t-il.

Iyad Abou Shariya, auteur et producteur de la pièce financée par l’aide suisse, est plus direct : "C’est un cri à l’attention des dirigeants, car les gens sont fatigués et en ont marre de leur façon de faire. Nous voulions les forcer à entendre ce que nous avons à dire".

14 mars 2010 - L’Orient-le-Jour