Il a débuté en 2004, et Electronic Intifada a publié un article à son sujet en avril 2005. Dans son spectacle, Dembina raconte son éducation dans « une famille juive traditionnelle » qui soutenait largement la cause sioniste. Malgré sa découverte du socialisme, Dembina se dérobait aux critiques occasionnelles de ses camarades à l’endroit d’Israël.
En 2004, Dembina voyage en Cisjordanie occupée avec un groupe de juifs non-sionistes ; il visite la ville palestinienne de Djénine où il assiste en direct à la répression sanglante infligée à la ville. Le titre de son spectacle provient d’un commentaire qu’il avait fait à un soldat israélien qui plaisantait au sujet de la maison que l’armée israélienne venait de détruire — punition collective infligée à la famille d’un kamikaze — et qui lui avait dit : "voilà, ce n’est plus leur maison."
Comme le spectacle le raconte, il a fallu une lente accumulation d’incidents pour transformer Dembina, de gauchiste silencieux, en antisioniste déclaré. Parmi ces incidents, il y eu les commentaires en faveur des Palestiniens de son héroïne, Vanessa Redgrave, l’horreur des massacres de 1982 perpétrés dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila au Liban, et le livre de dessins de Joe Sacco Palestineen 2001qu’il avait reçu en cadeau. Dembina a découvert qu’il n’était pas le seul juif à penser ainsi ; « ce fut un tel soulagement... C’était comme quand vous découvrez que vous n’êtes pas le seul gay dans votre village". Il a signé la déclaration de Jews for Justice for Palestinians soutenant les droits des Palestiniens et une paix juste. Son « militantisme » actuel passe principalement par les Jewish Socialists ; ce groupe remonte explicitement au Bund, organisation juive fondée au 19e siècle, qui rejetait le sionisme parce qu’il "fuyait la réalité »". Il célébrait et défendait la vie et la culture juives dans les pays où elle existait déjà.
Après son expérience à Djénine, Dembina s’est senti obligé de raconter ce voyage. Il reconnaît toutefois que sous sa première forme, le spectacle cédait à la nécessité « de faire rire » aux dépens de la cohérence du contenu.
"J’ai remanié le spectacle » dit Dembina ; « l’histoire est maintenant plus forte et je crois que le spectacle est devenu plus accessible pour les gens qui n’ont pas encore compris. Au début, le show plaisait à ceux qui étaient au courant du conflit et qui étaient peut-être déjà engagés. L’histoire est donc plus claire tout en gardant le ton de la comédie. Je crois que le show est meilleur maintenant ... Je peux regarder les gens dans les yeux et leur dire, il vaut la peine d’être vu. "
De toute évidence, certains sont d’accord : Dembina est devenu le premier humoriste qui ait jamais été invité à se produire à la Chambre des communes britanniques, devant un parterre de membres du Parlement, de notables et d’hommes politiques.
Le nouveau show reprend certaines des « insultes sionistes » que Dembina a reçues. Le monologue est à présent ponctué de « lettres et de messages haineux anonymes émanant d’autres juifs, d’accusations de trahison etc. et je raconte comment j’y fais face ».
« Je n’y avais même pas fait allusion quand j’ai écrit le show » dit-il sotto voce.
Son spectacle remanié passe maintenant régulièrement à Londres même, ainsi qu’ailleurs au Royaume-Uni. Ayant présenté la première mouture de son spectacle en Cisjordanie occupée et devant des publics aussi bien juifs que palestiniens en Israël, Dembina se demande où « Il n’y a pas de quoi rire » serait d’application. « Mis à part la question du boycott - et ce n’est qu’une idée- » dit-il, « si jamais je présentais mon spectacle en Israël à nouveau, je voudrais que ce soit devant un grand public, qui aurait toutefois l’esprit assez ouvert. Se placer dans une situation hostile n’a pas de sens, si ce n’est pour remonter le moral du mouvement de la paix, une bonne chose pour autant que ce soit possible. Il n’est guère utile de prêcher les convertis non plus. Ce que je peux dire en faveur des sionistes, c’est qu’ils se jettent à l’eau quand ils viennent assister à mon spectacle. Ils repartent, réfléchissent et m’écrivent ensuite pour me faire part de leurs objections ».
Antisionisme et antisémitisme
Les lettres et les messages haineux que Dembina a incorporés dans son spectacle ne sont pas les seules manifestations d’hostilité que certains secteurs de la communauté juive lui adressent. Il a vécu « plusieurs moments très déplaisants » au fil des années. Il a fait l’objet d’attaques verbales en public et « j’ai été censuré par des organisations juives qui refusent de présenter mon spectacle - on me l’a dit en face « nous ne voulons pas de vous ici ». « Et mon nom est sur la liste noire ».
Par contraste avec les attaques qu’il subirait de la part des sionistes au sein de la communauté juive, il affirme que « personnellement, en 58 ans, je n’ai jamais été victime du moindre incident antisémite direct [en Grande-Bretagne] ». Il reconnaît qu’il existe un antisémitisme virulent, dont certains adhérents sont des « psychopathes ». Toutefois, il rejette les accusations des sionistes qui prétendent que l’antisémitisme est en augmentation dans le contexte de la campagne de solidarité avec la Palestine ; il ajoute que « dans l’ensemble, le racisme de la société vise surtout les Asiatiques, les noirs et les musulmans. Les juifs se trouvent tout en bas de cette liste , et si la situation était si mauvaise, les juifs d’ici ne commettraient pas la même erreur que dans les années 30 en Europe : ils partiraient en Amérique ou en Israël. Je crois que le spectre de l’antisémitisme est agité par les sionistes pour rallumer les craintes de persécutions - craintes compréhensibles vu ce qui nous est arrivé par le passé - et pour promouvoir Israël comme havre sûr s’il devait y avoir une résurgence de l’antisémitisme. Les sionistes manipulent la tragédie à leur avantage ; à la question de savoir s’il existe des antisémites dans le mouvement antisioniste, je vous répondrais que c’est tout à fait possible. Je n’en ai pas rencontré, mais je résoudrais le problème de la même manière qu’avec n’importe quel fasciste, la manière que seuls les fascistes comprennent. Vous ne pouvez pas rester les bras croisés, vous devez faire le tri ».
Toutefois, en dépit des affrontements qu’il a eus avec des partisans du sionisme, Dembina pense aussi, qu’en Grande-Bretagne du moins, la cause sioniste donne des preuves irréfutables de faiblesse. « Je crois que les insultes directes et les manifestations de haine sont une tactique que les sionistes dans leur ensemble commencent à délaisser » fait-il observer. « Je crois qu’ils ont appris à leurs dépens que leurs victimes sont encore plus déterminées à s’exprimer en public et que les campagnes de haine peuvent être contre-productives. Je crois qu’ils essaient d’engager le débat et choisissent un angle de relations publiques entièrement positif comme cette campagne de courriels au sujet de l’envoi d’aide médicale en Haïti. Ou alors, ils utilisent l’Iran comme excuse. Ils produisent constamment des raisons pour lesquelles la communauté juive devrait soutenir Israël et tour à tour, la futilité de chaque tactique est démasquée ».
Dembina est également convaincu que l’opinion change vraiment au sein de la communauté juive britannique et que la combinaison de manifestations, de contributions culturelles et de débats publics sensibilise véritablement les gens à l’égard de la Palestine. Ce qu’il appelle la « ruse » consistant à accuser d’antisémitisme tout qui critique l’État d’Israël a fait « long feu ».
« Le sol est mouvant" dit-il "mais je ne sais pas dans quelle mesure ». Je ne dirais pas que les sionistes sont sur la défensive maintenant, mais ils n’ont certainement pas l’avantage. Sans exagération, il y a 10 ans, il aurait été inimaginable qu’un comédien juif monte son show dans le c ?ur de Londres. J’ai l’impression que la plupart des juifs ne critiqueront pas encore ouvertement l’État d’Israël, mais il semble qu’ils soient moins disposés à s’afficher comme sionistes. Les sionistes auront beaucoup plus d’efforts à faire pour obtenir l’adhésion de la communauté juive. Je joue souvent devant des publics juifs, et ils sont de plus en plus embarrassés par les singeries des services secrets sionistes qui prétendent parler en leur nom ; ils commencent à prendre leurs distances ».
Dembina lance toutefois un avertissement : ceci peut rendre le lobby juif d’autant plus dangereux. « Vous avez affaire à un groupe de personnes très en colère qui ont l’habitude d’obtenir tout ce qu’elles veulent. Il faudra être très prudent dans les mois et les années à venir » dit-il, relevant que l’État d’Israël est très adroit dans le « jeu du long terme » et réfléchit en cycles de « 30,50,100 ans », se taillant un morceau de terre après l’autre.
Malgré cette évaluation potentiellement sombre, Dembina est optimiste, et cite les décennies qu’il a fallu pour former un consensus mondial reconnaissant que « quelque chose n’allait pas et devait changer » en Afrique du Sud. « Dans le camp antisioniste, nous sommes en train de gagner » insiste-t-il, « mais lentement ».
Sarah Irving (http://www.sarahirving.net)est journaliste pigiste à Manchester, R.U. En 2001-02l, elle a travaillé avec le Mouvement de solidarité internationale en Cisjordanie occupée et en 2004-06, avec Olive Co-op, pour promouvoir le commerce équitable des produits palestiniens et les visites de solidarité. Maintenant, elle écrit à temps complet sur un éventail de questions, dont la Palestine. Son premier livre, Gaza : Beneath the Bombs écrit en collaboration avec Sharyn Lock, a été publié en janvier 2010.
Liens connexes : Think before you laugh
The Electronic Intifada, 26 février 2010
Cet article peut être consulté ici :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Anne-Marie Goossens